lundi 20 avril 2009

Roi ou fils de l'homme?

Es tu le roi des juifs, toi ? Jésus répondit : « c’est toi qui le dis ». 

C’est le seul moment dans les évangiles où Jésus épuisé, harassé devant un Pilate surpuissant,  laisse entendre qu’il pourrait être le roi.

Propos dérisoire et insensé tant la position de ce pauvre hère est éloignée de celle d’un souverain.

Si  les autres, les foules aussi  l’ont  appelé roi, lui, jamais.

Jésus avait tellement peur de la royauté terrestre qu’après avoir multiplié les pains pour nourrir 5000 personnes,  il se retira seul dans la montagne, car il savait que le peuple cherchait à s’emparer de lui pour en faire son roi.

Et pourtant emporté par l’aspect festif de l’arrivée de Jésus à Jérusalem, le Dimanche des rameaux, nous aussi chantons, à l’unisson avec la foule,  « béni soit le roi qui vient au nom du seigneur, hosanna hosanna au plus haut des cieux ».

Les enfants se réjouissent  de ramener  le buis béni dans le bénitier familial, et de bon cœur nous fêtons gaiement une sinistre méprise s’achevant sur une croix au sommet de laquelle est fiché un écriteau infamant où est inscrit « celui-ci est le roi des juifs ».

Double méprise, car Jésus n’est ni le roi au sens terrestre où nous l’entendons, et encore moins  le roi des seuls juifs.

Mais enfin, pourquoi Jésus  refuse t’il, avec tant d’obstination, d’être appelé roi ?

Il importe de revenir aux origines d’Israël.

 Dans les tribus nomades, il n’y avait  pas de royauté, les tribus étaient dirigées par des chefs de clan, des patriarches.

Quand Yahvé eut constitué les tribus en théocratie, le peuple eut à sa tête un homme de Dieu, un prophète. Il en fut ainsi de Moïse ou Josué.

Puis Yahvé présenta à son peuple la terre qu’il lui destinait au-delà du Jourdain.

Et il dit (Deut 17 14 à 20)

« Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Eternel, ton Dieu, te donne, lorsque tu le posséderas, que tu y auras établi ta demeure, et que tu diras : Je veux mettre un roi sur moi, comme toutes les nations qui m’entourent,  tu mettras sur toi un roi que choisira l’Eternel, ton Dieu, tu prendras un roi du milieu de tes frères, tu ne pourras pas te donner un étranger, qui ne soit pas ton frère.  Mais qu’il n’ait pas un grand nombre de chevaux ; et qu’il ne ramène pas le peuple en Egypte pour avoir beaucoup de chevaux ; car l’Eternel vous a dit : Vous ne retournerez plus par ce chemin là.

Qu’il n’ait pas un grand nombre de femmes, afin que son cœur ne se détourne point ; et qu’il ne fasse pas de grands amas d’argent et d’or.

Quand il s’assiéra sur le trône de son royaume, il écrira pour lui, dans un livre, une copie de cette loi, qu’il prendra auprès des sacrificateurs, les Lévites.

Il devra l’avoir avec lui et y lire tous les jours de sa vie, afin qu’il apprenne à craindre l’Eternel, son Dieu, à observer et à mettre en pratique toutes les paroles de cette loi et toutes ces ordonnances ; afin que son cœur ne s’élève point au dessus de ses frères, et qu’il ne se détourne de ces commandements ni à droite ni à gauche ; afin qu’il prolonge ses jours dans son royaume, lui et ses enfants, au milieu d’Israël. »

 

Mais durant les 2 siècles allant de Josué à Saül, sans cesse le peuple après chaque guerre victorieuse contre une tribu installée en Canaan, retombait dans le culte des Baal et renouait avec la défaite. Et de nouveau Yahvé devait susciter un héros pour  libérer son peuple de la griffe des ennemis. C’est ce qui est exposé en Juges 2 16,

« L’Eternel suscita des juges, afin qu’ils les délivrassent de la main de ceux qui les pillaient.

