lundi 31 janvier 2011

Prédication donnée à Aubagne le 30 janvier 2011

Prédication sur le texte 1 Co 1 26 à 31

L’épitre aux Corinthiens a probablement été rédigée à Ephèse où se trouvait Paul entre les années 51 et 55.
Paul était fort attaché aux Corinthiens, qu’il avait évangélisés pendant un an et demi (actes 18 11) avec passion en dépit d’une opposition puissante du chef de la synagogue.
Et c’est avec tristesse qu’il accueillit les nouvelles de division au sein de l’Eglise de Corinthe, colportées jusqu’à lui par des voyageurs de la ville de Chloé.
Certains Corinthiens, par ailleurs lui avaient par lettres demandé conseil sur un certain nombre de questions faisant débat dans l’Eglise de Dieu.
La ville de Corinthe était cosmopolite, on y trouvait des grecs et une forte communauté de juifs formée de juifs romains exilés de Rome par l’empereur.
L’église de Dieu était ainsi hétérogène, les juifs et les grecs ayant des systèmes de pensée divergents.
Après le séjour de Paul à Corinthe, des évangélisateurs avaient poursuivis son action, notamment Pierre et Apollos. Apollos était un compagnon de Paul en plein accord avec lui.
Les fidèles à Corinthe s’étaient ultérieurement divisés en groupuscules se recommandant qui de Paul, qui de Pierre, qui d’Apollos.
Paul, bien sûr, ne pouvait rester inactif face à des divisions affaiblissant la crédibilité des chrétiens.
Il rédigea donc plusieurs lettres à l’attention des fidèles de Corinthe rassemblées dans ce que l’on a appelé la première épitre aux Corinthiens.
Une de ces missives est constituée par les quatre premiers chapitres de la première épitre adressée aux Corinthiens.
C’est un véritable cours de Christologie et un sommet de l’enseignement de Paul.
Cette lettre fut écrite avec une grande tendresse. Le texte de 1 Co 3 1 à 8 illustre ce propos
¶ Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels.
En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et des disputes, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ?
Quand l’un dit : Moi, je suis de Paul ! Et un autre : Moi, d’Apollos ! N’êtes-vous pas des hommes ?
¶ Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l’a donné à chacun.
J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître, en sorte que ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître. »
Paul eut à faire à des Corinthiens solidement attachés aux valeurs du monde et il prêcha avec passion pour les transformer en hommes spirituels.
Les Corinthiens eurent l’instinct bien humain de se chercher des leaders, se réfugiant derrière leur évangéliste préféré du moment, Paul, Apollos ou Pierre, et cette référence les justifiait à leurs yeux et constituait leur fierté.
Un peu comme certains parmi nous affichent en bleu et blanc leur fierté d’être Marseillais
Ne savaient-ils donc pas, comme l’indique Paul en (1 Co 3 16 et 17), qu’ils étaient
« Le sanctuaire de Dieu et que l’esprit de Dieu habitait en eux ?
Si quelqu’un vient à détruire le temple de Dieu, Dieu le détruira, car le temple de Dieu est saint et ce temple c’est vous ».
La dimension de l’homme que Dieu a appelé, est potentiellement immense c’est ce que nous précise le texte du jour.
Dans notre assemblée, aujourd’hui, à ma connaissance, il n’y a pas de grands philosophes reconnus pour leur sagesse toute humaine, il n’y a pas de détenteurs de pouvoirs exceptionnels dans la cité, il n’y a pas de détenteurs de biens considérables liés à l’activité d’un clan familial implanté depuis longtemps dans la Région.
Il y a des humains divers, besogneux, dont le seul point commun est d’être réuni pour confesser leur foi en Christ.
C’est Christ l’objet de notre fierté et non nous même.
Dans le monde, les hommes s’enorgueillissent ; de leur naissance dans des familles ayant pignon sur rue, des richesses qu’ils ont acquise et qu’ils exposent, de leurs pouvoirs reconnus, de leur beauté, de leurs dons.
Ce n’est pas dans ce vivier d’hommes méritants, nobles, puissants, beaux que Dieu a fait son choix exclusif. L’assemblée d’aujourd’hui en témoigne.
D’ailleurs, comment Dieu a-t-il fait le choix si important, celui de son envoyé, le messie tant attendu par les juifs ?
Pensez vous qu’un chasseur de tête l’eut sélectionné comme Dieu le fit, dans une famille de Galilée et de ce fait méprisée par les juifs de Judée, dans le sein d’une femme non mariée et dont le géniteur est d’une telle pauvreté qu’il est incapable de trouver un lieu décent pour l’accouchement de Marie ?
Pensez vous qu’un Dieu, tels que les philosophes et prêtres les plus sages l’imaginaient à l’époque, pouvait se présenter comme un héros sans grade, battu, objet de dérision, rejeté et abandonné même par ses compagnons, et finalement piteusement pendu au bois, à l’image des deux larrons l’entourant au Golgotha ?
Et pourtant, tout comme Paul
« Nous prêchons un messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens » (1 Co 1-23)
Dieu est fou selon les critères des hommes sages de ce monde.
Et c’est ce que Paul nous dit
« Ce qui est folie dans ce monde Dieu l’a choisi pour confondre les sages, ce qui est faible dans ce monde Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort, ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est » (1 Co 1-27 et 28).
Bien sûr, ce qui est folie, ce qui est faible, ce qui est vil et méprisé c’est Jésus l’élu de Dieu !
