samedi 23 octobre 2010

prédication du 24 octobre 2010 à La Ciotat

Prédication sur le livre de Jonas

Le livre de Jonas est classé parmi les textes des douze petits prophètes, et pourtant ce n’est pas un texte prophétique.
Comme le dit Luther « Si le texte de Jonas n’était pas dans la bible, tout le monde y verrait un conte de fée ».
Il s’agit bien en effet d’un conte ou plutôt d’une parabole.
Jonas ne prononce aucun discours inspiré par Dieu, aucune prophétie.
Cependant ce livre est véritablement ancré dans la réalité.
L’auteur précise, au début du texte, que Jonas était un prophète dont le père se nommait Amittaï du pays de Gath- Hepher en Galilée.
Père et fils, membres de la tribu de Zebulon, vécurent au 8 me siècle AJC.
Jonas est ainsi un prophète Galiléen, ce qui fait mentir le fameux texte de l’évangile de Jean (Jean 7- 52), par lequel les grands prêtres disent à Nicodème défenseur de Jésus,
« Serais tu Galiléen toi aussi ? Cherche bien et tu verras qu’aucun prophète ne vient de Galilée ».
Jonas et Jésus sont originaires du même pays et curieusement leur qualité est pareillement niée par les élites Juives .
Est-ce pour cette raison que Jésus cite si souvent le livre de Jonas? Au sein du seul évangile de Mathieu 4 fois !
Dont, en Mat 16-4, le texte suivant bien connu de tous
« Une génération mauvaise et adultère recherche un signe ; il ne lui sera pas donné d’autre signe que le signe de Jonas »
3 jours passés dans le ventre de la baleine annoncent les 3 jours passés par Jésus au domaine des morts le Schéol.
Dieu sauve Jonas rejeté sur le sec et sauve Jésus en les ressuscitant.
Les récits de poissons avalant un homme et le rejetant sur la terre ferme abondent dans la littérature de toutes les nations païennes, Babylone, l’Inde, l’Egypte…
L’auteur reprend, pour faire passer un message, une histoire véhiculée dans tout le monde moyen oriental.
Ecrire, au début du texte, que Jonas a vécu réellement vise au même effet que celui recherché par le sculpteur Roman représentant, à l’angle de certains chapiteaux, un petit bonhomme soufflant à pleins poumons dans une trompe.
Il s’agit d’attirer l’attention du lecteur ou du pèlerin.
Prenez garde il y a là plus qu’il n’y paraît, redoublez d’attention cela vous concerne, ce texte ou ce chapiteau parle de problématiques qui sont réellement les vôtres.
Le livre de Jonas n’est pas un texte anodin, il va relater des questions très importants.
C’est ce que je vais tenter de vous faire découvrir dans ce texte écrit au 4me siècle AJC.

Depuis l’arrêté de Sirius permettant aux hébreux déportés à Babylone de regagner Jérusalem, il s’est écoulé un siècle.
Les juifs de retour d’exil sous l’impulsion d’Esdras ont reconstruit le temple, restauré le système clérical prescrit dans la Torah, réécrit la plupart des textes bibliques.
Cet effort admirable a véritablement fondé le judaïsme.
Toutefois une part des juifs se renferma sur sa singularité et se coupa des relations avec les autres peuples, cette tendance est illustrée par la rupture de toutes les unions conjugales conclues, avant le retour d’exil, entre juifs et étrangères.
L’auteur du livre de Jonas, face à cette dérive nationaliste prend courageusement le parti d’indiquer que Yahvé est compatissant pour tous les hommes et toutes les créatures.
Afin d’éviter les foudres des prêtres, il procède comme le fit notre fabuliste national, Lafontaine, vis-à-vis du pouvoir du souverain.
Comme lui, il adopte une forme de récit plaisante, utilisant des traditions pluri séculaires pour coder un message important.
Annoncer sans précautions que Yahvé est attentif à toute sa création et non seulement au peuple élu, irriterait une part du peuple juif acquis aux opinions extrêmes de prêtres exaltés.
Le faire dire par Yahvé semonçant un prophète rétif, têtu, ingrat, osant effrontément le critiquer rend, par ricochet, le propos acceptable.
Je cite le reproche formulé par Jonas à l’encontre de son Dieu
« Je savais bien que tu es un Dieu miséricordieux lent à la colère et miséricordieux, lent à la colère et plein de fidélité et qui revient sur sa décision »
Cette critique est tellement importante aux yeux de Jonas que celui ci préfère mourir plutôt qu’assister au pardon des Ninivites.
Il le savait bien, pourtant, que Dieu était miséricordieux, car, tout juif et encore plus un prophète connaît ces qualificatifs issus de la Torah et des psaumes (Ex 34 5 à 7, Ps 86, Ps 103, Ps 145, Joël 2 13).
Aussi habilement présenté, la thèse d’un Dieu attentif à toute sa création sans exclusive devrait réduire au silence les pires extrémistes.

