mercredi 15 juin 2011

Juin prédication donnée à La Ciotat le 19 Juin 2011

Prédication sur le texte Mathieu 23 versets 1 à 15 et 23 à 33

La charge contre les Pharisiens est terrible. Jésus se bat.
Ce n’est pas le doux pasteur des images Saint Sulpicienne, on retrouve là sa verve combattante inaugurée en Mat 10 34
« Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre, je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle fille et sa belle mère, et l’homme aura pour ennemi les gens de sa maison ».
Les pharisiens sont pratiquement les gens de la maison de Jésus tant leurs convictions théologiques affichées sont proches des siennes.
D’ailleurs, quelques exégètes pensent que des membres de la famille de Jésus, en particulier son frère Jacques, appartenaient à leur parti.
Le texte du jour ne remet pas en cause la pertinence des thèses des Pharisiens, bien au contraire, puisque Jésus demande même aux auditeurs de faire et d’observer tout ce que les pharisiens leur demandent.
Par contre il convient de ne pas les prendre pour modèle car, ils disent mais ne font pas.
Ainsi le reproche fait aux pharisiens porte sur leur comportement.
Comportements d’hypocrites plaidant la pureté mais recherchant par ailleurs la reconnaissance sociale, les avantages et les honneurs.
Ils laissent de côté ce qui est le plus important dans la loi : la justice, la compassion et la foi.
Comment ne pas penser au texte d’Esaïe 59 versets 9 à 16
«C'est pourquoi l'équité reste loin de nous, la justice ne nous atteint pas ; nous espérions la lumière, et ce sont les ténèbres— la clarté, et nous marchons dans l'obscurité.
Nous tâtonnons comme des aveugles le long d'un mur, nous tâtonnons comme des gens sans yeux ; nous trébuchons à midi comme au crépuscule, au milieu de l'abondance nous sommes comme les morts.
Nous grognons tous comme des ours, nous gémissons comme des colombes ; nous espérions l'équité, mais rien ! — le salut, mais il est loin de nous !
Car nos transgressions sont nombreuses devant toi, et nos péchés témoignent contre nous ; nos transgressions sont avec nous, et nous connaissons nos fautes :
révoltes et trahisons envers le SEIGNEUR, reculs loin de notre Dieu ; paroles de violence et de subversion, paroles mensongères conçues et méditées dans le cœur, de sorte que l'équité recule, que la justice se tient éloignée ; la loyauté trébuche sur la place publique, la droiture ne peut accéder.
La loyauté a disparu, et celui qui s'éloigne du mal est une proie».
La colère de Jésus est celle du dépit, de l’espérance déçue, c’est le cri de la proie acculée s’éloignant du mal et, de ce fait, incapable de se défendre avec les armes habituelles du monde.
La colère de Jésus est nourrie par le constat suivant : les Juifs ont tendance à multiplier et sacraliser des rites compliqués et à considérer leur pratique comme prioritaire.
Ils sont en quelque sorte victimes d’une addiction !
Mais qui sont ces pharisiens ?
Les pharisiens successeurs des partisans d’Esdras et Néhémie 400 ans avant JC agirent, en tant que parti, pour maintenir la religion d’Israël intacte en dépit des tentatives réitérées des occupants Grecs puis Romains pour l’abolir ou la modifier.
Nombre de pharisiens furent, de ce fait, martyrisés notamment sous le règne d’Antiochus 4 (-150 AJC). Ce parti est, en quelque sorte, un parti puritain décidé à maintenir la stricte observation de la loi.
Le parti n’hésita pas à organiser une résistance armée du peuple juif, durant 6 ans, sous le roi grec Alexandre Jannée qui en 88 AJC fit crucifier 800 d’entre eux.
Comme le relate l’historien juif Josephe, « la puissance des pharisiens sur la foule est telle qu’ils se font écouter même lorsqu’ils parlent contre le roi ou le grand prêtre » (Antiquités 13 10 verset 5).
Dans leur zèle les Pharisiens ne se contentent pas d’interpréter la loi avec exactitude, mais l’interprétation que leurs ancêtres donnèrent de l’AT devient elle-même loi pou eux.
Progressivement ils élaborent le Talmud qui réglemente la vie pratique des juifs dans ses moindres détails.
Le peuple Juif respectait les Pharisiens car ils constituaient le ciment spirituel du peuple et élaboraient les normes sacrées de la vie journalière.
