samedi 24 octobre 2009

culte du 25 octobre 2009 Aubagne

Prédication sur Marc 10 versets 46 à 52

Au cours de la liturgie nous avons lu divers textes qui appartiennent tous au chapitre 10 de l’évangile de Marc.
Il est en effet nécessaire pour analyser le texte du jour de bien comprendre les circonstances qui entourent le récit.
Jésus est à Jéricho ou plus précisément sort de Jéricho.
Comme le font habituellement les nombreux juifs de Galilée qui se rendent à Jérusalem pour la Pâque, il a fait halte, pour la nuit, dans la cité des palmiers, sur les rives du Jourdain, afin d’aborder, dès l’aube suivante, un dur cheminement d’une dizaine d’heures à travers le désert de Judée.
Il est certainement très tôt, le départ se fait à l’aube.
Jésus n’a pas passé une nuit apaisée, pour la troisième fois il vient d’apprendre à des disciples, bien lents à comprendre, le sort qui sera le sien.
Je monte à Jérusalem, je serai condamné à mort puis je me relèverai au terme d’une période de trois jours.
Les 12 sont effrayés, apeurés et essaient dans leur désarroi d’obtenir des avantages.
Il en est ainsi pour Jean et Jacques, complètement décalés, demandant des places privilégiées aux côtés d’un Jésus qu’ils imaginent déjà en majesté.
Rabroués les fils de Zébédée apprennent de la bouche de leur rabbi que parmi les disciples ceux qui veulent être les premier seront les esclaves de tous.
Quant à la gloire de Jésus elle n’est pas celle attendue par la foule, Jésus ne cesse d’affirmer qu’il ne vient pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude.
Ce n’est en rien l’attitude du messie tout puissant espéré par la foule.
Cette foule rêve d’un messie capable de galvaniser les juifs dans leur lutte contre l’occupant.
Elle rêve d’un prophète et d’un roi réinstaurant le peuple élu dans sa primauté spirituelle.
Mais Jésus, en dépit des aspirations des siens, sort de Jéricho.
Marc habilement signale par un « ils » pluriel que tous sont d’accord pour venir à Jéricho, mais pour en sortir, en prenant le chemin de la montagne vers Jérusalem, c’est un « il » au singulier qui est utilisé.
Il sort de Jéricho, c’est là la décision de Jésus, c’est pourquoi ce Jésus là marche seul, suivi à distance par les disciples.
Les disciples savent maintenant ce qui les attend ils n’ont aucune envie de poursuivre leur route, ils trainent les pieds derrière un Jésus qui les bouscule.
Mais, ils suivent encore car ils ont été appelés, remémorez vous le texte de Marc 1 19,
« Il vit jacques fils de Zébédée et Jean son frère qui étaient assis dans le bateau à réparer les filets. Aussitôt il les appela et ils s’en allèrent à la suite »
La force d’attraction qui les relie à Christ les dépasse, ce ne sont pas eux qui ont adhéré à Christ, c’est lui qui les a choisis.
Il émane de cet homme investi par Dieu une force invincible.
C’est cette force là qui renversera Paul de son cheval sur le chemin de Damas.
Mais pour le moment Jésus chemine seul suivi par une troupe de fidèles, bien sûr il récite en sa tête le psaume 121 et pourquoi pas, le chante pour galvaniser les siens.
« Je lève les yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours ? Celui qui te garde ne sommeille pas »
La montagne qui se dresse à l’horizon, c’est celle de la tentation où 40 jours durant le diable le défia.
Il avait engrangé là sa première victoire.
Mais il avait renoncé, pour régner, à la puissance, à la magie, à la compromission.
Cette renonciation aux moyens ordinaires, pour triompher dans ce monde, allait le conduire à l’amer parcours de la passion balisé par l’ignominie de la croix.

