samedi 23 octobre 2010

prédication du 24 octobre 2010 à La Ciotat

Prédication sur le livre de Jonas

Le livre de Jonas est classé parmi les textes des douze petits prophètes, et pourtant ce n’est pas un texte prophétique.
Comme le dit Luther « Si le texte de Jonas n’était pas dans la bible, tout le monde y verrait un conte de fée ».
Il s’agit bien en effet d’un conte ou plutôt d’une parabole.
Jonas ne prononce aucun discours inspiré par Dieu, aucune prophétie.
Cependant ce livre est véritablement ancré dans la réalité.
L’auteur précise, au début du texte, que Jonas était un prophète dont le père se nommait Amittaï du pays de Gath- Hepher en Galilée.
Père et fils, membres de la tribu de Zebulon, vécurent au 8 me siècle AJC.
Jonas est ainsi un prophète Galiléen, ce qui fait mentir le fameux texte de l’évangile de Jean (Jean 7- 52), par lequel les grands prêtres disent à Nicodème défenseur de Jésus,
« Serais tu Galiléen toi aussi ? Cherche bien et tu verras qu’aucun prophète ne vient de Galilée ».
Jonas et Jésus sont originaires du même pays et curieusement leur qualité est pareillement niée par les élites Juives .
Est-ce pour cette raison que Jésus cite si souvent le livre de Jonas? Au sein du seul évangile de Mathieu 4 fois !
Dont, en Mat 16-4, le texte suivant bien connu de tous
« Une génération mauvaise et adultère recherche un signe ; il ne lui sera pas donné d’autre signe que le signe de Jonas »
3 jours passés dans le ventre de la baleine annoncent les 3 jours passés par Jésus au domaine des morts le Schéol.
Dieu sauve Jonas rejeté sur le sec et sauve Jésus en les ressuscitant.
Les récits de poissons avalant un homme et le rejetant sur la terre ferme abondent dans la littérature de toutes les nations païennes, Babylone, l’Inde, l’Egypte…
L’auteur reprend, pour faire passer un message, une histoire véhiculée dans tout le monde moyen oriental.
Ecrire, au début du texte, que Jonas a vécu réellement vise au même effet que celui recherché par le sculpteur Roman représentant, à l’angle de certains chapiteaux, un petit bonhomme soufflant à pleins poumons dans une trompe.
Il s’agit d’attirer l’attention du lecteur ou du pèlerin.
Prenez garde il y a là plus qu’il n’y paraît, redoublez d’attention cela vous concerne, ce texte ou ce chapiteau parle de problématiques qui sont réellement les vôtres.
Le livre de Jonas n’est pas un texte anodin, il va relater des questions très importants.
C’est ce que je vais tenter de vous faire découvrir dans ce texte écrit au 4me siècle AJC.

Depuis l’arrêté de Sirius permettant aux hébreux déportés à Babylone de regagner Jérusalem, il s’est écoulé un siècle.
Les juifs de retour d’exil sous l’impulsion d’Esdras ont reconstruit le temple, restauré le système clérical prescrit dans la Torah, réécrit la plupart des textes bibliques.
Cet effort admirable a véritablement fondé le judaïsme.
Toutefois une part des juifs se renferma sur sa singularité et se coupa des relations avec les autres peuples, cette tendance est illustrée par la rupture de toutes les unions conjugales conclues, avant le retour d’exil, entre juifs et étrangères.
L’auteur du livre de Jonas, face à cette dérive nationaliste prend courageusement le parti d’indiquer que Yahvé est compatissant pour tous les hommes et toutes les créatures.
Afin d’éviter les foudres des prêtres, il procède comme le fit notre fabuliste national, Lafontaine, vis-à-vis du pouvoir du souverain.
Comme lui, il adopte une forme de récit plaisante, utilisant des traditions pluri séculaires pour coder un message important.
Annoncer sans précautions que Yahvé est attentif à toute sa création et non seulement au peuple élu, irriterait une part du peuple juif acquis aux opinions extrêmes de prêtres exaltés.
Le faire dire par Yahvé semonçant un prophète rétif, têtu, ingrat, osant effrontément le critiquer rend, par ricochet, le propos acceptable.
Je cite le reproche formulé par Jonas à l’encontre de son Dieu
« Je savais bien que tu es un Dieu miséricordieux lent à la colère et miséricordieux, lent à la colère et plein de fidélité et qui revient sur sa décision »
Cette critique est tellement importante aux yeux de Jonas que celui ci préfère mourir plutôt qu’assister au pardon des Ninivites.
Il le savait bien, pourtant, que Dieu était miséricordieux, car, tout juif et encore plus un prophète connaît ces qualificatifs issus de la Torah et des psaumes (Ex 34 5 à 7, Ps 86, Ps 103, Ps 145, Joël 2 13).
Aussi habilement présenté, la thèse d’un Dieu attentif à toute sa création sans exclusive devrait réduire au silence les pires extrémistes.