Mais vraiment, comme il est difficile de comprendre ce Jonas, qui après sa réussite involontaire à Ninive, se rebelle une nouvelle fois contre Dieu !
Yahvé lui a pourtant démontré toute sa puissance et sa compassion en le délivrant du ventre du gros poisson.
Jonas dans le fonds du gosier animal avait cependant formulé une très belle prière se terminant par « c’est au seigneur qu’appartient le salut »
Il convient de noter que le texte primitif du livre ne comprenait probablement pas cette prière dont le style est bien différent du reste du texte.
Cet ajout est d’autant plus probable que Jonas de façon incompréhensible aurait remercié le Seigneur pour sa grâce avant que celui-ci ne prescrive au poisson de recracher le petit prophète sur la terre ferme.
Ainsi la repentance de Jonas énoncée dans cette prière ne figurait pas dans le récit original.
Quand Dieu au début du récit dit « lève-toi, va à Ninive », pour toute réponse, Jonas tente de fuir à l’extrémité opposée du monde connu, l’Espagne.
Certes les Ninivites sont cruels et dangereux mais enfin n’est ce pas, pour un religieux, bien mal connaître son Dieu que de choisir de se cacher comme le fit Adam vis-à-vis de l’Eternel, avec les résultats que nous connaissons ?
Jonas en réalité était partant pour participer à l’extermination des Ninivites mais il ne faisait pas, comme nous l’avons relaté, confiance en son Dieu pour ce faire.
Lui, Jonas, faisait passer les intérêts de son peuple avant ceux du créateur.
Il aspirait en fait au martyr, il voulait apparaître comme celui qui venge les siens en mémoire de tous ces Hébreux abattus, suppliciés, pillés par les Assyriens.
Seule cette hypothèse explique son arrogance.
Il préfère mourir plutôt que de paraître lâche et conciliant.
Entrainer, obnubilé par son envie d’être un héros, les marins dans son destin tragique ne le soucie guère.
Il faut que le capitaine, comme l’a déjà fait Dieu, lui demande de se lever pour qu’il sorte de son sommeil.
En fait Jonas est toujours présenté comme étant assis ou couché, soit au fond du bateau, soit devant sa baraque sous son ricin. Symboliquement cette position correspond à son refus d’être un homme debout.
Il se pelotonne sur son ardent désir de vengeance qu’il remâche sans cesse de façon obsessionnelle.
Allez Jonas, lève toi, déploie toi spirituellement et sort de ton enfermement qui te rabougrit et fait de toi un mort vivant.
Les vrais croyants ce sont les marins, eux se sont levés, eux ont agi, eux ont prié, eux ont remercié.
A l’évocation par Jonas de Yahvé créateur qui fit l’humide et le sec, ils ont, selon la traduction de Chouraki, frémis d’un grand frémissement
A la demande de Jonas d’être sacrifié, ils répondent par une tentative de rejoindre la côte à la rame, sans succès, puis acculés à satisfaire la demande de Jonas, ils prient Yahvé en lui demandant de ne pas les charger d’un sang innocent.
Une fois Jonas jeté à la mer, ils frémirent encore d’un grand frémissement et se mirent à adorer Yahvé car la mer s’était calmée.
Ils avaient sans état d’âme adopté ce nouveau Dieu, Yahvé.
Ces hommes avaient la foi et cependant ils étaient des païens.
