dimanche 4 mai 2014

prédication parabole des mines donnée à Aubagne, La Ciotat et Magnan le 3 Mai 2014

La parabole des mines. Luc 19- 12 à 27  lecture du texte 1 Samuel 8, 7 à 22
Cette parabole est de prime abord troublante. Elle est très proche de celle figurant dans l’évangile de Mathieu au chapitre 25- 14 à 30 que nous connaissons sous le nom de  parabole des talents.
Je commenterai celle écrite par Luc car elle contient une indication essentielle en prologue.
« Jésus  ajouta une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem et qu’ils imaginaient que le règne de Dieu allait se manifester à l’instant même »
Jésus entrait dans le temps du supplice et les disciples n’avaient encore rien compris, ils attendaient une arrivée triomphale de Jésus.
Leur culture juive les appelait à croire que le messie des juifs, le nouveau roi d’Israël, le nouveau David allait enfin régner, c'est-à-dire se  manifester comme roi de chair et établir son royaume avec comme capitale Jérusalem.
Ils s’apprêtaient donc à acclamer la victoire du roi tant attendu, comme leurs ancêtres  avaient en leur temps acclamés le roi Saül présenté par le prophète Samuel.
Le  récit dit des rameaux décrivant l’arrivée triomphale de Jésus à Jérusalem suit chez Luc le texte de la parabole des mines.
Or vous savez combien ce triomphe a un goût amer de mauvaise comédie qui prélude à l’exécution du soit disant roi des Juifs, abandonné de toute une population d’excités aussi prompts à s’enthousiasmer qu’à condamner. Dans la foule les disciples chantaient « béni soit celui qui vient, le roi au nom du seigneur » !
Après la parabole, nous venons de l’évoquer, la fête des rameaux, mais avant le texte relatant la  réception de Jésus chez Zachée, le collecteur d’impôts, qui se termine par cette sentence solennelle « le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».
C’est dans le logis même de Zachée, que Jésus prit l’initiative de prononcer la parabole des mines avant de partir vers Jérusalem.
Cette parabole est ainsi insérée dans l’évangile de Luc à un endroit stratégique, elle est de ce fait, sans aucun doute, nécessaire à la compréhension du message véhiculé par Jésus.
A la table de Zachée Jésus narra donc une histoire, celle d’un homme de haute naissance. J’ai vérifié la signification du terme Grec, eugenes. Il y a deux traductions possibles ; homme bien né ou esprit noble. Dans toutes les traductions bibliques c’est la première signification qui a été  retenue par les traducteurs.
Ainsi ce personnage est de haute naissance mais n’est pas forcément un esprit noble ! Rien ne prouve qu’il ne soit pas comme le dit le mauvais esclave un homme dur et voleur. Or la quasi totalité des auteurs des commentaires que j’ai consulté pensent que  cet homme noble est  la représentation de Jésus. 
L’ homme bien né s’absente pour se faire investir de la royauté et ensuite revenir, mais ses concitoyens envoient une ambassade au puissant maître qui investi pour demander qu’il ne soit pas nommé roi, peine perdue toutefois !
A ce stade de la réflexion il est indispensable de faire état du contexte historique de la Judée et de la Galilée, sachant que de sa naissance à sa mort Jésus aura à faire avec les rois Hérodiens régnant sur la Palestine.
Je vais vous raconter briévement leur histoire.
Avant de mourir en 4 AJC, Hérode écrivit un testament qui partageait son royaume entre ses 3 fils. Archelaus reçut les territoires de Judée, Samarie et Idumée,  Hérode Antipas reçu entre autres lieux la Galilée, Philippe plusieurs contrées non juives.
Archélaus, à la mort de son père en 4 AJC, proposa au peuple de lui présenter ses doléances. Les porte parole  demandèrent moins d’impôts et la destitution ou la mise à mort des délateurs vendus à Hérode le grand.
Archelaus ne donna aucune suite aux demandes, le peuple se révolta, la répression fut atroce, 3000 cadavres furent dénombrés devant le temple à Jérusalem.
Archelaus se rendit alors à Rome pour faire ratifier par Auguste le testament d’Hérode. Ce qu’il fit dans l’espoir qu’ Archelaus maintiendrait l’ordre comme son père le fit.
Toutefois, les troubles s’amplifiaient gravement sans qu’Archélaus puisse rétablir l’ordre. On violait, volait, tuait, l’impôt ne rentrait plus, un dénommé Juda de Gamala se proclama même roi en Galilée.