Mais ils n’écoutèrent pas même leurs juges, car ils se prostituèrent à d’autres dieux, se prosternèrent devant eux. Ils se détournèrent promptement de la voie qu’avaient suivie leurs pères, et ils n’obéirent point comme eux aux commandements de l’Eternel.

Lorsque l’Eternel leur suscitait des juges, l’Eternel était avec le juge, et il les délivrait de la main de leurs ennemis pendant toute la vie du juge ; car l’Eternel avait pitié de leurs gémissements contre ceux qui les opprimaient et les tourmentaient.

Mais, à la mort du juge, ils se corrompaient de nouveau, plus que leurs pères, en allant après d’autres dieux pour les servir et se prosterner devant eux, et ils persévéraient dans la même conduite et le même endurcissement. »

 

Ainsi, jamais Israël ne possédait la terre promise et ne pouvait, de ce fait, nommer un roi.

Comme il n’y avait pas de roi en Israël, chacun faisait ce qui lui convenait  (Juges 21 25).

Les Israéliens  restaient en contact avec  leur  Dieu à travers les prophètes.

Cette liberté était appréciée par beaucoup, tel le juge Gédéon, s’exclamant face au peuple qui voulait le faire roi

 « Je ne serai pas votre maître, ni moi, ni mon, fils, c’est la seigneur Yahvé qui sera votre maître » (Juges 8 23).

Il y eut toutefois un roi pour succéder à Gédéon, un de ses fils bâtard, Abimelek, mais cette histoire se solda par de terribles massacres, un échec complet  et le retour aux Juges.

C’est le juge et prophète Samuel qui après avoir rétabli Israël dans la paix dut accepter l’instauration de la royauté.

Le texte suivant en  juges 8, est explicite à cet égard.

 «  Lorsque Samuel devint vieux, il établit ses fils juges sur Israël.

 Les fils de Samuel ne marchèrent point sur ses traces ; ils se livraient à la cupidité, recevaient des présents, et violaient la justice.

Tous les anciens d’Israël s’assemblèrent, et vinrent auprès de Samuel à Rama.

Ils lui dirent : Voici, tu es vieux, et tes fils ne marchent point sur tes traces ; maintenant, établis sur nous un roi pour nous juger, comme il y en a chez toutes les nations.

Samuel vit avec déplaisir qu’ils disaient : donne-nous un roi pour nous juger.

Et Samuel pria l’Eternel.

L’Eternel dit à Samuel : Ecoute la voix du peuple dans tout ce qu’il te dira ; car ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux.

 Ils agissent à ton égard comme ils ont toujours agi depuis que je les ai fait monter d’Egypte jusqu’à ce jour ; ils m’ont abandonné, pour servir d’autres dieux.

Ecoute donc leur voix ; mais donne-leur des avertissements, et fais leur connaître le droit du roi qui régnera sur eux.

Samuel rapporta toutes les paroles de l’Eternel au peuple qui lui demandait un roi.

Il dit : Voici quel sera le droit du roi qui régnera sur vous. Il prendra vos fils, et il les mettra sur ses chars et parmi ses cavaliers, afin qu’ils courent devant son char ;

Il s’en fera des chefs de mille et des chefs de cinquante, et il les emploiera à labourer ses terres, à récolter ses moissons, à fabriquer ses armes de guerre et l’attirail de ses chars.

Il prendra vos filles, pour en faire des parfumeuses, des cuisinières et des boulangères.

Il prendra la meilleure partie de vos champs, de vos vignes et de vos oliviers, et la donnera à ses serviteurs.

 Il prendra la dîme du produit de vos semences et de vos vignes, et la donnera à ses serviteurs.

Il prendra vos serviteurs et vos servantes, vos meilleurs bœufs et vos ânes, et s’en servira pour ses travaux.

Il prendra la dîme de vos troupeaux, et vous–mêmes serez ses esclaves.

