mercredi 11 mars 2009

Feu et Paix

Jérémie 29 10 à 14 : Col 3 9 à 17 : Luc 12 49 à 53

« Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pas de celui qui porte la bonne nouvelle, qui proclame la paix, qui dit à Sion : ton Dieu est roi. » (Esaie 52 7).
Qu’ils sont accablants les propos de Jésus proclamant la mauvaise nouvelle, je suis venu mettre le feu sur terre, je ne suis pas venu donner la paix sur terre.

Sur le chemin de Jérusalem, Jésus parle à ses disciples et tente de leur faire comprendre la raison profonde qui le conduira à accepter le sacrifice de sa vie, il leur dit « j’ai un baptême à recevoir, comme cela me pèse qu’il soit accompli ».
A la violence extrême qu’il anticipe, il fait face en affirmant, en quelque sorte, qu’il n’est pas un agneau sans volonté propre.
Je suis venu mettre un feu sur la terre, je suis venu mettre la division dans le monde !

La violence de ces propos est à la mesure de la violence de la prochaine exécution ignominieuse de Christ.
La violence est bien une expression, dans ses excès, propre à l’homo sapiens.
Pour vous le faire ressentir, je vous lis le texte de Deutéronome 20 versets 10 à 16
« Quand tu te présenteras devant une ville pour l’attaquer, tu lui proposeras la paix. Si elle accepte ta paix et t’ouvre ses portes, tout le peuple qui s’y trouve sera astreint pour toi à la corvée ; ils seront tes esclaves. Si elle ne fait pas la paix avec toi, si elle te fait la guerre, alors tu l’assiégeras ; le seigneur ton Dieu te la livrera, tu passeras toute sa population mâle au fil de l’épée. Les femmes, les familles, les bêtes, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, tu le pilleras et tu mangeras le butin pris sur l’ennemi, celui que le seigneur ton Dieu t’auras donné. Dans les villes qui font partie du territoire que Dieu t’a donné en patrimoine tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. »
Pourquoi une telle violence jamais démentie tout au long de l’histoire humaine ?
L’homme de notre espèce, homo sapiens, est apparu dans le riff Ethiopien, il y a 200 000 ans.
A cette époque lointaine le milieu lui était très favorable, il vivait de cueillettes et de chasse de proximité dans une forêt luxuriante.
Puis, le climat changeant, il dut s’adapter pour survivre à un milieu steppique.
Son cerveau développé lui permit de perfectionner ses comportements.
La transmission de génération en génération des progrès effectués pouvait se faire par la parole.
Ainsi la race s’adaptait au milieu, sans être fondamentalement modifié physiquement sous l’effet de la pression sélective.
Cette adaptation s’est effectuée essentiellement par la transmission d’une culture propre à chaque groupe humain.
Pour faire face au froid, on inventait les habits, pour se protéger des intempéries et de la prédation on inventait les abris sous tente, les huttes, l’aménagement des grottes.
Pour se déplacer on domestiquait bœufs et chevaux.
Pour fouir et couper on inventait les outils.
Pour se chauffer et se protéger on acquérait la maîtrise du feu.
Pour se nourrir on cultivait.
Pour se protéger on se regroupait dans les villes.
On fortifiait les cités ou on créait des murailles frontalières comme en Chine ou en Israel de nos jours.
L’avantage ainsi obtenu par rapport aux espèces animales permettait une augmentation rapide des effectifs humains.
Les différents groupes humains se concurrençaient fatalement et les hostilités devenaient permanentes aux limites territoriales.
Repoussées, les tribus les plus faibles tentaient de conquérir de nouveaux milieux vierges de présence humaine, à priori moins favorables que ceux dont ils étaient chassés.
De guerre en guerre, de terre en terre, les milieux les plus hostiles virent apparaître les hommes repoussés par les autres tribus, ainsi furent peuplés l’Europe, l’Asie, la Patagonie, les déserts, les îles perdues du Pacifique, l’Islande ou l’Australie, le grand Nord.
L’avantage appartenait aux sociétés humaines les plus évoluées du point de vue organisation, les plus aptes à se défendre, à assimiler les acquis des générations précédentes et à inventer.
Les cités de sédentaires prirent le pas sur les tribus nomades, les empires sur les tribus.
Le texte du Deutéronome aussi cruel qu’il soit ne fait que refléter une réalité évidente.
Seules survivent les sociétés les mieux armées, les mieux organisées soudées autour d’un chef efficace, disposant d’une culture efficiente et de Dieux performants attaché au clan.
Combien de tribus massacrées, de royaume terrassés jalonnent notre histoire nul ne le saura jamais.
Quels sont les gages d’une société prospère ?
La violence canalisée pour constituer des armées redoutées, l’ordre imposé par de fortes structures politiques et une religion partagée, les règles imposées par la loi et transmises dans les familles.
L’expérience montre qu’une société périclite faute de maintenir les colonnes qui fondent sa force; ordre, puissance des armées, morale et valeurs partagées, unité.
Jésus dit stop à ce monde là qui n’est pas une fatalité, il crie
« Comme je voudrais que ce feu soit déjà allumé ».
La loi du talion, la vilà consumée, tout comme les divisions en castes, ici les esclaves, là les serviteurs, plus haut la plèbe et tout en haut les hommes libres propriétaires des terrains et biens.
Les voilà consumés les empires arrogants et dominateurs, Babylone, Grèce d’Alexandre, Egypte , Rome, l’empire ottoman, la horde d’or.