Par un renversement incroyable, la sagesse spirituelle venant de Dieu est incarnée en Jésus qui est, selon Paul, justice, sanctification et délivrance.
Je vais tenter de définir ces trois termes choisis avec soin par Paul.
Que signifie la justification ?
La déclaration conjointe Luthéro Catholique sur la doctrine de la justification signée en 1999, qui met un point final à plus de 500 ans de conflits, fournit cette explication dans son 11me point
«La justification est accueil dans la communion avec Dieu, déjà maintenant, puis en plénitude dans le règne à venir. Elle unit au Christ dans le baptême en tant qu’incorporation dans l’unique corps.
Tout cela vient de Dieu seul, à cause du Christ, par la grâce, par le moyen de la foi en l’évangile du fils de Dieu. »
Ainsi la justification se définit comme le fait d’être rendu juste par grâce absolue de Dieu qui vient vers nous. Ainsi justifié nous sommes intégré au corps du Christ. Il s’agit d’un acte d’union à Christ célébré symboliquement lors de la cène.
Que signifie Jésus est sanctification ?
Dans les salutations de la première lettre aux Corinthiens, Paul adresse sa lettre à ceux qui ont été consacrés en Jésus Christ et qui sont saints par appel.
Ainsi vous que Jésus a été chercher, vous êtes de ce fait rendus saints et vous n’y êtes pour rien. C’est ce que Paul martèle en 1 Co 3- 16
« Ne savez vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est saint, c’est là ce que vous êtes. »
Que signifie délivrance ?
Paul en Ro 6- 5à11 explicite clairement ce dont il s’agit
« Nous savons qu’en nous, l’homme ancien a été crucifié avec Jésus, pour que le corps du péché soit réduit à rien et que nous ne soyons plus esclaves du péché ; car celui qui est mort est justifié, il est quitte du péché…..Ainsi vous-mêmes, estimez vous morts pour le péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ. »
L’homme nouveau en Christ est débarrassé de la malédiction qui faisait de lui un être enclin au mal par nature, conduit par ses passions instinctives.
Libéré de ses chaines, il entre de plein pied dans le corps de l’église dont la tête est Jésus, il dispose dorénavant d’un modèle et d’un guide pour le conduire et le transformer en être spirituel.
Ainsi notre fierté c’est d’être en Jésus Christ, justifié, sanctifié, délivré.
Nous sommes au service de Dieu.
Un Dieu impuissant selon la sagesse humaine puisqu’il ne garantit en rien contre les aléas du monde et les pires ignominies comme la shoah, mais puissant par son esprit incarné en Jésus.
Je vais vous lire une partie d’une lettre rédigée par une jeune juive, Etty Helsum qui en 1942, s’est volontairement porté au secours des siens au camp de transit de Westerbork. Transférée à Auschwitz elle y fut exécutée le 30 novembre 1943.
« J’essaierai de vous aider Dieu, à stopper le déclin de mes forces, bien que je ne puisse en répondre à l’avance. Mais une chose devient de plus en plus claire à mes yeux : à savoir que vous ne pouvez nous aider, que nous devons vous aider à nous aider.
Hélas il ne semble guère que vous puissiez agir vous-même sur les circonstances qui nous entourent, sur nos vies. Je ne vous tiens pas non plus pour responsable.
Vous ne pouvez nous aider, mais nous, nous devons vous aider, nous devons défendre votre lieu d’habitation en nous jusqu’à la fin »
Oui nous devons défendre le lieu d’habitation de Jésus en nous, notre espérance et notre fierté.
«Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ?
Lui qui n’a pas épargné son propre fils mais l’a livré pour nous tous, comment avec son fils ne nous donnerait il pas tout ?
Qui accusera les élus de Dieu, Dieu justifie !
Qui condamnera ? Jésus est mort, bien plus il est ressuscité ;
Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ?
Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.
Oui j’en ai l’assurance : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs , ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » Ro 8 31à 39
Frères et sœurs, il y a dans ce Dieu qui vient vers nous et nous sauve, un grand mystère. C’est une folie pour la sagesse humaine.
Mais les sages de ce monde disposent-ils des éléments suffisants pour décréter absurde la sagesse de Dieu.
Sont-ils en mesure d’appréhender Dieu dont les dimensions dépassent très certainement notre possibilité d’entendement ?
L’impuissance de Dieu devant les massacres et horreurs de toutes sortes est patente et pourtant ce Dieu s’est manifesté à travers le Christ, créature insignifiante, humiliée, déchue.
La jeune juive a perçu, dans sa souffrance inouïe, la dimension du combat auquel Dieu nous demande de participer.
Pour surmonter le mal, il est nécessaire d’aider Dieu à maintenir sa place en nous pour que nous puissions lutter avec la fierté d’être justifié, sanctifié, délivré pour construire un monde régénéré.
Les bourreaux Hitlériens, sadiques écrasant l’humanité et la fierté d’un peuple en l’avilissant dans des tâches sordides et en cultivant les rivalités entre des êtres désespérés mus par le seul instinct de survie, furent mis en échec par ceux qui comme cette jeune femme aidèrent Dieu à garder sa place au tréfonds d’eux même.
Menons comme le dit Paul le beau combat, le seul dont nous puissions être fiers, appuyés sur la folie et la sagesse de Dieu, mais aussi sur la foi en Christ source de toute espérance.