Et alors vous crierez contre votre roi que vous vous serez choisi, mais l’Eternel ne vous exaucera point.

Le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel. Non ! dirent ils, mais il y aura un roi sur nous,

 et nous aussi nous serons comme toutes les nations ; notre roi nous jugera il marchera à notre tête et conduira nos guerres.

Samuel, après avoir entendu toutes les paroles du peuple, les redit aux oreilles de l’Eternel.

Et l’Eternel dit à Samuel : Ecoute leur voix, et établis un roi sur eux. »

 

A l’évidence l’institution royale fut vécue, par Yahvé et par beaucoup d’israélites,  comme une dégradation de la relation entre Dieu et son peuple.

D’ailleurs Samuel conclut ainsi  son dernier discours au seuil de la mort (1 Samuel 17 à 25)

« J’invoquerai l’Eternel, et il enverra du tonnerre et de la pluie. Sachez alors et voyez combien vous avez eu tort aux yeux de l’Eternel de demander pour vous un roi.

Tout le peuple eut une grande crainte de l’Eternel et de Samuel.

Et tout le peuple dit à Samuel : Prie l’Eternel, ton Dieu, pour tes serviteurs, afin que nous ne mourrions pas ; car nous avons ajouté à tous nos péchés le tort de demander pour nous un roi

 

Le roi idéalisé par les siens, David, même s’il réussit ; à unifier les tribus du peuple élu, à vaincre les ennemis et à ramener l’arche d’alliance à Jérusalem, il ya 3000 ans, pécha lourdement.

Salomon son fils orienta la royauté dans un sens proscrit par le droit Deutéronomique, multipliant ses richesses, étalant sa multitude d’épouses dont nombre d’étrangères, multipliant ses chevaux et les chars de guerre, sacrifiant aux idoles. Il contribua à fissurer l’unité d’Israël qui se scinda à sa mort en deux royaumes.

Ensuite la gestion désastreuse de la plupart  des rois des deux royaumes, oubliant souvent Yahvé, conduisit à la déportation, du peuple d’Israël en -935  puis de Juda en -587.

Que  Jésus repousse le titre de roi est ainsi pleinement justifié, tant l’échec de la royauté en Israël est évident.

Et cet échec est imputable à la volonté obstinée  du peuple élu, de refuser Dieu comme seul roi pour chercher le salut dans un maître de chair semblable aux maîtres régnant sur les peuples étrangers.

Et ces  rois de chair sombrent toujours dans les excès d’autorité, tentant de s’approprier les dieux pour renforcer leur pouvoir.

Quant aux Français, c’est souvent avec nostalgie, eux aussi qu’ils évoquent le temps des rois et empereurs de droit divin.

Plus de 1200 ans de tyrans sanctifiés par l’onction et le saint crème, marquent une culture. La liberté est tellement inconfortable que la dictature est souvent le refuge des populations inquiètes.

Il nous faut donc faire un effort pour atteindre à l’objectivité quand nous lisons les textes parlant de royauté, car notre inconscient est peuplé de schémas tout faits associés à ce vocable.

Jésus n’est pas notre roi. Nous ne sommes quant à nous ni sujets, ni serfs ou esclaves. Bien au contraire il ne cesse de nous associer au projet de Dieu. Il nous veut actifs, il nous veut libres pour atteindre à la plénitude d’un homme accompli, car aimé. Il nous espère à ses côtés avec notre richesse individuelle unique.

Jésus a d’ailleurs résisté à la tentation de devenir roi comme le lui proposait Satan au désert.

Il se veut  fils de l’homme, c’est le vocable qu’il adopte le plus souvent et qui est celui figurant dans la transcription du rêve de Daniel. (Daniel 7 13 à 14) :

« Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme ; il s’avança vers l’ancien des jours, et on le fit approcher de lui.

