mardi 17 décembre 2013

prédication pour l'avent 2013

« Tends vers moi ton oreille et sauve moi car tu es mon espoir, Seigneur Dieu »
 Le psalmiste par ces mots implore du plus profond de sa détresse.
Cet espoir fou se cristallise dans l’attente exprimée par Esaïe, celle de l’avènement d’un temps nouveau, d’un sauveur
 « Alors un rameau sortira du tronc de Jessé (le père de David)….En ce jour là, le seigneur étendra une seconde fois la main pour racheter le reste de son peuple. Il dressera une bannière pour les nations, il rassemblera les bannis d’Israël »
Au sein d’un peuple résistant à l’empire romain et regimbant sans discontinuer pour éviter d’être spirituellement broyé, l’espérance et l’attente du messie habitaient les élites spirituelles Juives constituées par les Pharisiens et les Saducéens. Sans parler des zélotes véritables terroristes de ces temps troublés sombrant dans la violence fruit de la désespérance.
Les juifs d’il y a 2013 ans vivaient dans ce contexte trouble, ils savaient que la situation était instable par nature, chaque jour ils se demandaient, de quoi demain serait fait ?
C’est dans ce contexte que Jésus vint.
Son message, bien loin de les conforter dans leur espoir, ne concernait pas les seuls membres du peuple élu comme ils l’attendaient, mais tout homme quelle que soit sa nation ou sa situation sociale.
Les espoirs des juifs qui reposaient sur la venue d’un prophète n’étaient pas satisfaits par cet apôtre de l’amour.
Amour dont l’efficience semblait  pour le moins inadaptée à la restauration du royaume Juif de David, objet de toutes les attentes.
Y a-t-il plus hurlante démonstration de cet échec que la fin ignominieuse de l’homme Jésus, abandonné de presque tous ses disciples, et pendu au bois   entre deux malandrins compagnons d’infortune ?
Comment dans ces conditions faire accepter, par les poignées de convertis, cette improbable espérance tirée des propos de Jésus. Ces propos constituaient un message radicalement différent de ceux tenus par les juifs mais aussi par les prêtres des religions idolâtres des pays méditerranéens ?
C’est le dilemme auquel durent faire face les propagateurs de la foi chrétienne au cours du premier siècle, en particulier ceux rédigeant des ouvrages écrits renfermant le principal des propos et des actes du maître. 
Pour ce qui concerne les disciples juifs il convenait de rattacher autant que faire se peut ces paroles et ces actes à des écrits juifs ayant autorité.
Jésus lui-même avait d’ailleurs bien indiqué qu’il n’était pas venu abolir la loi mais l’accomplir.
Ce travail essentiel fut d’abord mené par Paul expert en dogmatique juive, puis par les quatre évangélistes Marc le plus ancien, Matthieu, Luc et Jean le plus récent.
Pour intéresser les non juifs, la proclamation  de la foi devait  tenir compte des mythes et de la culture méditerranéenne familiers à ces populations.
C’est bien pour avoir oublié cette nécessité que le discours de Paul fut si mal accueilli sur l’agora d’Athènes.
Tout ceci pour dire que les évangélistes ont obéi, en rédigeant leurs ouvrages, à d’autres soucis que le respect de la vérité historique.
C’est ce qu’exprime Luc dans l’introduction à son évangile
« Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des faits qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui dès le commencement en ont été les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la parole, il m’a semblé bon, à moi aussi, après m’être informé exactement de tout depuis les origines de te l’exposer par écrit d’une manière suivie afin que tu connaisses la certitude des enseignements que tu as reçus ».   
Dans les années précédant la rédaction des évangiles de Luc et Matthieu soit de 40 à 80, des récits colportés oralement et des textes écrits circulaient dans les premières communautés chrétiennes. Ils laissaient à désirer quant à leur exactitude historique et ne constituaient pas un ensemble cohérent.
Comme l’indique l’évangéliste Luc, il fallait faire une mise au point.
Ne pas inclure un récit de la naissance de Jésus alors que se disait tout et n’importe quoi, aurait laissé la porte ouverte à toutes les fantaisies.