Mais vraiment, comme il est difficile de comprendre ce Jonas, qui après sa réussite involontaire à Ninive, se rebelle une nouvelle fois contre Dieu !
Yahvé lui a pourtant démontré toute sa puissance et sa compassion en le délivrant du ventre du gros poisson.
Jonas dans le fonds du gosier animal avait cependant formulé une très belle prière se terminant par « c’est au seigneur qu’appartient le salut »
Il convient de noter que le texte primitif du livre ne comprenait probablement pas cette prière dont le style est bien différent du reste du texte.
Cet ajout est d’autant plus probable que Jonas de façon incompréhensible aurait remercié le Seigneur pour sa grâce avant que celui-ci ne prescrive au poisson de recracher le petit prophète sur la terre ferme.
Ainsi la repentance de Jonas énoncée dans cette prière ne figurait pas dans le récit original.
Quand Dieu au début du récit dit « lève-toi, va à Ninive », pour toute réponse, Jonas tente de fuir à l’extrémité opposée du monde connu, l’Espagne.
Certes les Ninivites sont cruels et dangereux mais enfin n’est ce pas, pour un religieux, bien mal connaître son Dieu que de choisir de se cacher comme le fit Adam vis-à-vis de l’Eternel, avec les résultats que nous connaissons ?
Jonas en réalité était partant pour participer à l’extermination des Ninivites mais il ne faisait pas, comme nous l’avons relaté, confiance en son Dieu pour ce faire.
Lui, Jonas, faisait passer les intérêts de son peuple avant ceux du créateur.
Il aspirait en fait au martyr, il voulait apparaître comme celui qui venge les siens en mémoire de tous ces Hébreux abattus, suppliciés, pillés par les Assyriens.
Seule cette hypothèse explique son arrogance.
Il préfère mourir plutôt que de paraître lâche et conciliant.
Entrainer, obnubilé par son envie d’être un héros, les marins dans son destin tragique ne le soucie guère.
Il faut que le capitaine, comme l’a déjà fait Dieu, lui demande de se lever pour qu’il sorte de son sommeil.
En fait Jonas est toujours présenté comme étant assis ou couché, soit au fond du bateau, soit devant sa baraque sous son ricin. Symboliquement cette position correspond à son refus d’être un homme debout.
Il se pelotonne sur son ardent désir de vengeance qu’il remâche sans cesse de façon obsessionnelle.
Allez Jonas, lève toi, déploie toi spirituellement et sort de ton enfermement qui te rabougrit et fait de toi un mort vivant.
Les vrais croyants ce sont les marins, eux se sont levés, eux ont agi, eux ont prié, eux ont remercié.
A l’évocation par Jonas de Yahvé créateur qui fit l’humide et le sec, ils ont, selon la traduction de Chouraki, frémis d’un grand frémissement
A la demande de Jonas d’être sacrifié, ils répondent par une tentative de rejoindre la côte à la rame, sans succès, puis acculés à satisfaire la demande de Jonas, ils prient Yahvé en lui demandant de ne pas les charger d’un sang innocent.
Une fois Jonas jeté à la mer, ils frémirent encore d’un grand frémissement et se mirent à adorer Yahvé car la mer s’était calmée.
Ils avaient sans état d’âme adopté ce nouveau Dieu, Yahvé.
Ces hommes avaient la foi et cependant ils étaient des païens.
Jonas est le négatif de tout cela, lui ne se laisse pas emporter par son cœur, lui ne frémit pas.
Jonas est imperméable à l’amour.
Il est de la race des terroristes, droits dans leur bottes, enfermés qu’ils sont dans leur vision d’un monde réduit à la dimension de leur tribu, de leur idéologie.
Jonas préfère 3 fois de suite la mort à la repentance.
A la toute fin Dieu lui dit « as-tu raison de te fâcher à cause de cette plante ? » et Jonas répondit « oui j’ai raison de me fâcher à mort »
Dieu est devant un obstacle qu’il ne peut pas franchir sans attenter à la liberté de l’homme, alors il explique sa position de créateur aimant son œuvre et supportant mal que les hommes ne distinguent pas leur droite de leur gauche ou si vous voulez ne distinguent pas le bien du mal.
Il ajoute que le sort des bêtes le soucie aussi.
Mais l’homme est libre de répondre comme il le désire à l’amour offert, c’est pourquoi le récit s’achève sur l’explication de Yahvé.
Nous ne saurons pas si Jonas cessa son opposition, il était libre de choisir.
Comme nous sommes libres de choisir entre le bien et le mal.
Nous sommes parfois, nous aussi, couchés, collés à la matière, remâchant sans cesse nos envies de vengeance.
Christ ne cesse de nous dire lève toi.
Il le dit aux paralytiques redéployés, redressés.
Nous sommes ainsi mis en mouvement sur le chemin de nos vies sous l’impulsion de Jésus Christ dont le livre de Jonas préfigure les enseignements.
Pour conclure je vous livre un passage de la bible dans le premier livre des rois (1Rois 19 1- 8), vous noterez les similitudes avec l’aventure de Jonas.
L’auteur du livre de Jonas le savait, l’attitude d’Elie est le positif du négatif de Jonas !
Elie fuyait la colère des hommes après avoir défaits les prophètes païens et démontré la supériorité de son Dieu Yahvé. Je cite
« Elie se sauva dans le désert, il s’assit sous un genêt et demanda la mort en disant : cela suffit maintenant Seigneur, prends ma vie car je ne suis pas meilleur que mes pères.
Il se coucha et s’endormit sous un genêt.
Soudain un messager le toucha et lui dit : lève toi, et mange sinon le chemin sera trop long pour toi.
Il regarda, il y avait à côté de lui une galette cuite sur des pierres chaudes et une cruche d’eau.
Elie se leva et marcha 40 jours et 40 nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb »
Nous aussi, au temps où l’énergie vitale nous fera défaut, nous trouverons à nos côtés une galette chaude et une cruche d’eau pour nous redresser afin d’atteindre, après notre transformation spirituelle, la montagne de Dieu à l’instar du prophète Elie.
Cette galette chaude et cette cruche d’eau sont pour nous chrétiens signes comme le pain et le vin de la présence à nos cotés de Dieu.
Puissions-nous, frères et soeurs distinguer notre droite de notre gauche !
Nous sommes en effet engagés dans l’effort de reconnaître ce qui est bien et de le promouvoir, mais aussi d’identifier ce qui est mal et de nous y opposer en tentant de vivre du mieux que nous pouvons dans le mélange des deux.
Puisse ce message inscrit sur le fronton de l’église Anglicane de Saint Martin in the fiels à Londres habiter votre prochaine semaine. Amen