On lui donna la domination, la gloire et le règne ; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. »

Quand Jésus répond à la question qui est le fils de l’homme, il adopte une image de mouvement « marchez pendant que vous avez la lumière  pour devenir fils de lumière »

Jésus est au-delà de l’homme, c’est ce que veut dire le vocable fils.

Le fils, c’est la génération qui vient, il s’agit de la descendance.

Il s’agit de la construction d’un royaume nouveau dont le moteur spirituel seul nous est dévoilé, l’amour.

Je suis  le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.

Est ce à dire que le royaume n’est pas pour nous mais pour nos fils ?

Ce serait là une grossière erreur, pour être fils, il faut être semblable à un enfant, c'est-à-dire se départir de sa gangue de préjugés, de sa culture orientée, naître de nouveau.

Comme l’écrit Jean  (jean 3), « si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu ».

C’est par la naissance d’en haut que l’homme entre dans le royaume.

Alors halte aux comparaisons approximatives avec des royaumes temporels régis par des chefs mesquins, des cœurs endurcis, des fous de pouvoir, des corrompus et des cyniques.

Que le piteux spectacle d’un roi d’un jour perché sur un ânon, roi des imageries d’Epinal, roi d’un misérable royaume, ne nous conduise pas au faux sens.

Le seul roi, c’est Dieu, il envoie un guide Jésus oint à son baptême, en constante communion avec le père.

Ce guide nous précède et nous introduit dans le véritable royaume qui n’est en rien semblables aux royaumes de pacotille des hommes.

Cet homme suscité par la parole de Dieu, accomplit une mission.

Il vit tellement l’incarnation qu’il est totalement homme, tout en étant totalement investi par Dieu.

Son cheminement le conduit à s’impliquer au-delà du raisonnable humain.

La passion débute par un acte insensé à la veille de Pâques : il réveille Lazare, son ami.

Cet acte déclencheur prélude au cheminement qui conduit à sa mort.

Malgré la trahison de Juda, malgré le sommeil  de disciples harassés qui s’endorment alors que le maître prie, malgré l’arrestation et la débandade de ses compagnons, en dépit des insultes, des cris de la foule hostile et des coups, il poursuit sa mission

Au sommet du Golgotha, autour d’une croix,  Jean l’ami, Marie la mère et les femmes fidèles, forment  le cercle d’amour qui surpasse toute crainte.

Jésus est allé très loin dans l’amour priant  même le père pour que les hommes, ceux là même qui l’avaient condamné puis  martyrisé, soient pardonnés car ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

Jésus a craint à ce moment précis, d’avoir dépassé le seuil de l’admissible pour un père  qui, pourtant, avait tellement pardonné au peuple rebelle qu’il s’était choisi !

Il révéla alors cette peur en prononçant la phrase « mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ».

Mais le père accède au désir ardent de Jésus.

En le relevant de la mort il ouvre de nouveau aux hommes  l’accès du paradis perdu des origines, du royaume.

Sa magnanimité est infinie, là vraiment où le pêché a abondé, sa grâce a surabondé.

La foi peut déplacer des montagnes, celle de Jésus lui permet de rouler la pierre du tombeau, mieux encore elle le libère de la mort et toute l’humanité aussi.

Mort où est ta victoire ?

Suivre Jésus comme il le demande est impossible, la barre est placée trop haut, mais nous sommes assurés que de là où il nous précède, il hisse à ses côtés ceux qui balbutient son message.

Jésus n’est pas un roi, il nous introduit dans le royaume de son père aux contours mouvants et indicibles, où le temps est une dimension inconnue.

Jésus est l’enseignant, celui qui ouvre à la connaissance conduisant au-delà de la sphère que  l’homme, limité par ses sens, peut appréhender. Il est au-delà de l’homme, il est fils, il désigne l’oméga.

Nous pouvons en le suivant, assisté par l’esprit, transcender notre finitude car ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu.