D’ailleurs ce fut le cas ultérieurement pour les textes apocryphes de la naissance, tels le proto évangile de Jacques à la fin du 2me siècle, mais ces textes furent rejetés par les églises dès le début du 3me siècle.
Entre les évangiles canoniques il demeure  des incohérences liées aux qualités et à la nature des témoignages pris en compte par les auteurs.
Par ailleurs le choix du classement des informations, pour réaliser un ensemble cohérent et suivi, induit, en fonction de la personnalité des auteurs, des divergences.
Bien sûr ces divergences  font les gorges chaudes des agnostiques.
Notons bien que les récits historiques de cette époque n’obéissaient pas du tout non plus à la rigueur de mise en 2013, il s’agissait, avant tout, pour les auteurs, de magnifier les agissements de leurs héros et de leurs maîtres.
Lorsque le canon de la bible a été fixé au quatrième siècle, le tri a été sévère et les divergences notoires entre les évangiles retenus n’ont pas été effacées, c’est en quelque sorte un miracle, car l’église qui se constituait aurait pu succomber à la tentation de manipuler les témoignages par soucis de les homogénéiser.
Ils ne l’ont sans doute pas fait car les traditions des églises d’Orient et d’Occident divergeaient parfois et introduisaient une hétérogénéité somme toute acceptée. Bel encouragement pour ceux qui tentent actuellement de promouvoir l’acceptation d’une salutaire diversité des églises, gage de richesse plus que de handicap.
Malheureusement comme vous le savez, l’emprise des empereurs Romains post Constantinien sur l’église, à partir de 340, sonna le glas de l’acceptation de la diversité des théologies. La religion de l’empereur s’imposait dès lors à tous. Nos églises souffrent encore, 1700 ans après de cette union du glaive et de l’encensoir !
Pour mettre en relief la dimension hors du commun de Jésus, mais aussi pour rétablir un certain ordre parmi les multiples récits d’enfance colportés dans les communautés chrétiennes du moment, deux évangélistes Matthieu et Luc ont rédigé une relation de la naissance et de la généalogie  de Jésus.
Ni Paul, ni Jean n’ont pour leur part évoqués cet événement ou cette filiation. Les deux récits de Matthieu et Luc sont proches mais relatent parfois différemment les faits.
Ainsi les deux généalogies visant à rattacher Joseph à David ne sont pas concordantes, l’épisode des rois mages n’est évoqué que par Luc, le pays où habite Joseph à la naissance de Jésus n’est pas  Nazareth dans le récit de Matthieu contrairement à celui de Luc. Pour Matthieu, c’est seulement après le séjour en Egypte que Dieu pousse Joseph à venir habiter lui et sa famille en Galilée. Dans l’évangile de Luc l’annonce par l’ange de la naissance est faite à Marie, par contre elle est faite à Joseph dans l’évangile de Matthieu.
Luc dans un jeu extraordinaire de miroir traite ensemble de deux naissances miraculeuses , celle de Jean Baptiste et de Jésus. Chez Matthieu rien de tel.

Pour autant ces deux récits proches mais différents, sont-ils à rejeter ?
Faut-il oublier Noël pour cause de non historicité ?
Il est évident que les deux récits de la naissance de Jésus ne correspondent pas à la réalité, mais comme je viens de le dire, c’était chose normale à cette époque. Songez d’ailleurs que la seule source fiable disponible était probablement le récit de Marie !
Mais, et cela est fondamental, Matthieu et Luc ont cherché dans ces récits, à faire comprendre la nature de Jésus et son message en utilisant les rares témoignages disponibles.
L’événement relaté est pour le moins peu spectaculaire, il se déroule dans une étable d’une  bourgade de Judée, parmi les bergers seuls humains encore dans les champs. Il n’a pas du frapper les esprits des habitants enfermés dans leur maison bien closes pour se protéger du froid.  .
Ce héros Jésus est, en dépit de la présence d’anges à sa naissance, un anti héros.
Il vient au monde dans la pauvreté extrême, il est chassé de son pays pour fuir en Egypte, les premiers adorateurs sont des bergers, des êtres humains impurs en Judée, les rois mages représentent les étrangers pour lesquels Jésus est venu aussi et je dirai surtout car ils n’ont pas la chance de faire partie du peuple élu.
