lundi 8 juin 2009

Marc 2 versets 1 à 12

Le texte qui vient d’être lu est situé en tête du chapitre 2.
A la fin du premier chapitre il est conté qu’après après un périple en Galilée, Jésus ne pouvait plus entrer publiquement dans une ville et se tenait en dehors, dans les lieux déserts et l’on venait à lui de toutes parts.
Comme pour les cévenols du temps de Louis 14, les réunions se font hors des synagogues, tant la peur d’une arrestation est grande.
De fait Jésus a guéri aussi bien la belle mère de Pierre atteinte par une fièvre persistante que le lépreux ou des démoniaques, il tend les mains, touche les chairs et met debout les affligés.
C’est le prédicateur d’une doctrine nouvelle, mais aussi un être ouvert à l’émotion, pleinement compatissant à l’égard des êtres souffrants.
Jésus n’est pas une idole de pierre figée dans une attitude immuable, c’est un homme de chair, mobile, à l’écoute de chacun, accessible, communiquant non seulement par le discours mais aussi par le geste.
Au milieu de Capharnaüm, les gens se pressent vers le logement de Jésus, ils sont si nombreux qu’ils obstruent la rue, alors, Jésus répond à leur pressante demande.
Dans cette foule où chacun bouscule l’autre pour mieux voir et entendre, les personnes n’ont pas les mêmes habitudes, le même âge, les mêmes centres d’intérêt et pas non plus, malgré les apparences, les mêmes opinions.
Et pourtant une foule risque de faire de ses participants, non pas des gens uniques, mais des composantes sans personnalité d’un agrégat incontrôlé.
Foule curieuse, attentive qui se soucie peu de savoir si la personne, l’être distinct de tous les autres trouvera une place, sa place au milieu d’elle.
Devant cette maison, la personne, celle qui ne peut se joindre à la foule à cause de sa condition, de son handicap, c’est le paralytique.
Et la foule ne s’en soucie pas, parce qu’elle est heureuse comme foule et qu’elle tire son bonheur d’une solidarité de façade.
Foule sympathique certes, mais ambigüe, dangereuse peut être, faisant obstacle à l’émergence des vrais besoins et poussant peut être à l’erreur l’homme menacé qu’est Jésus.
Toute la difficulté d’harmoniser la communauté et la personne se trouve comme mis en scène dans l’histoire du paralytique et de ses amis et se répète parfois dans nos rassemblements communautaires.
Qu’en est- il de notre capacité à laisser passer, par delà le groupe, l’être unique que Dieu appelle et que Dieu attend ?
La foule rassemblée devant Jésus nous rappelle utilement, par contraste, que la communauté chrétienne naît d’un rassemblement de personnes.
En ce sens la communauté chrétienne est différente d’un groupe qui trouverait sa cohésion dans la proclamation d’un message à sens unique.
Dans la communauté chrétienne, chacun a sa place avec ses qualités, ses défauts, ses forces mais aussi ses handicaps.

Dans la foule qui écoute Jésus, il y a les amis du paralytique.
Si vous me permettez cette comparaison, ils représentent peut être les parents et proches de cet enfant.
Nous, parents pour nos enfants, nous, amis pour nos amis, nous avons souhaité, à un moment ou à un autre de notre existence, et peut être aujourd’hui que cette rencontre avec le Christ soit possible pour tel ou tel de ceux que nous aimons.
Et les obstacles sont nombreux : la foule, la pensée dominante, la bienséance sont là qui font écran.

Un détail est étonnant dans cette histoire : ce que font les amis du paralytique n’est pas apprécié par Jésus en tant qu’action généreuse, mais en tant qu’acte de foi.
Jésus interprète comme de la foi ce qui pourrait apparaître comme de l’amitié, de l’amour.
Et cette foi des amis du paralytique devient plaidoyer pour celui qui n’a même plus la force de parler, d’avancer ou d’agir.
Cette foi devient l’outil de son pardon et de sa guérison.
Les amis du paralytique sont semblables à tous ceux qui prient pour leurs amis, leur famille, les hommes du monde entier en souffrance.
Prenez ce texte comme une apologie de la prière.

Vous amis qui avez conduit au baptême un enfant, un proche, ou qui désirez le faire, n’oubliez jamais ceci, le Christ peut reconnaître comme foi ce que d’autres interpréteront comme rituel religieux, superstition ou volonté de s’inscrire dans une tradition.
Il sait ce que pèse une prière même exprimée dans le cadre d’un rite.
Nous dirons le notre père après l’intercession, j’imagine qu’aucun de nous ne le récitera en portant les mêmes intentions.
Et ce texte rabâché produira un écho différent en chacun de nous.
Le Christ est celui qui voit au plus intime du cœur de chacun, non pas pour juger ou condamner mais pour donner, parfois à notre insu, un sens nouveau et inattendu à ce que nous décidons ou faisons.