Une délégation Juive se rendit alors à Rome pour demander la destitution du roi Archelaus. Auguste n’accéda pas à cette demande et pendant 8 ans Archelaus régna en tyran. Il destitua même deux grands prêtres  trop critiques à ses yeux de ses mœurs dissolues.
Auguste exaspéré envoya alors le général Varus à la tête de 3 légions, cantonné à Antioche, pour remettre de l’ordre et exila Archelaus à Vienne en Gaule.
Dans la lutte entre les trois légions romaines et les juifs les massacres furent épouvantables, des milliers de juifs furent massacrés dont au moins 2000 furent crucifiés. Une forêt de croix s’éleva à l’entrée des villes et tout le long des routes de Judée, Samarie et Galilée.
La Judée et la Samarie furent gouvernés dès lors directement par Rome. A Nazareth Jésus venait d’avoir 9 ans !
En Galilée le roi Hérode Antipas régna pour sa part jusqu’en 39 AJC, ensuite il fut exilé à St Bertrand de Comminges.
Dans le domaine de la cruauté il n’avait rien à envier à son père et à son frère.
C’est lui qui fit couper la tête à Jean  le baptiste et ridiculisa Jésus lors de son procès comme le rapporte Luc au chapitre 23 versets 11 et 12
 « Alors Hérode aussi, avec ses gardes le traita avec mépris, et après s’être moqué de lui et l’avoir revêtu d’un habit resplendissant, il le renvoya à Pilate »
Ainsi Jésus depuis sa naissance et jusqu’à sa mort fut confronté aux rois de la famille d’Hérode le grand, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils étaient des tyrans se moquant de toute morale, fous de pouvoir et contrevenant sans retenue aux lois juives. Il était évidemment marqué psychiquement par ces horreurs et ce d’autant plus que Joseph et sa famille étaient en exil à Nazareth. Joseph, en effet, avait choisi, conseillé par Dieu en rêve, d’éviter un retour en Judée où régnait Archelaus.
La décapitation de Jean le Baptiste par Hérode Antipas l’avait aussi fortement meurtri.
Nous avons lu le texte de Samuel sur les dangers des royautés, il s’applique sans mal aux royautés Hérodiennes.
Le roi dont parle Jésus dans la parabole est un roi rappelant tellement Archelaus et Hérode Antipas qu’il est impensable qu’il puisse représenter Jésus.
Ce  roi se qualifie lui même d’homme sévère certes mais aussi de voleur, récoltant ce qu’il n’avait pas semé, prenant ce qui ne lui appartenait pas.
Il va même jusqu’à égorger ses concitoyens opposants, enfreignant par là les règles de pureté Juives.
C’est ce qu’avait fait Hérode Antipas en décapitant Jean le baptiste !  Le sang chez les juifs est le souffle de vie qui appartient à Dieu et que celui-ci réclame comme son bien propre. Egorger un homme est le comble de l’impureté.
Avoir des esclaves était pour un juif une entorse à la loi.
Proposer à un esclave de porter l’argent à un prêteur, c’est une abomination car pour les juifs les prêts à intérêts sont bannis comme indiqué à plusieurs reprises dans l’ancien testament, ainsi en Deut 23, 20 et 21
« Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt, ni pour de l’argent, ni pour des vivres ni pour rien de ce qui peut se prêter à intérêt » 
D’ailleurs Jésus, lorsque la colère le prit à la vue de tant de manquements à la loi mosaïque et ce dans l’enceinte même du temple, renversa la table des prêteurs ou si vous préférez des banquiers.
Le mot Grec traduit par banque est le même dans le texte de la parabole et dans le récit des marchands du temple.
Sans aucune pitié, au mépris de toute équité  le roi indique ensuite «  je vous le dis on donnera à celui qui a,  mais à celui qui n’a pas on enlèvera même ce qu’il a »
Pouvez vous imaginer que les disciples venant d’écouter Jésus proclamant qu’il est venu sauver ce qui est perdu, puissent un seul instant le confondre avec cet homme bien né certes, mais sacrilège et rappelant tant les rois Hérodiens hais par le peuple. Eux aussi, comme Jésus avaient été témoins des drames induits par ces rois délinquants.
Quelle est la réponse apportée à l’interrogation des disciples, au tout début de la parabole, sur  la manifestation imminente du règne de Dieu ?
Je n’ai trouvé qu’une seule réponse à ce questionnement.