lundi 31 mai 2010

prédication donnée à La Ciotat le 30 Mai 2010

Proverbes 8 versets 22 à 31, Jean 16 versets 12 et 13, Romains 5 versets 1 à 5

Après Pentecôte, voilà des textes qui de nouveau ont pour thème l’esprit saint.
Bien sûr la sagesse, Sophie en grec, ne semble pas, de prime abord, pouvoir être assimilée à l’esprit saint.
Pourtant les deux sont issus directement d’une partition de Dieu, tous deux émanent de Dieu.
Le pope Olivier Clément définit ainsi la sagesse ;
« La sagesse est une réalité mystérieuse cachée au cœur du monde et qui lui donne son sens. Elle se révèle, à ceux qui la cherchent de tout leur cœur et de toute leur intelligence. »
Le livre de la sagesse, rédigé vers -30 AJC, évoque la sagesse en ces termes, dans le chapitre 7 versets 22 à 30 ;
« car il y a en elle un esprit intelligent, saint, unique, multiple, subtil, mobile, distinct, sans tache, clair, inaltérable, aimant le bien, diligent, indépendant, bienfaisant, ami de l’homme, ferme , assuré, tranquille, qui peut tout, surveille tout, et pénètre tous les esprits, les intelligents, les purs, les plus subtils.
Aussi la sagesse est-elle plus mobile qu’aucun mouvement, à cause de sa pureté, elle passe et pénètre à travers tout.
Elle est une effluve de la puissance de Dieu, une pure irradiation de la gloire du tout puissant ; c’est pourquoi nulle souillure ne se glisse en elle.
Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l’activité de Dieu et une image de sa bonté. Comme elle est unique elle peut tout ; demeurant en elle-même, elle renouvelle l’univers et au long des âges, elle passe dans les âmes saintes pour former des amis de Dieu et des prophètes, car seuls sont aimés de Dieu ceux qui partagent l’intimité de la sagesse.
Elle est plus radieuse que le soleil et surpasse toute constellation.
Comparée à la lumière, sa supériorité éclate, la nuit succède à la lumière, mais le mal ne prévaut pas sur la sagesse ».
Dans le chapitre 7, la sagesse est qualifiée du terme merveilleux « d’artisane de l’univers »
Pour résumer, la sagesse est, une effluve de la puissance de Dieu, elle est l’artisane de l’univers.
Irénée évêque de Lyon s’exclame vers 170 dans le traité contre les hérésies :
« Comme si Dieu n’avait pas ses mains à lui ! De toute éternité, il a auprès de lui le verbe et la sagesse, le fils et l’esprit.
C’est par eux et en eux qu’il fait toutes choses »
Pour Irénée, sagesse et esprit se confondent et constituent la troisième entité de la trinité.
Je ne résiste pas au plaisir de citer une nouvelle fois le pope Olivier Clément :
« L’esprit est le Dieu secret, le Dieu intérieur, plus profond que notre plus grande profondeur. Il donne vie à toutes choses et nous le respirons sans le savoir, lui la respiration de Dieu dans celle du monde, dans celle de l’homme ».
L’esprit donne un surcroit d’énergie vitale à toutes les créatures comme le démontre sans ambiguïté la transformation des disciples le jour de Pentecôte.
Ils sont recréés et leur respiration est comme celle d’une petite fille dansant face à Dieu en tout temps, jouant avec le monde avec sa terre et trouvant ses délices avec les fils de l’humain.
La sagesse, l’artisane de l’univers a le pouvoir de concevoir, de transformer, de transmuter.
Quand Paul affirme « l’amour de Dieu a été répandu dans notre cœur par l’esprit saint qui nous a été donné »
Il annonce par là que le changement radical, si inlassablement annoncé par Christ, est pris en charge par l’esprit saint répandu en nous.
Mais me direz-vous, l’esprit saint a habité Abraham, Moïse et les prophètes, mais aussi Zacharie, Elisabeth, Jean le baptiste, Siméon et aussi Jésus qui le reçoit à son baptême.
Tous les hommes sont en fait habités par l’esprit, c’est le signe de la trace de Dieu en eux, et cela est affirmé aussi dans l’ancien testament.
Pensons au tableau de la création de l’homme à la chapelle Sixtine peint par Michel Ange.
Le doigt tendu de Dieu délègue à Adam une part de sa puissance spirituelle.
Jean nous permet de mieux comprendre tout cela.
Citons Jean 7 versets 37 à 39 « Il n’y avait pas encore d’esprit puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié »
Clairement l’esprit transmis par Jésus est d’une nature nouvelle, fruit de sa mission.
L’alliance nouvelle en Christ est scellée par l’effusion d’un esprit saint accordé à l’homme sans mesure,
Comme il est dit en Jean 3 verset 33
« Car celui que Dieu a envoyé dit la parole de Dieu, parce qu’il donne l’esprit sans mesure »
Cet épanchement sans retenue est vécu dans la joie par ceux qui l’accueillent car la grâce de Dieu est inconditionnelle.
Tel fut le cas pour Jésus lui même, comme l’atteste ce texte de l’évangile de Luc (10 verset 21)
« à ce moment il fut transporté d’allégresse sous l’action de l’esprit saint et il dit je te célèbre père »
Il en fut de même pour les disciples le jour de la Pentecôte, comme grisés par du vin doux.
Ainsi le saint esprit est transmis en plénitude par Jésus, sans restriction aucune.
C’est cela la nouvelle alliance un engagement total de Dieu.
Et cet engagement se produit après la pire des infamies de l’humanité.
Mais là ou le péché abonde la grâce surabonde comme l’indique Paul.
L’amour insondable de Dieu révélé par Jésus triomphe.
De façon très subtile dans le texte objet de la prédication tiré du livre des proverbes, les versets 30 et 31 sont au présent contrairement au reste du texte qui est au passé.
Effectivement aujourd’hui la sagesse est près de Dieu, elle est l’enfant qui gambade, joue avec le monde et fait sa délectation en trouvant ses délices avec les fils de l’homme.
Oui vraiment la sagesse continue à informer le monde et les hommes pour les transformer, la création se continue ainsi sans cesse au rythme de la respiration de Dieu.
Quelle bonne nouvelle ! Dieu crée dans la délectation et son but est de modeler le monde avec amour pour construire son royaume, à un terme que nous sommes incapables d’imaginer et qu’une petite infante jouant et dansant contribue à établir.
Pour le coup vous devez penser que le prédicateur de ce jour est atteint du syndrome de Pentecôte, un délire debout lui faisant perdre tout entendement, une rupture des circuits nerveux lié à une surtension.
Et pourtant pour ma défense je vais vous livrer les raisons de mon émerveillement.
La sagesse est intelligence et elle encourage l’homme à faire preuve, lui aussi, d’intelligence.
Les scientifiques depuis deux siècles ont exploré l’infiniment petit et l’infiniment grand, ont élaboré des théories cernant de mieux en mieux la réalité du monde.
Les résultats sont proprement stupéfiants et déroutants.
Ainsi Grichka Bogdanov écrit-il :
« Désormais les physiciens pensent que les particules élémentaires, loin d’être des objets, sont en réalité le résultat toujours provisoire d’interactions incessantes entre des champs immatériels. L’étoffe des choses, le substrat ultime, n’est pas matériel, mais abstrait, une idée pure. »
Ces champs seraient orientés par un champ directeur. Par la sagesse peut être ?
Voyez un vol d’étourneau ou un banc de poissons, arrive un prédateur et d’un seul coup les milliers d’individus, avec une vitesse de réponse supérieure à celle d’un influx nerveux, se retrouvent virer dans la même direction et ce sans se percuter.
Ils sont dans un champ qui les baigne et les oriente comme la limaille de fer l’est dans un champ magnétique.
Vous connaissez le bing bang créateur de l’univers il y a 15 milliards d’années, avant le temps du mur de Planck soit 10 -43 secondes rien ne peut être connu.
A ce stade tout l’univers était rassemblé dans une sphère de diamètre 10 -33 cm, la température était de 10 32 degrés. Il y avait dans ce contexte une seule force (au lieu des 4 du monde actuel).
Les quelques 15 constantes cosmologiques, connues avec précision règlent notre monde, à 10-43secondes elles n’étaient pas encore fixées, par exemple, la constante de gravitation, la vitesse de la lumière, le zéro absolu, la constante de Planck…
Si une seule de ces constantes avait varié par rapport à leur valeur actuelle l’univers tel que nous connaissons n’aurait pu apparaître.
Le philosophe Jean Guitton peut ainsi écrire :
« Si l’univers existe tel que nous le connaissons, c’est bien pour permettre à la vie et à la conscience de se développer. Notre existence était, en quelque sorte, minutieusement programmée dès le début, 10-43secondes après l’explosion primordiale.
Tout ce qui m’entoure, depuis le spectacle des étoiles jusqu’aux arbres qui ornent le jardin du Luxembourg, tout cela existait en germe dans l’univers minuscules du début : l’univers savait que l’homme viendrait à son heure ».
L’intuition du rédacteur des proverbes, est stupéfiante dans le cadre des connaissances de l’époque.
Il fallait, en effet, que la sagesse « artisane de l’univers » fut engendrée en tête de la route choisie par Dieu quand il n’avait encore fait ni la terre, ni les espaces, ni le premier grain de la poussière du monde !
Avant le bing bang, il n’y avait pas de temps, l’ensemble était, selon l’expression des physiciens, symétrique, en équilibre.
Une rupture de symétrie a engendré le temps et l’expansion de l’univers.
Cette rupture est attestée, il y a infiniment plus de matière que d’anti matière dans l’univers actuel.
Les particules de matière et d’antimatière s’annihilent, l’excès de matière était à 10-43secondes de l’ordre d’une particule de matière par milliard de particules.
C’est cet excès infime, cette rupture de symétrie qui a déclenché la fantastique histoire de l’univers.
Quelle est la cause de ce déséquilibre fondateur ?
Est-ce la partition de Dieu en sagesse et verbe, est ce l’acte fondateur de la trinité créant la rupture de symétrie et le début du temps ?
Le doigt invisible de Dieu ou le champ directeur qui orchestre le concert du monde.
Le créateur se réjouit de son idée qui induit l’immensité de sa création. Il se réjouit comme le fait une mère mettant au monde son enfant ou un artiste contemplant son œuvre.
Les enfants s’enchantent d’un feu d’artifice, le bébé rit aux larmes devant un poussin.
Retrouvant l’enfance et son innocence, je pleure d’émotion en écoutant Ich habe genug de Bach ou Barbara, en lisant Federico Garcia Lorca ou les poèmes d’Isaïe.
Sans parler du bonheur d’aimer, de la plénitude aussi qu’apporte un regard d’amour, un geste de tendresse, un sourire esquissé, un regard attentif que je n’attendais plus.
Certains stimuli, des ondes, font résonner mon être comme si l’esprit saint qui est en moi exultait de bonheur. Ces moments là jalonnent ma route et valident mon parcours.
Nous avons le pouvoir de nous émerveiller, pour ne pas dire le devoir, car nous baignons dans un flux d’amour nous portant en dépit de multiples flux contraires.
Car comme le disait Albert Schweitzer
« Chaque esprit humain est comme une vague que l’esprit infini de Dieu pousse et fait déferler par-dessus les rives de la vie naturelle »
Frères et sœurs, une petite fille, une petite Sophie, aspire à danser en nous pour nous griser de bonheur, laissons lui le soin de nous guider sur le chemin ouvert par Jésus.
Amen