Enfin Jésus n’est pas tout à fait un être ordinaire, il est homme mais aussi Dieu.
A cette époque selon le pasteur Gilles Castelnau, le moyen Orient pensait dans sa majorité que les enfants étaient déjà totalement constitué dans le liquide séminal et que la mère n’était que le terreau propice à son développement durant 9 mois. Ainsi les naissances d’êtres remarquables ont souvent, dans les ouvrages antiques, pour géniteur un Dieu fécondant une vierge. Ce qui explique que les généalogies sont construites à partir des filières masculines.
Jésus posséderait ainsi la totalité des caractéristiques du père. Vrai Dieu  né d’une femme !
A noter que jusqu’à la fin du 18me siècle ceci était la thèse officielle de l’église catholique ! La création  étant terminée au 7me jour, tous les êtres vivants étaient considérés comme déjà créés, ils se trouvaient en germe dans le liquide séminal. La découverte des spermatozoïdes grâce au microscope, confortât un temps cette thèse. Chaque spermatozoïde était un petit homme qui se développait dans la matrice féminine. La femme était le pot de fleur recevant la graine.     
 Ceci étant, le temps de l’avent qui signifie l’avènement, a été institué dans les temps de l’église à la période du solstice d’Hiver, le soleil est alors au plus bas.
Et cela sert de signe conformément au récit de la Genèse.
« Dieu dit qu’il y ait des luminaires dans la voute céleste pour séparer le jour et la nuit ! Qu’ils servent de signes pour marquer les rencontres festives, les jours et les années, qu’ils servent de luminaires dans la voute céleste  pour éclairer la terre ! Il en fut ainsi.
Dieu fit les 2 grands luminaires, le grand luminaire pour dominer le jour et le petit luminaire pour dominer la nuit, ainsi que les étoiles. Dieu les plaça dans la voûte céleste pour éclairer la terre, pour dominer le jour et la nuit, et pour séparer la lumière. Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : quatrième jour »
Bien sûr, il y a là un jeu entre l’éblouissante clarté de l’astre solaire, domaine de la vérité et celle du petit luminaire lunaire dominant à grand peine la nuit symbole du mal où nous sommes plongés.
Mais notez bien que si faible que soit la lumière lunaire, elle domine la nuit.
Note d’espoir exaucées par la naissance d’un  être capable de lier le jour et la nuit et de dominer les étoiles qu’il déplace à son gré pour guider les mages mais aussi l’ensemble des humains.
Voyez vous cette naissance au bout du long chemin préparatoire qu’est l’avent, l’événement au fonds de la nuit, c’est d’abord notre renaissance.
C’est de notre nouvelle naissance dont il s’agit, c’est le passage de l’état du vieil homme Adam à celui de disciple agissant de Jésus.
Il ne s’agit pas en ce temps préparatoire de se laisser béatement  emporter sur les chemins des festivités en acceptant comme du bon pain les billevesées des marchands de guimauve et les images d’un bonheur de pacotille complaisamment distillées par les responsables de la communication marchande.
Il s’agit de vivre une vraie joie en cherchant avec un dynamisme retrouvé à suivre Jean le Baptiste quand il dit « changez radicalement car le règne des cieux s’est approché ».
Jésus est là, il s’est approché pour nous, aussi pauvres de cœur que nous soyons, aussi affligés par l’adversité que nous soyons.
Une porte s’ouvre au bout de la nuit car Jésus est venu jusqu’au fond d’une pauvre étable pour nous saisir et nous sortir de la nuit en nous jetant sur les chemins de la vie. Je suis le chemin, la vérité et la vie nous dit-il.
Les récits de nos évangélistes, aussi matériellement inexacts qu’ils soient, symbolisent la raison d’être d’un enfant espéré par tout les  juifs  mais finalement rejeté car leurs yeux étaient aveuglés et leurs oreilles closes.
Mt 23:37 «  Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! »
C’est pourquoi ce temps de préparation qu’est l’avent doit être l’occasion de réfléchir sur notre cheminement et les moyens de le rectifier éventuellement pour renouer avec le guide Jésus. Ecoutons Paul pour conclure.

 RO 15:4
Or, tout ce qui a été écrit d'avance l'a été pour notre instruction, afin que, par la patience, et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l'espérance.