Jonas est le négatif de tout cela, lui ne se laisse pas emporter par son cœur, lui ne frémit pas.
Jonas est imperméable à l’amour.
Il est de la race des terroristes, droits dans leur bottes, enfermés qu’ils sont dans leur vision d’un monde réduit à la dimension de leur tribu, de leur idéologie.
Jonas préfère 3 fois de suite la mort à la repentance.
A la toute fin Dieu lui dit « as-tu raison de te fâcher à cause de cette plante ? » et Jonas répondit « oui j’ai raison de me fâcher à mort »
Dieu est devant un obstacle qu’il ne peut pas franchir sans attenter à la liberté de l’homme, alors il explique sa position de créateur aimant son œuvre et supportant mal que les hommes ne distinguent pas leur droite de leur gauche ou si vous voulez ne distinguent pas le bien du mal.
Il ajoute que le sort des bêtes le soucie aussi.
Mais l’homme est libre de répondre comme il le désire à l’amour offert, c’est pourquoi le récit s’achève sur l’explication de Yahvé.
Nous ne saurons pas si Jonas cessa son opposition, il était libre de choisir.
Comme nous sommes libres de choisir entre le bien et le mal.
Nous sommes parfois, nous aussi, couchés, collés à la matière, remâchant sans cesse nos envies de vengeance.
Christ ne cesse de nous dire lève toi.
Il le dit aux paralytiques redéployés, redressés.
Nous sommes ainsi mis en mouvement sur le chemin de nos vies sous l’impulsion de Jésus Christ dont le livre de Jonas préfigure les enseignements.
Pour conclure je vous livre un passage de la bible dans le premier livre des rois (1Rois 19 1- 8), vous noterez les similitudes avec l’aventure de Jonas.
L’auteur du livre de Jonas le savait, l’attitude d’Elie est le positif du négatif de Jonas !
Elie fuyait la colère des hommes après avoir défaits les prophètes païens et démontré la supériorité de son Dieu Yahvé. Je cite
« Elie se sauva dans le désert, il s’assit sous un genêt et demanda la mort en disant : cela suffit maintenant Seigneur, prends ma vie car je ne suis pas meilleur que mes pères.
Il se coucha et s’endormit sous un genêt.
Soudain un messager le toucha et lui dit : lève toi, et mange sinon le chemin sera trop long pour toi.
Il regarda, il y avait à côté de lui une galette cuite sur des pierres chaudes et une cruche d’eau.
Elie se leva et marcha 40 jours et 40 nuits jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb »
Nous aussi, au temps où l’énergie vitale nous fera défaut, nous trouverons à nos côtés une galette chaude et une cruche d’eau pour nous redresser afin d’atteindre, après notre transformation spirituelle, la montagne de Dieu à l’instar du prophète Elie.
Cette galette chaude et cette cruche d’eau sont pour nous chrétiens signes comme le pain et le vin de la présence à nos cotés de Dieu.
Puissions-nous, frères et soeurs distinguer notre droite de notre gauche !
Nous sommes en effet engagés dans l’effort de reconnaître ce qui est bien et de le promouvoir, mais aussi d’identifier ce qui est mal et de nous y opposer en tentant de vivre du mieux que nous pouvons dans le mélange des deux.
Puisse ce message inscrit sur le fronton de l’église Anglicane de Saint Martin in the fiels à Londres habiter votre prochaine semaine. Amen