Jésus nous dévoile son monde, son royaume, son projet en disant « Heureux les débonnaires car ils hériteront de la terre, heureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu ».
Jésus proclame la disparition des violences castrant la liberté qu’il offre à ses créatures. Cette disparition ne peut se faire sans divisions et ce jusqu’au sein des familles, tant les coutumes et instincts sont tenaces.
La famille lieu privilégié de la concorde, verra le père se dresser contre le fils et la mère ou la belle mère se dresser contre la fille au nom de l’ordre ancestral.
Dans la famille Juive du premier siècle, le père régnait sans partage, il pouvait même selon les termes de l’AT proposer la mise à mort de son fils pour insoumission, les mariages étaient arrangés au mieux des intérêts familiaux.
Les belles mères assuraient la transmission des règles sociales auprès de leurs belles filles.
Le père assumait la transmission de la loi, de la religion, du mode de vie, du métier.
La structure familiale constituait un ensemble hiérarchisé, figé dans le respect d’un ordre quasi immuable légué par les ancêtres.
Cet ordre avait permis la survie du clan, il était donc imprudent d’y déroger pour une toute autre organisation n’ayant pas fait ses preuves.
La famille était ainsi une véritable idole dont la sacralisation interdisait toute novation.
Jésus avait déjà largement indiqué son opinion à cet égard,
« Celui qui me préfère père ou mère n’est pas digne de moi, et celui qui me préfère fils ou fille n’est pas digne de moi » (Mat 10 37)
Ou encore
« Sa mère et ses frères se présentèrent, mais ils ne pouvaient l’aborder à cause de la foule. On l’en informa « ta mère et tes frères se tiennent dehors ils veulent te voir ».
Mais il leur répondit : « ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la mettent en pratique »
Jésus, ne vous y trompez pas, n’est pas celui qui figure sur les images Saint Sulpicienne, tout en bleu ciel et rose bonbon avec de longs cheveux blonds, la main caressant la tête d’un enfant ou d’un agneau.
Il vient pour remplir des outre neuves avec du vin nouveau.
Et les vieilles outres éclatent sous la pression des gaz produits par la fermentation du breuvage.
Le texte lu en Colossiens éclaire le projet totalement novateur de Christ
« Vous vous êtes dépouillés de l’homme ancien, avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau qui se renouvelle en vue de la connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé. Il n’y a là ni Grec, ni Juif, ni circoncis, ni barbare, ni Scythe, ni esclave, ni homme libre, mais le Christ en tout et en tout »
Dans la nouvelle donne, une seule famille, une seule patrie celle des croyants en Christ.
Le nouvel homme recherche le royaume de Dieu qui comme le dit Paul en Romains 14 17, n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie par le saint esprit.
Jésus met le feu sur la terre pour cautériser le péché en quelque sorte.
Le feu, comme la boule solaire irradiante, est le symbole de Dieu.
Une fois l’œuvre apocalyptique de purification accomplie, la fournaise se répartira en petites flammèches se posant sur le front des disciples à la Pentecôte.
Comme le dit Jean le Baptiste, lui Jésus, il baptise d’eau et de feu.
Toi aussi à ton baptême tu as reçu cette petite flammèche qui peut, si tu le veux, embraser le monde, pour peu que les entraves induites par le vieil homme qui logent en toi aient été abolies.
Jésus te regarde toi, tu as pour lui un nom unique que l’on ne décline pas en fils de, en ben, en descendant de David.
C’est pourquoi symboliquement comme Dieu avait changé le nom d’Abraham il change le nom de Pierre, et il l’adopte ainsi.
Toi, chrétien, tu es d’abord le fils adoptif de Christ et ainsi ta dignité, qui que tu sois, est infinie.
Jésus dit en Jean 14 27, « je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi je ne vous donne pas comme le monde donne »
Pour le monde la paix c’est un accord de non agression entre peuples, un équilibre fragile maintenu difficilement, tant dans le vieil homme, les impulsions agressives inconscientes sont puissantes et mal jugulées par la volonté consciente.
Pour le Christ, sa paix, c’est un souffle d’amour dont le premier effet est de transformer celui sur lequel il coule.
Pour illustrer ce propos, suivons les moines constructeurs du 11me siècle dans les églises dont j’ai décrypté les symboles dans le Brionnais.
Sur un chapiteau, des hommes barbus se tirent réciproquement la barbe, d’autres se dispûtent un bâton.
Sur une des faces du même chapiteau, figure un homme dont les attitudes transpirent la gêne, pieds resserrés et tordus, bras à moitié tendus, visage grimaçant.
Sans aucun doute cet homme est partagé, les passions qui l’habitent tentent de s’emparer du pouvoir représenté par le bâton ou la barbe.
Traversé par les pulsions et les instincts non maîtrisés l’homme est la proie de toutes les tentations.
Le chapiteau suivant présente, le vieil homme sous la forme d’un singe gentiment assis, deux personnages se bouchent une oreille ou la bouche, ont la main posée sur leur genou, au milieu entre les deux sujets précédents un superbe Atlante les mains levées au ciel irradie le bonheur.
Ainsi à l’exemple du Christ cet homme maîtrise la parole. L’écoute et la démarche sont contrôlées, le vieil homme est assagi et son attitude soumise saute aux yeux.
L’heureux homme peut alors accéder à la paix du Christ.
Il est devenu, comme Jésus le dit dans le sermon sur la montagne un artisan de paix que l’on peut dès lors appeler fils de Dieu.