De même les autorités les toléraient car les pharisiens, du temps de Jésus, ne faisaient pas de politique et se concentraient sur le domaine religieux.
C’est pourquoi après 70, date de la destruction du temple de Jérusalem, seuls les pharisiens furent en mesure de maintenir la religion juive.
Les juifs appréciaient la proximité de la religion populaire véhiculée par les Pharisiens, en prise directe avec leurs préoccupations quotidiennes.
Ils n’étaient ainsi pas réceptifs aux dérives dénoncée par Jésus en Marc 7 6 à 13
« Jésus leur dit : Esaïe a bien parlé en prophète sur vous, hypocrites, comme il est écrit :
Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est très éloigné de moi ; c'est en vain qu'ils me rendent un culte, eux qui enseignent comme doctrines des commandements humains.
Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous vous attachez à la tradition des humains. Jésus leur disait : Vous rejetez bel et bien le commandement de Dieu pour établir votre tradition ».
A force d’attacher plus d’importance aux rites ostentatoires imaginés par les prêtres qu’à la pratique de la charité, Israël prenait garde à purifier l’extérieur de la coupe oubliant de nettoyer l’intérieur pollué par la rapacité et l’excès.
C’est pourquoi Jésus opposait le terme « Heureux » utilisé 9 fois dans le sermon sur la montagne à l’expression « malheur pour vous » appliquée 7 fois aux Pharisiens.
Les hommes heureux sont les généreux, les doux, les affamés de justice, les compatissants, les cœurs purs, toutes caractéristiques antithétiques avec celles qualifiant les Pharisiens.
Malheur à vous hypocrites manipulateurs, bonheur aux purs recherchant DIEU sans relâche et sans à priori.
Ainsi Jésus en fustigeant les Pharisiens s’attaquait à un parti respecté par le peuple qui voyait en lui le parti de la résistance Juive à toute assimilation et perte d’identité.
Les pharisiens avaient leurs martyrs ainsi, pour les juifs, honorer la mémoire de tels hérauts allait de soi.
De façon tout à fait comparable, après la seconde guerre mondiale nul ne remettait en cause les partis issus de la résistance intérieure.
A vue humaine, l’entreprise de Jésus était vouée à l’échec.
Dans les conditions angoissantes de l’occupation Romaine, il était impossible de changer l’opinion du peuple sur le parti des Pharisiens, âme de la résistance religieuse Juive.
La démarche de Jésus se solda d’ailleurs par un échec total, incompréhensiblement transformé en victoire par une effusion spirituelle providentielle.

Si le chemin suivi par les Pharisiens n’est pas le bon, alors c’est celui suivi par Jésus qui est le modèle de nos chemins de vie chrétiens.
Toutefois il en est deux! C’est ce que nous apprend le théologien André Gounelle dans son livre « le dynamisme créateur de Dieu ».
Soit on considère que les évangiles constituent un enseignement révélé, soit l’incarnation de Jésus et ses comportements nous servent de modèle pour trouver l’énergie nécessaire à l’accomplissement du plan de Dieu.
Si l’enseignement est privilégié, ce sont les paroles et les actions significatives de Jésus qui vont servir de références.
Dans cette optique ces paroles et ces actions constituent un savoir.
Par elles nous apprenons qui est Dieu et nous découvrons le secret du monde et de la vie.
Le croyant s’efforce de recevoir et de transmettre sans transformations leur signification.
Les fidèles doivent conformer leurs croyances et leurs idées aux discours de Jésus et régler leurs conduites d’après ses préceptes.
Pour l’église, se réformer signifie revenir au modèle néotestamentaire et non s’adapter à des situations nouvelles.
La fidélité consiste à maintenir, en les modifiant le moins possible, des doctrines et des principes.
Quand on se réfère ainsi à Jésus on est conduit, à un christianisme conservateur et statique, qui se fige dans ses dogmes et dans ses rites et qui se refuse à toute nouveauté ; autrement dit cette conduite génère paradoxalement un christianisme qui se ferme à Christ.
Car l’onction de Dieu instituant son Christ confère à celui ci la puissance divine de transformation créatrice. Or si le temps de l’histoire religieuse s’est arrêtée un jour de Pâques de l’an 33 rien ne peut plus ensuite être transformé ni créé !