Dans le tumulte des pensées de Jésus, un mendiant appelle, qui est-il ?
Curieusement Marc, contrairement à Mathieu et Luc, donne un nom à cet aveugle : Bartimée, le fils de Timée précise t’il pour des lecteurs non juifs très certainement hellénistes convertis.
Or Timée est le nom d’une œuvre de Platon célèbre écrite en -358.
Elle décrit la genèse du monde physique et de l’homme. Ce nom, Timée est d’origine Grecque.
Ainsi les lecteurs de l’évangile de Marc se reconnaissent évidemment en cet aveugle.
Eux aussi baignent dans une culture nourrie par la philosophie Grecque.
Eux aussi connaissent la cécité des peuples non élus
Une guérison de l’organe de la vision les concerne au premier chef, comme elle nous concerne aussi, car aveugle nous sommes si nous ne nous laissons pas saisir par les paroles du Christ.
Quand Paul tomba à terre ses yeux ne voyaient plus.
Ce membre d’un peuple élu avait perdu tout discernement et n’était plus qu’un handicapé que l’on prend par la main comme Bartimée.
Pendant l’espace de temps de la passion de Christ, 3 jours, Saül fut comme une chrysalide dans un cocon.
Aveugle, certes, mais en transformation intérieure.
La nouvelle énergie accumulée dans cette noire passion lui permet de jaillir, renouvelé par un baptême qui ôte le voile obstruant ses yeux.
Il peut alors rejeter les défroques d’une croyance obsolète, il est nu, débarrassé des oripeaux entravant ses mouvements

Avoir un nom, c’est être une personne.
Bartimée est une personne décidée.
Au petit matin il s’est déplacé à la sortie de Jéricho et hèle les passants pour obtenir de quoi subsister, assis, comme tous les mendiants qui se font tout petit.
Il sait que l’abaissement induit la compassion réflexe des passants..
Toutefois, l’espoir l’habite encore, il pense contre toute évidence que l’impossible est envisageable, car il est un homme comme ceux qui passent devant lui sans le voir, il est Monsieur Bartimée.
Posté le long du chemin emprunté par les Galiléens, il a saisi les propos de passants.
Un certain Jésus fait des miracles, il serait, disent certains, le messie tant espéré.
Peut être est-ce ma chance pense l’aveugle, il n’est pas lui choisi par Jésus comme le furent les disciples, alors il s’impose, il crie pour qu’on l’appelle.
Il a saisi que le créateur ne peut pas vouloir pour l’homme, sa créature, une destinée sans horizon sans espérance et sans projet.
Il a foi en la bonté du plan de Dieu et saisit sa chance.
Malgré les rebuffades de ceux qui devraient se rappeler comment Jésus les a choisis, il hurle à celui qu’il nomme instinctivement fils de David, « aie compassion de moi ».
Alors que les disciples hésitent encore sur la nature exacte de Jésus, lui, l’invalide, le non voyant voit clair et distingue la nature messianique de ce rabbi.
Jésus stoppe, il est sorti de ses pensées par cette misérable vie d’où émane une énergie amplifiée par l’espérance.
Jésus l’appelle, comme il l’a fait pour les disciples.
Et contrairement au jeune homme riche, Bartimée se dépouille de sa seule protection, son manteau. Il bondit libre de ses mouvements, offert à ce Jésus qui dispose de sa destinée.
Il est écrit en Exode 22 25 « si tu prends en gage le manteau de ton prochain tu le lui rendras avant le coucher du soleil ; car sa seule couverture c’est le manteau qu’il a sur la peau, dans quoi coucherait-il ? S’il crie vers moi je l’entendrai, car je suis clément. »
Bartimée est comme un enfant, avec tout l’enthousiasme et l’insouciance juvénile qui font bondir, rire et chanter.
Il crie vers son Dieu car il le sait clément, car il sait qu’il l’entend.
Et bien sûr il est guéri.
Mais plus encore, une fois le voile obstruant son regard déchiré, il emboite le pas à Jésus spontanément, sans que Jésus ne lui dise, comme il le demanda au jeune homme riche, « donnes tout aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis moi »
Il s’engage sans assurance, sans manteau, mais notez bien que Adam et Eve étaient nus dans le jardin d’Eden.
Se dénuder comme le fait Bartimée c’est devenir le nouvel Adam, celui que la main de Dieu a façonné à partir de la glaise.
Nu, il se laissera investir par le verbe de Jésus pour une nouvelle naissance, il se laissera modeler comme l’argile dans la main du potier.
La voilà jetée aux orties, la vieille peau donnée par le créateur pour sauvegarder la vie à deux fugitifs fuyant le paradis.
Nous qui sommes en Christ, comme le dit Paul dans sa lettre aux Colossiens 10 « nous nous sommes dépouillés de l’homme ancien avec ses agissements et nous avons revêtu le nouveau qui se renouvelle en vue de la connaissance selon l’image de celui qui l’a créé ».