En termes humains, dans ce monde livré à Mammon, les hommes bien nés occupent les places de choix, ils sont distingués par des titres souvent héréditaires et des fonctions honorifiques. Ils s’arrogent tous les postes de responsabilité. Ils réduisent en esclavages les plus pauvres, les moins bien nés, les étrangers. Ils parasitent parfois la société en refusant de déchoir en travaillant.
Très généralement ils accumulent les biens au détriment des sans grades.
Telle était la société du temps de Jésus, telle est la société d’aujourd’hui quand les régulations ne jouent plus leur rôle.
Jésus vient de présenter la victoire sur terre de ces rois corrompus dont les prototypes sont les rois Hérodiens.
Comme nous sommes parfois nous aussi tentés de le faire, car le malin est tapi en chaque homme, ils voulaient accumuler les biens, gagner toujours plus, occuper le haut du pavé, supprimer les révoltés, les apeurés, les non violents, tous ces empêcheurs de danser en rond.
Après  avoir ainsi montré quel était le visage d’un roi terrestre, visage qu’il ne voulait pas avoir, Jésus partit seul devant le groupe de ses fidèles pour monter vers Jérusalem.
Et les disciples chantèrent le jour des Rameaux «  béni soit celui qui vient, le roi au nom du Seigneur ». Porté par  la foule excitée. Jésus allait il régner ?
Pour toute réponse à cette interrogation, Jésus se tut devant le peuple, Pilate, Hérode, le sanhédrin. Car ce n’est pas sur le modèle des rois Hérodiens que les hommes de pouvoir honnêtes peuvent se fonder pour sauver spirituellement leurs affidés. Jésus ne fonde pas un royaume terrestre mais attise une flamme spirituelle portée par la communion des saints.
Devant des hommes pourris par le pouvoir, il n’était pas possible de tenir un langage spirituel qu’ils ne comprenaient plus.. Ces hommes là discourent en termes d’avoir, de domination. C’est pourquoi le roi de la parabole récompense les bons esclaves en leur donnant la direction de villes sur lesquelles ils lèveront l’impôt et recruterons les guerriers indispensables à leur protection et à de nouvelles conquêtes.
Quant à l’esclave qualifié de mauvais, il lui faut bien du courage pour affronter  un roi sévère et redoutable. Malgré ses peurs il refuse de faire des affaires louches, de faire fructifier l’argent sale et d’enfreindre la loi de Dieu.
C’est lui qui dans la parabole est le plus important. Son geste ne rappelle t’il pas celui des objecteurs de conscience et de tous ceux qui à un moment se sont mobilisés pour dire non à un monde régi  par les puissants bien nés qui prennent ce qu’ils n’ont pas déposé et qui moissonnent ce qu’il n’ont pas semé. Je pense à cette image indélébile de ce jeune homme sur la place Tien an Men à Pékin bras en croix barrant la route aux chars de l’oppression
La vie d’un esclave est à la disposition de son maître, il la risque en refusant de faire comme les autres des affaires.
N’est ce pas en ce pauvre hère qu’il faut chercher Jésus?
Il savait lui qu’en montant vers le lieu de l’infamie, se dresserait une croix semblable à toutes celles qu’il vit enfant le long des routes quand il revint de l’exil en Egypte. C’est au moment de la crucifixion que s’ouvrit, en même temps que le voile du temple se déchirait, la longue lutte des chrétiens pour construire un monde nouveau sans injustices.
Chers disciples, frères et sœurs, Jésus est  venu chercher et sauver ce qui était perdu. Pareil au mauvais esclave insoumis il dit non, préférant comme lui la justice de Dieu à celle des hommes.
Pas de miracles à attendre des puissants de ce monde et des rois corrompus, pas de venue d’un sauveur sur un char étincelant, mais un laborieux travail pour faire triompher le commandement d’amour du maître. Plus d’esclave, plus d’étrangers, mais des hommes tous sauvés, tous enfants de Dieu et de ce fait respectables.
C’est à Pâques que le monde des rois est vaincu, Jésus ressuscite dès lors dans nos cœurs de chair en nous donnant le saint esprit.
Samuel et Dieu ont capitulé devant la demande pressente d’un peuple égaré voulant un roi.
Quelque mille ans plus tard en suscitant Jésus, Dieu est venu à notre secours pour nous guider sur la voie du changement radical permettant seul de parcourir les chemins de l’évolution.
Evolution de l’humanité mais aussi du créateur dans relation qu’il nous appartient d’orienter selon les enseignements de Jésus.
Le souvenir des plus puissants rois se perd dans les sables des déserts, la présence de l’esprit saint en chaque humain éternise notre vie.