« Tends
vers moi ton oreille et sauve moi car tu es mon espoir, Seigneur Dieu »
Le psalmiste par ces mots implore du plus
profond de sa détresse.
Cet
espoir fou se cristallise dans l’attente exprimée par Esaïe, celle de l’avènement
d’un temps nouveau, d’un sauveur
« Alors un rameau sortira du tronc de
Jessé (le père de David)….En ce jour là, le seigneur étendra une seconde fois
la main pour racheter le reste de son peuple. Il dressera une bannière pour les
nations, il rassemblera les bannis d’Israël »
Au
sein d’un peuple résistant à l’empire romain et regimbant sans discontinuer
pour éviter d’être spirituellement broyé, l’espérance et l’attente du messie habitaient
les élites spirituelles Juives constituées par les Pharisiens et les Saducéens.
Sans parler des zélotes véritables terroristes de ces temps troublés sombrant
dans la violence fruit de la désespérance.
Les
juifs d’il y a 2013 ans vivaient dans ce contexte trouble, ils savaient que la
situation était instable par nature, chaque jour ils se demandaient, de quoi
demain serait fait ?
C’est
dans ce contexte que Jésus vint.
Son
message, bien loin de les conforter dans leur espoir, ne concernait pas les
seuls membres du peuple élu comme ils l’attendaient, mais tout homme quelle que
soit sa nation ou sa situation sociale.
Les
espoirs des juifs qui reposaient sur la venue d’un prophète n’étaient pas
satisfaits par cet apôtre de l’amour.
Amour
dont l’efficience semblait pour le moins
inadaptée à la restauration du royaume Juif de David, objet de toutes les
attentes.
Y
a-t-il plus hurlante démonstration de cet échec que la fin ignominieuse de
l’homme Jésus, abandonné de presque tous ses disciples, et pendu au bois entre
deux malandrins compagnons d’infortune ?
Comment
dans ces conditions faire accepter, par les poignées de convertis, cette
improbable espérance tirée des propos de Jésus. Ces propos constituaient un message
radicalement différent de ceux tenus par les juifs mais aussi par les prêtres
des religions idolâtres des pays méditerranéens ?
C’est
le dilemme auquel durent faire face les propagateurs de la foi chrétienne au
cours du premier siècle, en particulier ceux rédigeant des ouvrages écrits
renfermant le principal des propos et des actes du maître.
Pour
ce qui concerne les disciples juifs il convenait de rattacher autant que faire
se peut ces paroles et ces actes à des écrits juifs ayant autorité.
Jésus
lui-même avait d’ailleurs bien indiqué qu’il n’était pas venu abolir la loi
mais l’accomplir.
Ce
travail essentiel fut d’abord mené par Paul expert en dogmatique juive, puis
par les quatre évangélistes Marc le plus ancien, Matthieu, Luc et Jean le plus
récent.
Pour
intéresser les non juifs, la proclamation
de la foi devait tenir compte des
mythes et de la culture méditerranéenne familiers à ces populations.
C’est
bien pour avoir oublié cette nécessité que le discours de Paul fut si mal
accueilli sur l’agora d’Athènes.
Tout
ceci pour dire que les évangélistes ont obéi, en rédigeant leurs ouvrages, à
d’autres soucis que le respect de la vérité historique.
C’est
ce qu’exprime Luc dans l’introduction à son évangile
« Puisque
beaucoup ont entrepris de composer un récit des faits qui se sont accomplis
parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui dès le commencement en ont
été les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la parole, il m’a
semblé bon, à moi aussi, après m’être informé exactement de tout depuis les
origines de te l’exposer par écrit d’une manière suivie afin que tu connaisses
la certitude des enseignements que tu as reçus ».
Dans
les années précédant la rédaction des évangiles de Luc et Matthieu soit de 40 à
80, des récits colportés oralement et des textes écrits circulaient dans les
premières communautés chrétiennes. Ils laissaient à désirer quant à leur
exactitude historique et ne constituaient pas un ensemble cohérent.
Comme
l’indique l’évangéliste Luc, il fallait faire une mise au point.
Ne
pas inclure un récit de la naissance de Jésus alors que se disait tout et
n’importe quoi, aurait laissé la porte ouverte à toutes les fantaisies.
D’ailleurs
ce fut le cas ultérieurement pour les textes apocryphes de la naissance, tels
le proto évangile de Jacques à la fin du 2me siècle, mais ces textes
furent rejetés par les églises dès le début du 3me siècle.