mardi 25 mai 2010

prédication du 30 mai à La Ciotat

Proverbes 8 versets 22 à 31, Jean 16 versets 12 et 13, Romains 5 versets 1 à 5

Après Pentecôte, voilà des textes qui de nouveau ont pour thème l’esprit saint.
Bien sûr la sagesse ne semble pas, de prime abord, pouvoir être assimilée à l’esprit saint.
Pourtant les deux sont issus directement d’une partition de Dieu, tous deux émanent de Dieu.
Le pope Olivier Clément définit ainsi la sagesse ;
« La sagesse est une réalité mystérieuse cachée au cœur du monde et qui lui donne son sens. Elle se révèle, à ceux qui la cherchent de tout leur cœur et de toute leur intelligence. »
Le livre de la sagesse, rédigé vers -30 AJC, évoque la sagesse en ces termes, dans le chapitre 7 versets 22 à 30 ;
« car il y a en elle un esprit intelligent, saint, unique, multiple, subtil, mobile, distinct, sans tache, clair, inaltérable, aimant le bien, diligent, indépendant, bienfaisant, ami de l’homme, ferme , assuré, tranquille, qui peut tout, surveille tout, et pénètre tous les esprits, les intelligents, les purs, les plus subtils.
Aussi la sagesse est-elle plus mobile qu’aucun mouvement, à cause de sa pureté, elle passe et pénètre à travers tout.
Elle est une effluve de la puissance de Dieu, une pure irradiation de la gloire du tout puissant ; c’est pourquoi nulle souillure ne se glisse en elle.
Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l’activité de Dieu et une image de sa bonté. Comme elle est unique elle peut tout ; demeurant en elle-même, elle renouvelle l’univers et au long des âges, elle passe dans les âmes saintes pour former des amis de Dieu et des prophètes, car seuls sont aimés de Dieu ceux qui partagent l’intimité de la sagesse.
Elle est plus radieuse que le soleil et surpasse toute constellation.
Comparée à la lumière, sa supériorité éclate, la nuit succède à la lumière, mais le mal ne prévaut pas sur la sagesse ».
Dans le chapitre 7, la sagesse est qualifiée du terme merveilleux « d’artisane de l’univers »
Pour résumer, la sagesse est, une effluve de la puissance de Dieu, elle est l’artisane de l’univers.
Irénée évêque de Lyon s’exclame vers 170 dans le traité contre les hérésies :
« Comme si Dieu n’avait pas ses mains à lui ! De toute éternité, il a auprès de lui le verbe et la sagesse, le fils et l’esprit.
C’est par eux et en eux qu’il fait toutes choses »
Pour Irénée, sagesse et esprit se confondent et constituent la troisième entité de la trinité.
Je ne résiste pas au plaisir de citer une nouvelle fois le pope Olivier Clément :
« L’esprit est le Dieu secret, le Dieu intérieur, plus profond que notre plus grande profondeur. Il donne vie à toutes choses et nous le respirons sans le savoir, lui la respiration de Dieu dans celle du monde, dans celle de l’homme ».
L’esprit donne un surcroit d’énergie vitale à toutes les créatures comme le démontre sans ambiguïté la transformation des disciples le jour de Pentecôte.
Ils sont recréés et leur respiration est comme celle d’une petite fille dansant face à Dieu en tout temps, jouant avec le monde avec sa terre et trouvant ses délices avec les fils de l’humain.
La sagesse, l’artisane de l’univers a le pouvoir de concevoir, de transformer, de transmuter.
Quand Paul affirme « l’amour de Dieu a été répandu dans notre cœur par l’esprit saint qui nous a été donné »
il annonce par là que le changement radical, si inlassablement annoncé par Christ, est pris en charge par l’esprit saint répandu en nous.
Mais me direz-vous, l’esprit saint a habité Abraham, Moïse et les prophètes, mais aussi Zacharie, Elisabeth, Jean le baptiste, Siméon et aussi Jésus qui le reçoit à son baptême.
Tous les hommes sont en fait habités par l’esprit, c’est le signe de la trace de Dieu en eux, et cela est affirmé aussi dans l’ancien testament.
Pensons au tableau de la création de l’homme à la chapelle Sixtine peint par Michel Ange.
Le doigt tendu de Dieu délègue à Adam une part de sa puissance spirituelle.
Jean nous permet de mieux comprendre tout cela.
Citons Jean 7 versets 37 à 39 « Il n’y avait pas encore d’esprit puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié »
Clairement l’esprit transmis par Jésus est d’une nature nouvelle, fruit de sa mission.
L’alliance nouvelle en Christ est scellée par l’effusion d’un esprit saint accordé à l’homme sans mesure,
Comme il est dit en Jean 3 verset 33
« Car celui que Dieu a envoyé dit la parole de Dieu, parce qu’il donne l’esprit sans mesure »
Cet épanchement sans retenue est vécu dans la joie par ceux qui l’accueillent car la grace de Dieu est inconditionnelle.
Tel fut le cas pour Jésus lui même, comme l’atteste ce texte de l’évangile de Luc (10 verset 21)
« à ce moment il fut transporté d’allégresse sous l’action de l’esprit saint et il dit je te célèbre père »
Il en fut de même pour les disciples le jour de la Pentecôte, comme grisés par du vin doux.
Ainsi le saint esprit est transmis en plénitude par Jésus, sans restriction aucune.
C’est cela la nouvelle alliance un engagement total de Dieu.
Et cet engagement se produit après la pire des infamies de l’humanité.
Mais là ou le péché abonde la grâce surabonde comme l’indique Paul.
L’amour insondable de Dieu révélé par Jésus triomphe.
De façon très subtile dans le texte objet de la prédication tiré du livre des proverbes, les versets 30 et 31 sont au présent contrairement au reste du texte qui est au passé.
Effectivement aujourd’hui la sagesse est près de Dieu, elle est l’enfant qui gambade, joue avec le monde et fait sa délectation en trouvant ses délices avec les fils de l’homme.
Oui vraiment la sagesse continue à informer le monde et les hommes pour les transformer, la création se continue ainsi sans cesse au rythme de la respiration de Dieu.
Quelle bonne nouvelle ! Dieu crée dans la délectation et son but est de modeler le monde avec amour pour construire son royaume, à un terme que nous sommes incapables d’imaginer et qu’une petite infante jouant et dansant contribue à établir.
Pour le coup vous devez penser que le prédicateur de ce jour est atteint du syndrome de Pentecôte, un délire debout lui faisant perdre tout entendement, une rupture des circuits nerveux lié à une surtension.
Et pourtant pour ma défense je vais vous livrer les raisons de mon émerveillement.
La sagesse est intelligence et elle encourage l’homme à faire preuve, lui aussi, d’intelligence.
Les scientifiques depuis deux siècles ont exploré l’infiniment petit et l’infiniment grand, ont élaboré des théories cernant de mieux en mieux la réalité du monde.
Les résultats sont proprement stupéfiants et déroutants.
Ainsi Grichka Bogdanov écrit-il :
« Désormais les physiciens pensent que les particules élémentaires, loin d’être des objets, sont en réalité le résultat toujours provisoire d’interactions incessantes entre des champs immatériels. L’étoffe des choses, le substrat ultime, n’est pas matériel, mais abstrait, une idée pure. »
Ces champs seraient orientés par un champ directeur. Par la sagesse peut être ?
Voyez un vol d’étourneau ou un banc de poissons, arrive un prédateur et d’un seul coup les milliers d’individus, avec une vitesse de réponse supérieure à celle d’un influx nerveux, se retrouvent virer dans la même direction et ce sans se percuter.
Ils sont dans un champ qui les baigne et les oriente comme la limaille de fer l’est dans un champ magnétique.
Vous connaissez le bing bang créateur de l’univers il y a 15 milliards d’années, avant le temps du mur de Planck soit 10 -43 secondes rien ne peut être connu.
A ce stade tout l’univers était rassemblé dans une sphère de diamètre 10 -33cm, la température était de 10 -32 degrés. Il y avait dans ce contexte une seule force (au lieu des 4 du monde actuel).
Les quelques 15 constantes cosmologiques, connues avec précision règlent notre monde, à 10-43secondes elles n’étaient pas encore fixées, par exemple, la constante de gravitation, la vitesse de la lumière, le zéro absolu, la constante de Planck…
Si une seule de ces constantes avait varié par rapport à leur valeur actuelle l’univers tel que nous connaissons n’aurait pu apparaître.
Le philosophe Jean Guitton peut ainsi écrire :
« Si l’univers existe tel que nous le connaissons, c’est bien pour permettre à la vie et à la conscience de se développer. Notre existence était, en quelque sorte, minutieusement programmée dès le début, 10-43secondes après l’explosion primordiale.
Tout ce qui m’entoure, depuis le spectacle des étoiles jusqu’aux arbres qui ornent le jardin du Luxembourg, tout cela existait en germe dans l’univers minuscules du début : l’univers savait que l’homme viendrait à son heure ».
L’intuition du rédacteur des proverbes, est stupéfiante dans le cadre des connaissances de l’époque.
Il fallait, en effet, que la sagesse « artisane de l’univers » fut engendrée en tête de la route choisie par Dieu quand il n’avait encore fait ni la terre, ni les espaces, ni le premier grain de la poussière du monde !
Avant le bing bang, il n’y avait pas de temps, l’ensemble était, selon l’expression des physiciens, symétrique, en équilibre.
Une rupture de symétrie a engendré le temps et l’expansion de l’univers.
Cette rupture est attestée, il y a infiniment plus de matière que d’anti matière dans l’univers actuel.
Les particules de matière et d’antimatière s’annihilent, l’excès de matière était à 10-43secondes de l’ordre d’une particule de matière par milliard de particules.
C’est cet excès infime, cette rupture de symétrie qui a déclenché la fantastique histoire de l’univers.
Quelle est la cause de ce déséquilibre fondateur ?
Est-ce la partition de Dieu en sagesse et verbe, est ce l’acte fondateur de la trinité créant la rupture de symétrie et le début du temps ?
Le doigt invisible de Dieu ou le champ directeur qui orchestre le concert du monde.
Le créateur se réjouit de son idée qui induit l’immensité de sa création. Il se réjouit comme le fait une mère mettant au monde son enfant ou un artiste contemplant son œuvre.
Les enfants s’enchantent d’un feu d’artifice, le bébé rit aux larmes devant un poussin.
Retrouvant l’enfance et son innocence, je pleure d’émotion en écoutant Ich habe genug de Bach ou Barbara, en lisant Fédérico Garcia Lorca ou les poèmes d’Isaïe.
Sans parler du bonheur d’aimer, de la plénitude aussi qu’apporte un regard d’amour, un geste de tendresse, un sourire esquissé, un regard attentif que je n’attendais plus.
Certains stimuli, des ondes, font résonner mon être comme si l’esprit saint qui est en moi exultait de bonheur. Ces moments là jalonnent ma route et valident mon parcours.
Nous avons le pouvoir de nous émerveiller, pour ne pas dire le devoir, car nous baignons dans un flux d’amour nous portant en dépit de multiples flux contraires.
Car comme le disait Albert Schweitzer
« chaque esprit humain est comme une vague que l’esprit infini de Dieu pousse et fait déferler par-dessus les rives de la vie naturelle »
Frères et sœurs, une petite fille aspire à danser en nous pour nous griser de bonheur, laissons lui le soin de nous guider sur le chemin ouvert par Jésus.
Amen