Dans la foule, il y a aussi les scribes. Pour eux la foi n’est pas rencontre, elle est doctrine.
Pour eux la foi n’est pas découverte de ses erreurs et attente du pardon, elle est certitude d’être bien portant quand les autres sont malades, certitude d’être juste quand les autres sont pêcheurs.
Alors les scribes jugent et décrètent. Ils savent qui est ou n’est pas dans la vérité.
Ils peuvent dire où quand comment et de quelle manière il est nécessaire de faire ceci ou cela.
Mais attention dans la foule que nous formons, ne cherchons pas à désigner les scribes du doigt.
Regardons d’abord le scribe qui est en nous.
Car il ya toujours du scribe en nous.
Et c’est normal puisque chacun fuit le Christ et sa parole dans le religieux ou la doctrine.
Chacun a sa religion qui le rassure, chacun a ses dogmes qui lui fournissent une explication du monde répondant à son attente.
Et chacun devient alors le juge de la religion et du dogme des autres.
Seule la rencontre avec le Christ fera taire en nous le scribe, parce que par delà la foule, Dieu fera de chacun un être unique, libéré de ses peurs, dé préoccupé de lui-même, donc de son besoin de se réfugier dans des idées toutes faites et de juger celui qui ne les partage pas.

A qui ressemblons nous, nous qui sommes rassemblés pour écouter la parole ?
Nous nous sommes découverts, tour à tour foule, amis, scribes.
Mais ne serions nous pas, avant tout des paralytiques ?
Car s’il y a dans ce récit un personnage important, c’est bien le paralytique !
Ce paralytique transbahuté par ses amis, reçoit l’assurance que ses péchés sont pardonnés ou plus exactement laissés derrière lui.
Curieuse déclaration de Jésus, « tes péchés te sont pardonnés ».
Cet handicapé aurait- il commit des fautes graves?
Le texte ne dit pas cela.
Le pardon des péchés signifie la libération de tout ce qui pèse sur cet homme depuis son enfance : sa maladie certes, une paralysie.
Mais comme le sont les paralysies qui enferment l’homme dans l’esclavage : une histoire lourde à porter, des habitudes impossibles à abandonner, un passé que l’on traine comme un boulet, que sais je encore ?
La libération est alors bien sûr, libération d’un handicap physique mais surtout de tout ce qui embourbe notre vie.
Ce paralysé libéré de ses péchés, n’est plus responsables de ses échecs et trahisons.
La parole du Christ l’a définitivement réconcilié avec lui-même, les autres et Dieu.
Paralytiques nous le sommes, empêtrés dans nos histoires personnelles ou familiales, nos blocages, nos peurs, nos handicaps.
Paralytiques remis debout lorsque tels les nouveaux baptisés, nous repartons dans notre maison, renouvelés par cette parole de libération, de pardon.
Le baptême illustre cela : amenés par des parents l’enfant est libéré de ses paralysies.
Son histoire à venir, personnelle, familiale et sociale ne pourra plus être un obstacle à la parole de Dieu qui désormais le précède et tôt ou tard lui fera signe dans l’existence.

C’est pour écouter la parole de Jésus que s’est rassemblée la foule.
Au milieu d’elle sont les scribes, les amis, le paralytique.
Nous sommes tous tour à tour, la foule, les scribes, les amis, le paralytique.
Et si nous sommes aujourd’hui devant lui, c’est parce qu’il y a eu sur nos routes ; des parents, des amis qui ont parfois cru à notre place avant même que nous puissions le formuler du fait, de l’âge ou des rancunes accumulées contre le créateur qui fait un monde si âpre à vivre.
Aujourd’hui, Jésus formule pour toi, la grâce infinie de Dieu qui libère des paralysies, d’autant plus accablantes qu’elles se dissimulent souvent sous les apparences de la bonne santé.
Pour nous résonnent les paroles autrefois prononcés sur le paralytique « tes péchés sont pardonnés « et « lève toi et marche ».
Deux paroles qui n’en font qu’une, car c’est seulement quand les causes de nos paralysies sont levées que nous pouvons redémarrer.

« Il blasphème » disent les scribes, théologiens, moralistes, intellectuels et spécialistes des questions de société.
Eux, seuls, se croient en droit, du fait de leurs titres académiques et de leur appartenance à l’élite, de dire ce qu’est le péché.

« Quelle merveille » disent les foules qui ne s’en tiennent qu’au fait de la guérison physique et sont ainsi prêts à admirer le premier guérisseur venu, susceptible de faire miroiter une solution à leurs maux.

« Ma vie est renouvelée » dira peut être le paralytique une fois rentré chez lui.
Il était assis immobile.
L’esprit anesthésié par des paroles inefficaces, il attendait une parole prononcée sur lui pour transformer la malédiction en bénédiction.
Cette parole a été prononcée, elle l’a guéri et remis debout.

Par delà le paralytique, cette parole s’adresse à tous.
Grace à saisir aujourd’hui pour en vivre au quotidien.
Notre foi consiste à croire que Dieu forme un projet pour les hommes et pour toi.
Il a besoin de chacun de nous et de toi aussi pour qu’il se réalise.
Jésus attend que tes yeux se portent sur lui.
Dans la rue devant ma maison j’ai vraiment l’envie d’entre bailler puis peut être d’ouvrir à deux battants la porte, car comme Jean le proclame dans l’apocalypse,
(AP 3:20) Voici, moi Jésus, je me tiens à la porte, et je frappe. Si tu entends ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez toi, je souperai avec toi, et toi avec moi.