A l’unisson avec Paul et l’église des Colossiens, rendons grâce au père qui nous a rendu capables d’accéder à la part d’héritage des saints dans la lumière. Délivrés de l’autorité des ténèbres, transportées par son fils dans le royaume céleste, nous obtenons  le pardon de nos péchés.

mardi 7 avril 2009

Jean 12 versets 20 à 33

Jean 12 20 à 33

Le chapitre 12 de l’évangile de Jean est bâti de telle sorte qu’il constitue un prologue aux événements à venir, arrestation de Jésus, jugement, mise à mort et résurrection.
Il se termine d’ailleurs par un paragraphe intitulé Epilogue.
Ce texte est un véritable récapitulatif du message Christique.
Il serait possible de l’extraire de l’évangile de Jean sans que le sens de cet évangile soit modifié.
Mais la lecture de ce chapitre 12 permet, à elle seule, de saisir la signification de l’incarnation de Dieu en un homme, Jésus.
Ne perdons pas de vue que l’évangile de Jean élaboré vers l’an 85 est écrit à l’attention d’une population majoritairement Grecque et non juive qui vit en Syrie, à Antioche et dans l’actuelle Turquie.
Cette population, 50 ans après la mise en croix du Christ, a comme guide deux apôtres, Jean l’apôtre et Thomas.
Comme Thomas, elle aimerait voir les stigmates de Jésus et y mettre le doigt pour adorer en clamant face à l’évidence, « Jésus mon seigneur et mon roi ».
Chassée des synagogues depuis peu, cette communauté s’interroge sur son devenir.
Les rédacteurs de l’évangile sont des disciples de Jean, ils s’inspirent de son héritage pour construire un texte permettant de fonder une religion non inféodée au judaïsme.
Dans ce chapitre 12, c’est le récit de la résurrection de Lazare qui est conté en premier.
Lazare est relevé par Jésus, alors que la mort le tenait dans ses griffes depuis 4 longs jours.
Parmi la foule innombrable montée à Jérusalem pour la Pâque, l’annonce de ce miracle se répand comme l’éclair.
Placé en exergue, ce texte souligne que ce dont il va s’agir dorénavant concerne l’avenir de chaque homme.
L’heure est venue où chacun est susceptible d’être immortalisé comme Lazare le fut et ce à l’initiative du seul Jésus.
Après cet épisode de miracle, sont présentées ce que l’on peut appeler les méprises, de la foule et des disciples.
Le miracle du relèvement de Lazare est reçu par la foule comme le signe de la royauté de Christ au sens de l’ancien testament.
Les textes cités par l’évangéliste, pour mettre en correspondance les événements et les prédictions prophétiques sont tirés de Zacharie et relatent l’arrivée d’un roi dépouillé monté sur le petit d’une ânesse.
La foule rassemblée sur le parcours de Jésus dans Jérusalem acclame donc un roi « Hosanna bénit soit celui qui vient, le roi d’Israël ».
Et elle danse en secouant des palmes, comme au temps de la fête Automnale juive des cabanes dénommée Succot.
Mais comme le note amèrement le rédacteur de l’évangile « c’était bien parce qu’elle avait appris qu’il avait opéré ce signe que la foule se portait à sa rencontre ».
Et la foule commet une double erreur, une double méprise, Jésus n’est pas venu pour être un roi qu’on adore prosterné, Jésus n’est pas venu pour devenir le roi d’Israël.
Cette foule quand elle sera détrompée par Jésus lui-même portera sa haine au niveau extrème auquel elle avait porté son enthousiasme le jour des rameaux