Au seuil de la passion vécue à Jérusalem, Marc place cet épisode qui ouvre la perspective de conversion des non juifs.
Jésus sera suivi, par ceux que l’on n’attend pas, qui hantent les bords de chemin, ceux des castes inférieures, les laissés pour compte de tous bords, esclaves déportés hors de leur continents ou corps souffrants de mille maux.
Entre Jéricho l’opulente, cité aux mille palmiers, et Jérusalem la puissante, une suite de ravins pierreux et d’oueds asséchés jalonnent le chemin.
Ces paysages là s’accordent bien avec les préférences d’un Jésus qui se place résolument aux côtés des petits au seuil de cette Pâque.
L’épreuve du rejet, qu’a connu un Bartimée aux yeux inopérants, il va la vivre, il va lui aussi perdre son manteau tombé au bas de la croix.
Et il criera Abba père pourquoi m’as-tu abandonné ? il criera lui aussi car il sait que le père est clément, l’entend et répond.
Jésus a dit en Marc 11 22-23 « tout ce que vous me demandez, croyez que vous l’avez reçu, et cela vous sera accordé ».
L’homme Jésus démontrera par sa résurrection la véracité de son affirmation.

A chaque cri montant vers lui et déchirant les lourds pans des servitudes et des aliénations, Jésus répond et demande « que veux tu que je fasse pour toi ? »
Cette phrase est la réponse faites aux demandes importunes des fils de Zébédée mais aussi celle faite à Bartimée.
Aux deux premiers Jésus dit « vous ne savez pas ce que vous demandez », au troisième « va ta foi t’as sauvé »
Ainsi à chaque demande sa solution, aux fils de Zébédée il est donné de réfléchir sur l’incongruité de leur demande, à Bartimée il est donné d’accéder au royaume offert à celui qui suit le Christ.
A nous de poser de vraies questions dont les solutions seront dévoilées si elles sont posées en confiance.
A nous de peser les termes de nos interrogations qui doivent échapper à la gamme des préoccupations futiles de ce monde sur lesquelles Jésus n’a pas de prise.
Jésus attend de notre foi l’approfondissement de la relation que nous tissons avec lui.
Cet approfondissement est le fruit d’un travail permanent sur nous même. Il est obtenu par la méditation décapante des textes bibliques enrichie de l’apport des réflexions de nos frères et sœurs en Christ.
Lors de l’arrestation de Jésus « Tous l’abandonnèrent et prirent la fuite. Un jeune homme le suivait, vêtu seulement d’un drap.
On l’arrête mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu ». Ce jeune homme c’est Marc lui-même (Marc 14 51-52).
L’évangéliste a lui aussi jeté son manteau, s’abandonnant comme Bartimée en toute confiance à Christ.
Oui ce bon combat vaut un manteau et aussi tout ce bric à brac et ces sécurités à qui nous vouons un attachement démesuré.

Frères et sœurs, dans une lettre pastorale, Jean nous exhorte :
« L’assurance que nous avons auprès de Christ, c’est que, si nous demandons quoi que ce soit, selon sa volonté, il nous entend.
Et si nous savons qu’il nous entend, quoique nous demandions, nous savons que nous avons ce que nous lui avons demandé » (1 jean 5-14).
Seigneur donne-nous l’assurance et la foi de Bartomée.