C’est cette transformation là que Jésus attend de toi.
Pour y arriver, tu ne peux arguer des difficultés que tu as, du fait que tu es un possédant comme le jeune homme riche, ou du fait que ton père ou ta mère ne le veulent pas, ou que tes enfants te reprocheraient de bouleverser les projets familiaux pour allers secourir un blessé étranger jeté sur le bas côté et dont tout le monde se détourne.
La paix de Dieu surpasse toute intelligence et d’abord la tienne, ce que je sais c’est que comme Esaîe le dit « à celui qui est ferme dans ses dispositions tu assures la paix, la paix parce qu’il met sa confiance en toi » (Es 26 3).
Le terme hébreu Chalom a un sens ignoré, celui de la construction d’une maison.
La paix se fabrique, nous sommes comme le maçon construisant sa maison, « heureux les artisans de paix ».
Nous sommes des artisans constructeurs de paix.
Jésus nous donne sa paix comme ça, en poursuivant son œuvre de création, ce qui est bien dans sa nature, il ne donne pas la paix comme on donne une orange.
La paix n’est pas quelque chose que l’on aurait, que l’on posséderait, mais c’est quelque chose que l’on est, la paix est une qualité d’être, comme la santé.
La paix c’est aussi une qualité de relation, et cela est indissociable d’une qualité d’être.
Pour commencer je vous disais qu’ils sont tristes les propos de Jésus, pour finir, pour toi, je dis,
« Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pas de celui qui porte la bonne nouvelle, qui proclame la paix, qui dit à Sion : ton Dieu est roi. »

Et avec Paul en Romain15 13. Pour toute la famille de Christ.
« Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toutes joies et de toutes paix dans la foi pour que vous abondiez en espérance par la puissance du saint esprit ».

Amen