Des grecs au sein de cette foule, entendant parler de Jésus, de ce prophète, peut être de ce messie, voulaient le voir.
Ils étaient très semblables dans leurs attentes aux lecteurs ou auditeurs de l’évangile de Jean.
En dignes héritiers de l’apôtre Thomas si présent dans le quatrième évangile, ils rêvaient de voir et toucher pour croire.
Les récits de la vie de Jésus seraient tellement plus crédibles si on pouvait voir le sauveur en chair et en os et lui dire, comme le fit Thomas, « Mon seigneur, mon Dieu » !
Comme Jésus évitait de circuler ouvertement parmi les juifs (jean 11 54), pour accéder auprès de lui il fallait être introduit.
Très naturellement ces étrangers s’adressent à André qui portait un nom Grec et était très proche de Jésus.
Si André ne faisait pas partie de la garde rapprochée constituée par son frère Pierre, et les deux fils de Zébédée, Jean et Jacques , il était le quatrième intime du maître et constituait avec Philippe, qui portait lui aussi un prénom d’origine grecque, une des équipes de deux envoyées en mission pour répandre la bonne nouvelle.
André s’adressât à Philippe et les deux seuls disciples au prénom grec vinrent voir Christ.
Le luxe de ces détails, apparemment inutiles, vise à indiquer aux lecteurs non juifs de l’évangile que la réponse de Jésus les concerne au premier chef.
Jésus dans son discours s’adresse sans conteste à tous les habitants du monde et de tous les temps.
Quant à ces grecs, nul ne peut dire s’ils ont vu JC ou même s’ils l’ont entendu, et cela n’a aucune importance.
Finalement JC n’a peut être parlé qu’à ses disciples, en leur laissant la charge de transmettre son message à ces étrangers.
C’est d’ailleurs probable, pour la partie du texte se terminant au verset 26, car la phrase solennelle qu’il prononce en premier s’adresse à l’évidence à ses disciples.
« L’heure est venue où le fils de l’homme doit être glorifié ».
Déjà 6 fois dans l’évangile de Jean, Jésus les avait prévenu « l’heure vient »
Le monde antique tout entier a été dirigé par la croyance qu’il y avait une heure adéquate pour tout ce qu’on fait.
Pour construire une maison, se marier, faire la guerre, prendre une initiative, il fallait rechercher le moment favorable. Il fallait consulter pour cela quelqu’un de compétent, un prêtre, un astrologue, un voyant, un prophète.
L’heure est venue d’adorer le fils de l’homme.
Le temps est suspendu, un moment exceptionnel va imprimer dans le temps de l’humanité une marque indélébile.
C’est d’ailleurs ce que Jésus affirme « c’est maintenant le jugement de ce monde, c’est maintenant que le prince de ce monde sera chassé dehors ».
L’expression maintenant signifie tenir en main.
Le temps est tenu en main de telle sorte qu’il n’érode pas l’événement en le remisant dans le passé siège de l’oubli.
En somme l’événement introduit par cet adverbe est éternisé.
Le jugement du monde et l’éradication du malin sont ainsi, à partir de la résurrection, des événements passés, présents et à venir, en dehors du temps qui s’écoule. Leur valeur est devenue actuelle à tous moments.
Ainsi comme une fontaine dont l’eau s’est écoulée, s’écoule et s’écoulera, de même « l’esprit dit viens. Que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut, prenne de l’eau de la vie gratuitement ». (AP 22-17) ; cette possibilité est éternisée, l’eau était là, elle est là, elle sera là.
Les disciples réunis autour du maître ne pouvaient manquer en entendant Jésus dire « l’heure est venue » de se remémorer la phrase suivante prononcée devant la Samaritaine en Jean 4 23
«Mais l’heure vient, c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que le père cherche. Dieu est esprit ».
Le don de l’esprit permet de percevoir Dieu à travers son fils et de l’adorer comme père aimant, tel est le culte en vérité caractérisant les temps eschatologiques induits par l’incarnation de Dieu en Jésus.
L’adoration en vérité répond à la première méprise de la foule que j’évoquais plus avant.
Jésus n’est pas venu pour être un roi qu’on adore, qu’on se concilie en offrant des sacrifices.
Jésus est venu pour être suivi sur le chemin qu’il parcourt avant nous en éclaireur.