Entre
les évangiles canoniques il demeure des
incohérences liées aux qualités et à la nature des témoignages pris en compte
par les auteurs.
Par
ailleurs le choix du classement des informations, pour réaliser un ensemble
cohérent et suivi, induit, en fonction de la personnalité des auteurs, des
divergences.
Bien
sûr ces divergences font les gorges
chaudes des agnostiques.
Notons
bien que les récits historiques de cette époque n’obéissaient pas du tout non
plus à la rigueur de mise en 2013, il s’agissait, avant tout, pour les auteurs,
de magnifier les agissements de leurs héros et de leurs maîtres.
Lorsque
le canon de la bible a été fixé au quatrième siècle, le tri a été sévère et les
divergences notoires entre les évangiles retenus n’ont pas été effacées, c’est
en quelque sorte un miracle, car l’église qui se constituait aurait pu
succomber à la tentation de manipuler les témoignages par soucis de les homogénéiser.
Ils
ne l’ont sans doute pas fait car les traditions des églises d’Orient et
d’Occident divergeaient parfois et introduisaient une hétérogénéité somme toute
acceptée. Bel encouragement pour ceux qui tentent actuellement de promouvoir l’acceptation
d’une salutaire diversité des églises, gage de richesse plus que de handicap.
Malheureusement
comme vous le savez, l’emprise des empereurs Romains post Constantinien sur
l’église, à partir de 340, sonna le glas de l’acceptation de la diversité des
théologies. La religion de l’empereur s’imposait dès lors à tous. Nos églises
souffrent encore, 1700 ans après de cette union du glaive et de
l’encensoir !
Pour
mettre en relief la dimension hors du commun de Jésus, mais aussi pour rétablir
un certain ordre parmi les multiples récits d’enfance colportés dans les
communautés chrétiennes du moment, deux évangélistes Matthieu et Luc ont rédigé
une relation de la naissance et de la généalogie de Jésus.
Ni
Paul, ni Jean n’ont pour leur part évoqués cet événement ou cette filiation.
Les deux récits de Matthieu et Luc sont proches mais relatent parfois
différemment les faits.
Ainsi
les deux généalogies visant à rattacher Joseph à David ne sont pas
concordantes, l’épisode des rois mages n’est évoqué que par Luc, le pays où
habite Joseph à la naissance de Jésus n’est pas
Nazareth dans le récit de Matthieu contrairement à celui de Luc. Pour
Matthieu, c’est seulement après le séjour en Egypte que Dieu pousse Joseph à venir
habiter lui et sa famille en Galilée. Dans l’évangile de Luc l’annonce par
l’ange de la naissance est faite à Marie, par contre elle est faite à Joseph
dans l’évangile de Matthieu.
Luc
dans un jeu extraordinaire de miroir traite ensemble de deux naissances
miraculeuses , celle de Jean Baptiste et de Jésus. Chez Matthieu rien de tel.
Pour
autant ces deux récits proches mais différents, sont-ils à rejeter ?
Faut-il
oublier Noël pour cause de non historicité ?
Il
est évident que les deux récits de la naissance de Jésus ne correspondent pas à
la réalité, mais comme je viens de le dire, c’était chose normale à cette
époque. Songez d’ailleurs que la seule source fiable disponible était
probablement le récit de Marie !
Mais,
et cela est fondamental, Matthieu et Luc ont cherché dans ces récits, à faire
comprendre la nature de Jésus et son message en utilisant les rares témoignages
disponibles.
L’événement
relaté est pour le moins peu spectaculaire, il se déroule dans une étable d’une bourgade de Judée, parmi les bergers seuls
humains encore dans les champs. Il n’a pas du frapper les esprits des habitants
enfermés dans leur maison bien closes pour se protéger du froid. .
Ce
héros Jésus est, en dépit de la présence d’anges à sa naissance, un anti héros.
Il
vient au monde dans la pauvreté extrême, il est chassé de son pays pour fuir en
Egypte, les premiers adorateurs sont des bergers, des êtres humains impurs en Judée,
les rois mages représentent les étrangers pour lesquels Jésus est venu aussi et
je dirai surtout car ils n’ont pas la chance de faire partie du peuple élu.
Enfin
Jésus n’est pas tout à fait un être ordinaire, il est homme mais aussi Dieu.