samedi 17 avril 2010

prédication du 18 avril 2010 à Aubagne

Mathieu 10 34-39
Voilà l’un des textes les plus déroutants du nouveau testament.
Il figure dans deux évangiles, celui de Mathieu et celui de Luc.
Il n’est pas souvent commenté.
Et cela se comprend.
Beaucoup de chrétiens ne reconnaissent pas, dans le rabbi prononçant ces paroles, le Jésus que forge leur imaginaire.
Déformés par les images trompeuses, telles celles de l’art saint Sulpicien, les chrétiens se représentent souvent un Jésus hors du temps, doux, à la stature délicate, à la longue chevelure pendante, au geste lent et mesuré, vaguement évanescent, montrant pour les plus mystiques un cœur saignant entouré d’épines.
Comment est-il possible que Jésus, lui qui tout au long de sa mission nous affirme nous donner sa paix, puisse annoncer froidement « je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée » ?
En premier lieu il faut insister sur le fait que ce texte est inséré dans le chapitre 10 de l’évangile de Matthieu.
Or ce chapitre relate les directives données aux 12 disciples avant leur départ en mission, lors d’un véritable briefing.
L’ensemble du discours d’envoi est d’une tonalité sévère
« Moi je vous envoie comme des moutons au milieu des loups, le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leur parents et les feront mettre à mort. Vous serez détestés de tous à cause de mon nom ».
Ce propos résonnent d’autant plus fort aux oreilles des premiers lecteurs de cet évangile que, dans les années 80, tous les disciples, sauf Jean, avaient été assassinés, ainsi que Jacques le frère de Jésus responsable de l’église à Jérusalem.
De même Paul avait été martyrisé ainsi qu’Etienne et tant d’autres.
Nous aussi, nous savons trop que la paix est une utopie et que l’épée, la kalachnikov ou la bombe régissent, plus souvent que la main tendue, les rapports entre les hommes.
L’ancien testament, pour sa part, relate une longue litanie des massacres scandant l’histoire du peuple Hébreux.
Mais ce n’est pas pour autant que les disciples de Jésus et nous aussi, bien sûr, sommes invités à promouvoir la bonne nouvelle par la violence des armes.
En Mathieu 26 52, Jésus dit à son disciple dont l’épée vient de trancher l’oreille d’un soldat :
« Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée ».
L’arme dont disposent les croyants c’est la parole comme précisé dans l’apocalypse (Ap 2 16) :
« Je les combattrai avec l’épée de ma bouche »
et aussi dans Hébreux 4 12 :
« La parole de Dieu est vivante, agissante, plus acérée qu’aucune épée à deux tranchants ; elle pénètre jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles, elle est le juge des sentiments et des pensées du cœur ».
Ainsi frères et sœurs, notre épée, à nous chrétiens, c’est la parole.
La parole, dit Jésus, proclame que le règne des cieux s’est approché.
Cette arme que nul ne peut briser est efficace lors des combats comme en atteste Paul (2 Tim 4-7) :
« J’ai combattu le beau combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi »
Certes, mais au milieu de ce combat, est-il indispensable que les familles soient ravagées par les haines, comme semble l’indiquer le texte ?
Jésus est il venu pour mettre la division entre tous les membres des familles?
En fait, dans son discours Jésus reprend les termes du prophète Michée écrits vers -700 AJC.
« Le fils rabaisse le père, la fille se dresse contre la mère, la belle fille contre sa belle mère, chacun a pour ennemi les gens de sa propre maison » (Michée 7 1à7).
Or, ces propos sont pour le prophète le comble même du malheur.
La société est, à ses yeux, anéantie par la division dans les familles.
Ainsi, pour les juifs, et bien sûr les disciples de Jésus sont juifs, cette annonce d’une division intrafamiliale clamée par Jésus est d’une violence inouïe.
La société juive a pour fondement le groupe familial et l’un des 10 commandements transmis par Moïse est
« tu honoreras ton père et ta mère ».
Paul, lui-même, dans la lettre à Timothée (1Tim 5-8), écrit
« Si quelqu’un n’a pas soins des siens, surtout ceux de sa maison, il a renié la foi et il est pire qu’un non croyant ».
La force du peuple élu réside principalement dans sa structure sociale.
C’est cette forte structure qui a permis aux juifs, depuis 4000 ans, de survivre aux déportations, exils, pogroms et exterminations.
Les familles juives sont comparables à des fils de chaîne que les fils de trame des pratiques religieuses entrecroisent pour former un tissu social sans ancrage terrestre et de ce fait difficilement déchirable.
Ce tissu se positionne hors du temps et de l’espace car le tisserand c’est Dieu.
Chaque famille juive par ses généalogies remonte jusqu’à Abraham et s’ancre ainsi dans le passé.
Toutes les familles issues d’Abraham et des pères que sont Isaac, Jacob Israël, Joseph, sont les fils de chaîne formant le peuple élu.
La trame qui assure la solidité du tissu est entretenue par l’application scrupuleuse des règles de vie et des rites instaurés par Moïse.
Il est d’ailleurs apparu essentiel aux deux évangélistes, Mathieu et Luc, d’ancrer Jésus à ses glorieux ancêtres en détaillant sa généalogie familiale.
Ce sont curieusement ces deux mêmes évangélistes qui rapportent le discours d’envoi en mission de Jésus à ses disciples !
Ce n’est probablement pas un hasard.
Mathieu et Luc étaient habités par l’importance de l’ancrage généalogique et pour eux, le discours de Jésus était un choc majeur.
Toutefois ils connaissaient évidemment un texte du Deutéronome (Deut 33 8à11) où Moïse adresse à la tribu des Lévites sa bénédiction.
Il y est dit que le mérite de l’ancêtre des lévites est de ne pas avoir eu d’égards pour père, mère, fils et frères afin de rester fidèle à la parole de Dieu et à son alliance.
Ceci vaut aux lévites d’être la tribu des sacrificateurs, la tribu sacerdotale.
Ainsi quand le respect à la parole de Dieu et à son alliance avec Israël est en cause, la soumission au commandement visant le respect du aux membres de la famille est abolie ou plutôt est seconde.
L’allégeance à Dieu prime celle due aux hommes.
Mathieu et Luc pouvaient être troublés par les paroles d’envoi de Jésus mais reconnaissaient surement qu’elles étaient légitimement professées par Jésus dans l’intérêt, en quelque sorte supérieur, de la fidélité à Dieu le père.
Le sacerdoce n’est plus limité à la famille des Lévites, il est devenu universel dans la nouvelle alliance instaurée par Jésus.
Pour la majorité des juifs du début de notre ère, l’importance des liens familiaux était d’autant plus cruciale que, ne croyant pas à la résurrection après la mort, ils concevaient leur perpétuation à travers leurs fils.