On s’appuie alors sur Jésus sur ses paroles et ses actes pour rejeter le Christ une nouvelle fois comme, pour les mêmes raisons, l’ont fait une première fois, il y a 2000 ans les Pharisiens.
Les chrétiens adeptes de cette voie devraient méditer l’appel de Jésus « changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle » (Marc 1 15).
Le second chemin de vie est défendu par les théologiens Américains du Process.
Ils considèrent que notre référence doit être dominée par la notion d’événement.
Les paroles et les actions de Jésus ont eu et ont toujours pour effet de changer les situations existantes.
Elles ont fait et font encore bouger les choses.
Elles ont mis en route un processus qui, 20 siècles après, n’est pas parvenu à son terme.
Elles ont opéré et continuent d’opérer des transformations créatrices.
Là réside principalement la valeur des paroles et actions de Jésus.
Au fond Jésus n’apporte pas grand-chose à ses auditeurs sur le royaume de Dieu qui constitue cependant le thème central de ses prédications.
La spécificité de Jésus vient de ce qu’il mobilise ses adeptes pour construire ce Royaume ; il est, par son verbe, la puissance qui oriente et dynamise leur existence ; il leur ouvre un espace à parcourir et un avenir vers lequel se diriger.
L’évangile n’enseigne pas ; il interpelle, bouscule et dérange.
On le dénature quand on en tire des règles à respecter et des doctrines à croire.
Il est une force et un courant qui nous emporte toujours plus loin, qui nous empêche de nous installer et de nous reposer.
Jésus est le Christ dans la mesure où il nous arrache à nos habitudes, nous fait sortir de nos systèmes, même néotestamentaires, et casse nos cadres pour nous ouvrir à des perspectives nouvelles et nous pousser à aller de l’avant.
La vie chrétienne invente et s’invente sans cesse, entrainée par la puissance divine de transformation créatrice, participant à ce grand mouvement qui trouve son origine en Jésus le Christ.
L’évangile ne doit pas être considéré comme la balise qui indique un point fixe et sert de repère au navigateur, mais plutôt comme le moteur qui permet à son bateau de se déplacer.
Il ne faut pas voir en Jésus un maître qui aurait, un temps, délivré un enseignement définitif et immuable que ses disciples n’auraient plus qu’à assimiler et à apprendre par cœur.
Il est plutôt comparable à un guide de montagne qui indique les routes nouvelles et incite à les prendre pour grimper plus haut.
Par essence le christianisme est changement, mouvement.
Il ne rejette pas l’héritage, mais il l’intègre dans son élan vers l’avenir.
En acceptant des transformations créatrices, en y travaillant nous ne trahissons pas, ni n’abandonnons Jésus.
Le message délivré par Jésus aux Pharisiens est clair à cet égard, il s’efforce de provoquer un choc libérant le croyant des contraintes imposées par les pouvoirs, religieux en particulier, pour qu’il puisse s’investir dans l’élaboration du projet de Dieu.
Jésus est le Christ parce qu’il incarne la puissance transformatrice du verbe, le dynamisme créateur de Dieu qui nous appelle à devenir de nouvelles créatures et qui suscite l’élaboration aujourd’hui et demain d’une création améliorée.
Création à laquelle nous sommes associés car il a besoin de nous pour cet ouvrage.
Frères et sœurs, la colère de Jésus vis-à-vis de Pharisiens, dont il se sent très proche, devrait être la notre quand nos églises trahissent en cassant l’élan des plus dynamiques ou en se laissant attirer par le paraître en oubliant leur vocation missionnaire.
Jésus est un doux certes, mais il est porté par une volonté farouche de changer les choses, sa colère le porte à renverser les tables des marchands du temple introduisant la cupidité et la vanité jusque dans le sanctuaire.
Il nous demande de changer notre regard et nos priorités, briser notre orgueil, canaliser notre envie d’être considéré, méditer sur le cours de nos vies pour en chasser tout le côté mondain et superficiel, réfléchir à ce que signifie aimer son prochain, comprendre que nous sommes cocréateurs du monde avec Dieu.
Jésus n’a pas vaincu à dimension humaine dans le monde où nous évoluons, mais il est victorieux par sa présence active au cœur des hommes.
Il les appelle à continuer son ouvrage dont il a établi les fondations.
Il nous confie le soin d’élaborer avec son aide ce qu’il appelle le royaume.