A
cette époque selon le pasteur Gilles Castelnau, le moyen Orient pensait dans sa
majorité que les enfants étaient déjà totalement constitué dans le liquide
séminal et que la mère n’était que le terreau propice à son développement
durant 9 mois. Ainsi les naissances d’êtres remarquables ont souvent, dans les
ouvrages antiques, pour géniteur un Dieu fécondant une vierge. Ce qui explique
que les généalogies sont construites à partir des filières masculines.
Jésus
posséderait ainsi la totalité des caractéristiques du père. Vrai Dieu né d’une femme !
A
noter que jusqu’à la fin du 18me siècle ceci était la thèse officielle de
l’église catholique ! La création
étant terminée au 7me jour, tous les êtres vivants étaient
considérés comme déjà créés, ils se trouvaient en germe dans le liquide
séminal. La découverte des spermatozoïdes grâce au microscope, confortât un
temps cette thèse. Chaque spermatozoïde était un petit homme qui se développait
dans la matrice féminine. La femme était le pot de fleur recevant la graine.
Ceci étant, le temps de l’avent qui signifie
l’avènement, a été institué dans les temps de l’église à la période du solstice
d’Hiver, le soleil est alors au plus bas.
Et
cela sert de signe conformément au récit de la Genèse.
« Dieu
dit qu’il y ait des luminaires dans la voute céleste pour séparer le jour et la
nuit ! Qu’ils servent de signes pour marquer les rencontres festives, les
jours et les années, qu’ils servent de luminaires dans la voute céleste pour éclairer la terre ! Il en fut
ainsi.
Dieu
fit les 2 grands luminaires, le grand luminaire pour dominer le jour et le
petit luminaire pour dominer la nuit, ainsi que les étoiles. Dieu les plaça
dans la voûte céleste pour éclairer la terre, pour dominer le jour et la nuit,
et pour séparer la lumière. Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir et il
y eut un matin : quatrième jour »
Bien
sûr, il y a là un jeu entre l’éblouissante clarté de l’astre solaire, domaine
de la vérité et celle du petit luminaire lunaire dominant à grand peine la nuit
symbole du mal où nous sommes plongés.
Mais
notez bien que si faible que soit la lumière lunaire, elle domine la nuit.
Note
d’espoir exaucées par la naissance d’un être
capable de lier le jour et la nuit et de dominer les étoiles qu’il déplace à
son gré pour guider les mages mais aussi l’ensemble des humains.
Voyez
vous cette naissance au bout du long chemin préparatoire qu’est l’avent,
l’événement au fonds de la nuit, c’est d’abord notre renaissance.
C’est
de notre nouvelle naissance dont il s’agit, c’est le passage de l’état du vieil
homme Adam à celui de disciple agissant de Jésus.
Il
ne s’agit pas en ce temps préparatoire de se laisser béatement emporter sur les chemins des festivités en
acceptant comme du bon pain les billevesées des marchands de guimauve et les
images d’un bonheur de pacotille complaisamment distillées par les responsables
de la communication marchande.
Il
s’agit de vivre une vraie joie en cherchant avec un dynamisme retrouvé à suivre
Jean le Baptiste quand il dit « changez radicalement car le règne des
cieux s’est approché ».
Jésus
est là, il s’est approché pour nous, aussi pauvres de cœur que nous soyons,
aussi affligés par l’adversité que nous soyons.
Une
porte s’ouvre au bout de la nuit car Jésus est venu jusqu’au fond d’une pauvre
étable pour nous saisir et nous sortir de la nuit en nous jetant sur les
chemins de la vie. Je suis le chemin, la vérité et la vie nous dit-il.
Les
récits de nos évangélistes, aussi matériellement inexacts qu’ils soient,
symbolisent la raison d’être d’un enfant espéré par tout les juifs
mais finalement rejeté car leurs yeux étaient aveuglés et leurs oreilles
closes.
Mt
23:37 « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides
ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants,
comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas
voulu ! »
C’est
pourquoi ce temps de préparation qu’est l’avent doit être l’occasion de
réfléchir sur notre cheminement et les moyens de le rectifier éventuellement
pour renouer avec le guide Jésus. Ecoutons Paul pour conclure.
RO 15:4
Or, tout ce qui a été écrit d'avance l'a été pour
notre instruction, afin que, par la patience, et par la consolation que donnent
les Écritures, nous possédions l'espérance.