Ainsi dans le livre apocryphe du Siracide écrit vers -200 AJC, on trouve la phrase suivante
« si le père succombe, c’est comme s’il n’était pas mort car il laisse après lui quelqu’un qui lui ressemble » (Siracide 30 4)
Ne pas donner de fils à son mari, pour une femme, revenait ainsi à priver le maître d’avenir post mortem.
Ainsi les femmes stériles de la bible sont soit désespérées et acceptent qu’une esclave assure la descendance familiale, soit sont enceintes miraculeusement par une intervention expresse de Dieu.
Ce Dieu, symboliquement, assure, par la même, une part de paternité, tel est le cas pour Sara dont la descendance est sacralisée par l’assistance divine.
Cette sacralisation rejaillit sur toutes les lignées issues d’Abraham et de Sara formant ainsi dans leur ensemble, un peuple élu.
Pour comprendre les paroles sévères de Jésus, demandons-nous quelle fut sa propre attitude vis-à-vis de sa famille?
Fut il hostile, Oui ou non ?
Non, car il suit manifestement les rites majeurs de l’initiation dans son enfance.
Non car à Canât il suit les demandes de sa mère au cours de la fête de mariage.
Non car après Canât sa famille le suit à Capharnaüm, en tant que fils ainé qui hérite et assume les responsabilités d’un père décédé.
Non car il maintient des liens avec ses frères comme le précise l’évangéliste Jean :
« ses frères lui dirent : part d’ici et va t’en en Judée »
et ce, même si ceux-ci ne mettaient pas sa foi en lui.
D’ailleurs son frère Jacques dirigeât l’église de Jérusalem
Non quand il confie, au pied de la croix, Marie, sa mère, aux soins de Jean.
Oui quand il précise en Matthieu 12 46 :
« Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? Puis il étendit sa main sur les disciples et dit « voici ma mère et mes frères ! En effet quiconque fait la volonté de mon père qui est dans les cieux celui là est mon frère, ma sœur et ma mère ».
Voilà l’essentiel, Jésus substitue à la famille traditionnelle terrestre une famille dont il est le chef.
Ce n’est pas pour rien que Jésus répète inlassablement « changez radicalement »
Jésus, effectivement, bouleverse radicalement l’ordre des choses.
Paul explique parfaitement ce qu’est cette nouvelle institution familiale, le corps du Christ (Eph 4 11à16) :
« C’est lui qui a donné les uns comme apôtres, d’autres comme prophètes et maîtres, afin de former les saints pour l’œuvre du ministère, pour la construction du corps du Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du fils de Dieu, à l’état d’homme adulte à la mesure de la stature parfaite du Christ. Ainsi nous ne serons plus des tout-petits ballotés par les flots et entraînés à tous vents d’enseignement, joués et égarés par la ruse et les manœuvres des gens ; en disant la vérité, dans l’amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est à la tête, le Christ.
C’est par lui que le corps tout entier, bien coordonné et uni grâce à toutes les jointures qui le desservent, met en œuvre sa croissance dans la mesure qui convient à chaque partie, pour se construire lui même dans l’amour. »
Voilà le programme de Christ, d’une ambition inouïe.
Pour le contenir, il faut des outres neuves car les anciennes éclateraient sous la pression du vin nouveau.
La rigidité des règles familiales Juives est strictement maintenue par la prééminence des pères, mères ou belles mères.
Ce monde clanique fermé, privilégie les alliances stratégiques, notamment matrimoniales, décidées par le chef pour la survie de la tribu. Ainsi sont brisées les velléités des plus jeunes à innover, à aimer à chercher ailleurs leur destin, à assumer leur liberté.
Ce monde étouffe les hommes, réduits, comme le dit Paul, à l’état de tous petits ballotés par les flots.
L’appartenance au clan familial, à l’une des douze tribus d’Israël détermine ainsi le sort de chaque enfant Juif.
C’est cela que rejette Jésus.
Pour transformer ce petit en homme adulte, il faut bien lutter contre l’emprise des traditions et coutumes, il faut bien assumer le combat contre la fatalité d’une naissance qui voue au servage, à la soumission au chef de famille, au sacerdoce ou encore au destin de maître.
L’homme est ainsi prédéterminé dés son apparition sur terre, pour le meilleur et pour le pire.
Il n’appartient plus à Dieu mais à son clan, il est de la race des maîtres ou de ceux qui viennent manger les miettes tombées des tables de festin des puissants.
Il nous appartient à nous Chrétiens de lutter pour faire surgir en chacun homme, l’adulte dont la seule filiation spirituelle est la stature parfaite de Christ.
Ce beau combat, contre les fatalités des origines, les pouvoirs dictatoriaux des institutions, famille, églises, états, pour construire un homme nouveau a été mené par Jésus jusqu’à en mourir.
L’homme aliéné par les morales rigides, les dogmes, les rapports de pouvoir, les clivages entre clans, familles, nations, est relevé par Christ qui le transmute en homme spirituel échappant à toutes les morts de ce monde.
Ce programme là, c’est le programme fixé à douze disciples et aussi à des milliards d’homme, d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
C’est un cri pour changer radicalement, pour ne pas se prendre dans les rets du filet des pouvoirs qui asservissent et des instincts qui réduisent l’homme à la dimension animale.
C’est un cri qui porte une parole d’amour partout où des hommes sont écrasés, bâillonnés, ballotés par les paroles trompeuses et les mauvais combats.
C’est une invitation à proclamer la bonne nouvelle sans timidité et sans peur.
C’est un commandement, il nous faut répandre le message de libération et l’annonce de la promesse de transformation de la servitude en plénitude.
L’amour ne se suffit pas de mauvais arrangements avec les dominations d’où qu’elles viennent.
Beaucoup cherchent à se substituer à ce qui est de notre responsabilité pour faire notre bien, en imposant leur pouvoir, leur vision du monde. Qu’ils soient parents, éducateurs, dirigeants de toutes sortes, clercs.
Ce n’est pas ainsi que l’homme sera libéré pour atteindre à la dimension d’un fils de Dieu, à l’image de Christ.
Frères et sœurs il n’y a pas de fatalité, le mal ne triomphe pas, devant la tombe une pierre a roulé révélant une cavité désertée par la mort.
La grotte de nos peurs est vide, il n’y a plus d’enfermement irrévocable.
Là où l’épée est levée, notre parole fera tomber le glaive.
Là où tout petits, ballotés par les flots nous pensons périr irrémédiablement, nous savons que dans nos détresses, même les plus profondes, Jésus nous a précédé a succombé sur la croix puis s’est redressé pour nous guider vers son royaume. Amen