Pour nous cette heure est l’occasion d’un choix, non pas le choix entre mourir ou ne pas mourir, mais entre être stérile ou fertile.
La dernière parabole prononcée par Jésus est un testament, le grain de blé mourra et portera du fruit en abondance, car il n’est pas besoin de tout faire pour sauver une vie terrestre qui n’est que vanité en regard de l’honneur promis par le père à celui qui suit le chemin du Christ.
Ces grains de blé multipliés constitueront un pain partagé avec Christ à chaque eucharistie.
Mais oui, nous sommes placés devant un choix.
Soit nous choisissons le monde séculier attaché à la gloire humaine, au prestige de la forme extérieure et des apparences, c’est le monde de l’orgueil, celui des ténèbres, de la dissimulation, du mensonge et du jugement,
Soit nous choisissons le monde de la spiritualité, de l’aménité, celui de l’ouverture à tous les autres notamment aux plus faibles dans le respect des enseignements de Jésus.
Dans ces conditions la vie est plus risquée, lui font défaut les protections familiales, les règles de morale, la sécurité liée à la puissance de notre patrie, la richesse matérielle, les instincts de tous ordres.
Il s’agit proclame Jésus de faire le choix de le suivre.
Cela nous mène à aimer moins notre vie en ce monde pour l’éterniser.
Dans nos choix de vie, doit primer ceux conformes au modèle élaboré par Jésus qui nous dit « mettez votre foi dans la lumière ».
Et il ajoute pour tous ceux qui désespèrent devant les difficultés du parcours
« Moi quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi »
Par là il répond à la seconde méprise de la foule, il ne cherche pas à être le roi des seuls juifs, mais de tous les hommes qu’il tracte dans son sillage
L’homme reste libre de céder à la puissance de cette force d’attraction.
Celui qui accepte de suivre Jésus, malgré les risques et les renoncements, s’expose aux coups, car le monde prône l’épanouissement personnel égoïste.
Dans ce monde des apparences, il faut se réaliser, vivre sa vie pleinement en jouissant du maximum de plaisir, quitte à rejeter en dehors de sa voie les compagnons passés de mode ou accidentés de la vie, quitte à exploiter les plus pauvres, quitte à piller la subsistance des affamés, quitte à ravager la planète et compromettre l’avenir de ses enfants.
Le prince de ce monde nous tente de toutes les façons en présentant comme modèle de vie aux hommes, celui des nantis, des plus beaux, des plus forts dont les dons et pouvoirs permettent une tapageuse exposition aux regards des autres.
La culture du clinquant en quelque sorte qui marginalise ceux qu’un destin défavorable a diminué, affaibli.
L’heure est venue, une nouvelle alliance est conclue avec Dieu.
Notre temps s’arrête si nous ignorons l’offre de Dieu, et alors rendus inanimés nous sommes comme morts.
Ton horloge peut redémarrer maintenant si ton regard ne se dérobe plus à celui de Christ.
La prophétie de Jérémie se réalise « Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur, je serai leur Dieu et eux ils seront mon peuple ».
Tel est le choix qui nous est offert jour après jour tout au long de notre vie.
Dieu nous aime tellement, nous espère tellement que la part de Dieu, l’esprit, déposé de façon indélébile dans notre cœur est vouée à triompher, est voué à entrer en résonnance avec le créateur.
Il n’est jamais trop tard comme nous le rappelle la parabole des ouvriers de la dernière heure !
Nous sommes morts si nous ne répondons pas à l’appel, mais comme le clame Christ
« Je vous le dis l’heure vient, c’est maintenant ou les morts entendront la voix du fils de Dieu et ceux qui l’auront entendu vivront » (jean 5 25).

C’est maintenant que je dois et que tu dois choisir, c’est à chaque instant que tu optes pour l’éternité ou la mort.
A la fin du chapitre 12 de l’évangile de Jean, Jésus proclame « Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, ce n’est pas moi qui le juge : car je ne suis pas venu pour juger le monde, je suis venu sauver le monde » (jean 12 47).
Tout est dit, Jésus te précède et t’attends pour que tu le rejoignes.
Amen