lundi 15 mars 2010

prédication du 14 Mars 2010 à Aubagne

Jean 9, 1 à 7

« En passant, il vit ». Ainsi s’ouvre le récit de Jean.
Comme par enchantement Jésus passe.
Il est semblablement passé à travers la foule des Nazaréens, ses compatriotes, comme nimbé d’une force paralysant les agresseurs cherchant à le pousser dans un précipice.
Il y a là quelque chose de magique, d’étrange.
C’est aussi en passant que Jésus vit ses futurs disciples, Simon et son frère André s’apprêtant à pêcher.
C’est aussi en passant que Jésus vit Lévi le collecteur d’impôts.
A chaque fois Jésus dit suis moi et, à chaque fois, une force invincible met debout celui sur qui le regard de Jésus s’arrête.
Ces hommes que voit Jésus sont pourtant ordinaires, mal considérés voire handicapés.
Cette fois, dans le récit de Jean, c’est sur un homme aveugle de naissance que son regard se pose.
Mais avant d’aller plus avant, posons- nous la question suivante, où en est Jésus dans sa mission ?
Il importe de le préciser, car nous serons certainement étonnés qu’il puisse se soucier d’un pauvre hère, au moment où sa propre vie bascule dans la tragédie.

Les indications chronologiques notées par Jean placent le récit entre la fête de Sukkhot, appelée fête des cabanes ou des tentes, et la fête de la dédicace.
Le récit relate ainsi des faits dont le déroulement se situe entre nos mois d’Octobre et Décembre.
Très vraisemblablement l’événement se déroule très peu de temps après la fête des cabanes, un jour de sabbat.
La fête des cabanes dure 8 jours, elle attire tous les juifs pratiquants.
Jésus s’est trouvé plongé en plein milieu d’une foule abondante et mobile.
A cette époque Jérusalem comptait 80 000 habitants, il faut y ajouter tous les pèlerins montés de Judée et de Galilée rassemblés pour la plus grande fête Juive.
200 000 personnes environ formaient la population présente à Jérusalem en cette période qui couvre les fêtes du grand pardon, le début de l’an juif puis la fête des cabanes.
Quelques jours avant la fête, les frères de Jésus, qui s’y rendaient, avaient mis en demeure ce dernier de monter à Jérusalem
« On n’agit pas en cachette quand on veut s’affirmer. Puisque tu accomplis de telles œuvres, manifestes toi au monde. » (Jean 7, 2 et 3)
Jésus avait commencé par refuser, puis, se ravisant, s’y était rendu en secret.
Dès le troisième ou quatrième jour de la fête, il tint au temple des discours magistraux suivis de controverses acharnées avec certains pèlerins.
Le sanhédrin inquiet de tels propos, non-conformes aux dogmes officiels, envoiya alors des soldats pour l’arrêter.
Mais ils refusèrent de mettre la main sur lui « car dirent ils jamais un homme n’a parlé ainsi »
Vient le huitième jour.
Ce jour là est le sommet de la fête si joyeuse qu’est Sukkhot, la fête des cabanes ou des tentes.
Tous les juifs ont dormi dans les cabanes en branches et ont admiré tard dans la nuit le temple illuminé par quatre chandeliers d’or.
La vive lumière dorant le temple, symbole de la magnificence de Yahvé, contraste superbement avec la sombre nuit s’étendant sur les peuples païens.
Cette vive clarté est amplifiée par celle des nombreuses torches brandies par des hommes pieux.
Ils dansent avec passion sur le parvis, tout en chantant des hymnes de louange accompagnés par les harpes et les flutes.
Les lévites, assemblés sur les quinze marches d’accès au temple psalmodient les quinze psaumes des degrés (PS 120 à 134).
« Quelle joie quand on m’a dit, allons à la maison du seigneur. Nous nous sommes arrêtés à tes portes, Jérusalem ! Jérusalem la bien bâtie. C’est là que sont montées les tribus d’Israël selon la règle en Israël, pour célébrer le nom de Yahvé… » (Ps 122)
Les pèlerins épuisés s’étaient finalement assoupis sous les cabanes précaires en branchages.
A la première lueur du jour, les trompettes d’argent des sacrificateurs retentirent.
Alors les juifs, réveillés en sursaut, se saisirent de la pomme du paradis dans la main gauche, en pratique il s’agit d’une orange, et dans la main droite des branches de quatre arbustes.
Ils s’agglomérèrent à la procession qui serpentait dans Jérusalem.
Le grand sacrificateur à sa tête était porteur d’une superbe cruche en or
Une fois arrivé à la fontaine réservoir de Siloé, la cruche fut remplie d’eau, puis la procession se rendit au temple.
L’eau fut répandue sur l’autel des sacrifices en signe de purification.
Tous les sacrificateurs se mirent alors à tourner sept fois autour de l’autel, au son des trompettes en criant « ô maintenant apporte donc le salut, Yahvé, donne la prospérité ».
Tous les pèlerins se remémoraient comment, dans des circonstances similaires, les murs de Jéricho tombèrent.
Ils espèraient ardemment que par l’intervention directe de Dieu, les murs du paganisme s’effondreraient devant Jehova, livrant, à découvert, le monde au peuple élu et à son Dieu.
Après le grand pardon des fautes, la fête des cabanes, représente le baptême symbolique de tout un peuple rassemblé, lavé de ses péchés et habité par l’esprit de Dieu.
C’est à cette occasion, au plein milieu de la procession du 8me jour de fête que Jésus se dressa et se révéla au peuple juif rassemblé. (Jean 7, 37 à 39 et 8, 12)
« Jésus debout s’écriait : si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! Celui qui met sa foi en moi, comme dit l’écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son sein ….Je suis la lumière du monde celui qui me suit ne marchera jamais dans les ténèbres mais il aura la lumière de la vie».
Bien sûr la controverse s’installa dans la foule.
Ce Jésus est il d’origine divine pour parler ainsi ?
Mais personne ne mit la main sur lui car les esprits étaient à la joie.
Les deux symboles de la fête des cabanes, lumière et eau, avaient été repris dans la déclaration de Jésus et avaient acquis dans sa bouche une signification tout à fait novatrice.
Jésus, après cet éclat, était connu de plus de 200 000 pèlerins et habitants de Jérusalem
Pourtant, Jésus n’était qu’un Galiléen, un provincial à peine instruit, plutôt ordinaire, ne présentant aucune caractéristique seyant à un prophète et encore moins à un messie.
La situation était insupportable pour le clergé et les défenseurs de l’orthodoxie religieuse, c’est pourquoi, dans le temple, leurs représentants se saisirent de pierres pour lapider le trouble fête, mais Jésus se cacha et sortit de l’édifice.
De nouveau, Jésus échappait aux pierres lancées.
Très peu de temps après, en passant, il vit alors un aveugle de naissance.
Nous voici de retour à notre point de départ, enrichis par des informations tout à fait nécessaires à la compréhension du texte.

Les disciples, s’étonnent de l’attention portée à l’ handicapé visuel. Et cela est bien normal. D’une part ils ont bien d’autres soucis que celui de plaindre les mendiants qui abondent à proximité du bassin de Siloé, d’autre part, ils sont en phase cette fois avec les maîtres en religion que sont les pharisiens.
Ces juifs orthodoxes disent à l’aveugle dans le chapitre 9
« Toi tu es né tout entier dans le péché et c’est toi qui nous instruis, et ils le chassèrent dehors » (jean 9, 34)
En effet un être handicapé de naissance, ne l’est, dans leur optique, qu’à cause de parents ayant forcément commis de grands péchés. Et le poids de ces péchés rejaillit sur les descendants.
D’ailleurs nombreux sont les textes de la bible justifiant leur opinion, comme Exode 20,5
« Moi l’éternel ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent ».
Lier la souffrance, le handicap, la catastrophe imprévisible à une faute, est ancré dans le système de pensée naturel de l’espèce l’humaine.
Ainsi, la croyance à l’enchainement des réincarnations fonde l’Hindouisme. Il vise à purger progressivement l’individu, vie après vie, de ses fautes passées.
Les adages populaires « ils l’ont bien mérité », « qu’est ce que j’ai fait au bon Dieu pour subir tant de souffrances ou de maux », montrent que la théologie de la rétribution a de nombreux adeptes.
Encore maintenant, des psychologues à la mode imputent les malheurs actuels de certains aux fautes de leurs ancêtres.
La grande référence sur le sujet, c’est Job, exposé sans motifs à tous les maux, après avoir goûté à tous les bonheurs.
Il tente sans répit de trouver la réponse à cette question lancinante :
« Comment un Dieu tout puissant et bon, peut il créer la souffrance et ne pas agir pour l’endiguer lorsqu’elle se manifeste ? »
En fait il n’a pas de réponse, si ce n’est celle ci, Dieu est au-delà de ma compréhension, il échappe à ma quête, ses voies ne sont pas mes voies. Mais dit Job
« Je sais bien moi que mon rédempteur est vivant, et qu’il se lèvera, après que ma peau aura été détruite ; de ma chair je verrai Dieu, moi je le verrai, mes yeux le verront et pas quelqu’un d’autre » (Job 19, 25 à 27)
Au pourquoi en un mot, Jésus répond, quant à lui, sensiblement de la même façon que Job, par un pour quoi en deux mots.
Toutefois, il précise que le handicap de l’aveugle de naissance n’est lié en rien à un quelconque péché.
Ainsi, toutes les théologies de la rétribution sont balayées.
Haïti n’a pas subi le tremblement de terre à cause du péché des habitants !
Il n’y a pas non plus de péché originel qui pèserait sur nous, dès notre naissance, du fait de la faute d’Adam et Eve.
Attention ! Cette partie de la réponse de Jésus à la question des disciples est souvent négligée par les commentateurs du texte. Pourtant elle est essentielle. Elle permet d’affirmer aux athées que Dieu ne se venge pas sur ses créatures.
Même si le plan de Dieu pour orienter tout l’univers vers un état pacifié, reste largement indéchiffrable, il n’en reste pas moins que ses intentions, révélées par Jésus, sont celles d’un être attentif à nos malheurs.
Jésus utilise cet aveugle pour poser un signe à travers lequel vont être rendues évidentes les œuvres salutaires de Dieu.
Il remplace l’impuissant et nostalgique « pourquoi ? » par une promesse, et il la met immédiatement en œuvre.
Le temps presse tellement qu’un miracle est possible même un jour de sabbat.
Il faut œuvrer dans la lumière et Jésus est la lumière du monde.
Il est la lumière du monde en tout lieu et pour tout être, il ne se tient pas enfermé dans ce temple illuminé le 8me jour de la fête des cabanes, il est partout et surtout en nous même et ce jour là au cœur de l’aveugle né.
Il n’est pas seulement le Dieu d’un peuple élu, il est celui de tous les hommes.
Il est l’eau qui vivifie et guérit, il n’est pas besoin d’aller attendre les miracles des eaux salvatrices près de la fontaine de Siloé qui, quand elles bouillonnent, engendrent des guérisons.
Il n’est pas besoin d’attendre, comme l’espèrent les pèlerins à Lourdes, que le hasard désigne un parmi tant d’autres, pour jouir des attentions de Dieu.
Il est venu tous nous sauver et pas seulement l’aveugle de naissance.
Par le baptême d’eau et d’esprit, Christ nous donne les moyens de changer radicalement pour peu que nous répondions à son invitation.
(Apocalypse 3:20) « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. »
Quand Jésus malaxe de la terre et de l’eau et pose la boue sur les yeux de l’handicapé, il perfectionne la première création (Gen 2, 7). Adam façonné à partir de la poussière de la terre et du souffle de Yahvé était imparfait. Il était faussé.
L’apôtre Paul le constate d’ailleurs amèrement, « quand je veux faire le bien, je fais le mal ».
Christ crée un homme nouveau à son image, en étalant sur les yeux la boue formée d’argile et de salive.
Or la salive est l’équivalent du souffle. Les mêmes ingrédients pour construire un homme sont utilisés par Dieu et Christ.
Comme l’affirme Paul, au vieil homme succède le nouvel Adam.
Le nouvel homme est débarrassé de l’opacité qui faussait sa vision de Dieu, du bien et du mal.
L’aveugle né se rend dans les eaux de Siloé et y lave la boue devant tous les malades massés en l’attente d’un bouillonnement salvateur des eaux, mais aussi devant tous ceux qui y puisent de l’eau.
Bien sûr les faits et gestes de cet aveugle seront colportés dans toute la ville de Jérusalem, puisque Siloé assure l’approvisionnement en eau de la ville entière.
L’aveugle retrouve la vue bien sûr, mais aussi un sens à sa vie.
Ouvert à la connaissance de la volonté de Dieu, il cherche Jésus dans la ville, le trouve, et ploie les genoux en disant, je crois Seigneur.
Nous ne sommes plus aveuglés, nous sommes des hommes nouveaux.
Jésus a pris le temps, dans ce début de passion, de détourner son regard vers l’aveugle que tu es et dont le bandeau qui te voile les yeux a été ôté par pure grâce.
Il importe dés lors de cheminer avec celui qui illumine notre monde.
Car, comme le rapporte le livre du Deutéronome
« Le seigneur ton Dieu a changé pour toi la malédiction en bénédiction, parce que le seigneur ton Dieu t’aimait » (Deut 23, 5)

Pierre dans les actes (actes 3, 15), qualifie Jésus du terme magnifique de pionnier de la vie.
Chers frères et sœurs, nous aussi sommes appelés à être, à la suite de Jésus, des pionniers de la vie pourvus d’une lumière intérieure que nul ne peut nous arracher, quelles que soient les aléas de l’existence.
Amen