mardi 28 octobre 2014

Prédication : la violence.Aubagne 2014-28-09 
Luc 6 versets 27 à 36 – Romains 12 versets  14 à 21 – Lévitique 24 versets 19 à 22 – Psaume 133

En ces temps où les violences barbares ensanglantent l’Afrique méditerranéenne et n’épargnent plus l’Europe, les problématiques, liées à cet embrasement maléfique, posent évidemment de sérieux problèmes aux chrétiens que nous sommes.
Nous ne pouvons rester aveugles et sourds à la détresse des persécutés de tous bords.
Bien sûr le martyre des chrétiens jetés sur les chemins de l’exil par des fous immondes,  Français de naissance parfois, nous concerne au premier chef.
Mais que dire encore des désespérés mourant en grappes humaines dans les flots bleus de la méditerranée. Que dire de la nausée qui nous saisi à la vue de ces jeunes africains jouant leur vie pour fuir l’indicible détresse des camps de réfugiés. Fuir pour  rejoindre notre Europe en forçant les barrages de fil de fer barbelés des enclaves espagnoles au Maroc.
Et ceci n’est qu’un résumé partiel des violences que connaît  notre humanité dans le monde, car l’Asie n’est pas en reste pour ce qui concerne les persécutions affectant des populations de plus en plus nombreuses.
Toutes ces horreurs sont elles inévitables au sein d’une espèce qui, ayant pleinement réussi à occuper toutes les niches écologiques de la planète, se trouve affrontée à un accroissement excessif de la population ?
La survie de tous les humains ne peut plus  être assurée car les besoins excèdent les ressources limitées de la planète.
Il n’est alors plus question de partager pour certaines populations acculées par des besoins qu’elles ne peuvent plus satisfaire.
Elles cherchent alors à s’emparer par la force des richesses disponibles dans d’autres zones du globe.
Devant une telle situation, l’enseignement de Jésus est-il pertinent pour nous permettre de défendre des positions constructives ?
Déjà, à l’époque de Jésus, de Paul et des évangélistes, la violence était extrême, pensez à la décapitation de JB ou à la crucifixion, en 7 AJC, par le général Romain Varus, de 2000 juifs devant le temple de Jérusalem,
 La cruauté était acceptée par les Romains qui s’entre tuaient pour conquérir le pouvoir, terrorisaient les peuples assujettis et se régalaient de spectacles relevant du massacre.
Mais le problème de la survie de l’espèce humaine n’effleurait pas l’esprit des contemporains de Jésus et des évangélistes.

Examinons le texte du jour tiré de l’évangile de Luc.
Ce texte fait partie de la petite incise,  qui du chapitre 6 verset 20 au chapitre 8 verset 3 est tiré de la source Quelle, de ce fait toute cette partie  est commune aux évangiles de Matthieu et Luc mais étrangère à l’évangile de Marc.
La source Quelle, dont nous n’avons pas de texte,  est constituée par des citations de discours de Jésus vraisemblablement  proches des propos qu’il a effectivement tenu.
Luc a reporté en deux blocs, sans grande modification, le texte de la source Quelle, les théologiens parlent de petite et grande incise. Il est dans ces conditions plus que vraisemblable que le texte de Luc qui nous intéresse reflète fidèlement un propos tenu par Jésus
 Ce discours de Jésus est tout aussi  explosif  pour les juifs du premier siècle que pour les chrétiens d’aujourd’hui.
Ainsi le verset 35, précisant que Dieu est bon pour les ingrats et pour les mauvais, ne pouvait aux environs des années 30 à 70 que faire se rebeller certains Juifs, se représentant Dieu comme un justicier dont ils attendaient le secours.
Leur lutte acharnée contre l’occupant Romain ne pouvait s’accommoder de telles affirmations !  Comment accepter que l’ordre de Dieu soit : « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent , priez pour ceux qui vous injurient ».
Le peuple élu pouvait-il accepter que leur Dieu soit aussi magnanime pour eux que pour leurs ennemis jurés ?
Peut-on demander à des hommes de passer outre à leur instinct de survie, peut-on leur interdire de ne pas céder à leurs pulsions naturelles ancrées dans l’ADN de leurs chromosomes, pour défendre leurs familles, leur religion, leurs vies aussi peut être ?
Et pourtant l’exigence  surhumaine des prescriptions évangéliques  a été crédibilisée par Jésus lui-même. Ainsi, dans la première de l’apôtre  Pierre on peut lire le texte suivant
«si vous endurez la souffrance tout en faisant le bien, c’est une grâce devant Dieu. C’est à cela que vous avez été appelés, parce que le Christ lui-même a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces : il n’a pas commis le péché, et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche ; quand il était insulté, il ne rendait pas l’insulte ; quand il souffrait il ne proférait pas de menaces mais il s’en remettait à celui qui juge justement. »(1 Pierre 2,23)
De fait, Jésus a appliqué ce qu’il enseignait jusqu’au moindre détail. Il a reçu une gifle d’un soldat Romain sans réagir, son manteau lui a été dérobé par la soldatesque, il a gardé le silence devant ses juges et les a pardonné priant même pour que ses bourreaux soient innocentés  car dit-il : ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.
Il est d’autres personnages qui ont suivi les prescriptions de leur maître, les apôtres, voilà ce qu’en dit Paul dans la première épître aux Corinthiens 4,
 « Car Dieu , il me semble, nous a exhibés, nous les apôtres, à la dernière place comme des condamnés à mort : nous avons été offerts en spectacle au monde, aux anges et aux humains. Nous nous sommes fous à cause de Christ, mais vous vous êtes avisés dans le Christ ; nous nous sommes fous à cause de Christ, mais vous vous êtes avisés dans le Christ ; nous nous sommes faibles, mais vous vous êtes forts. Vous vous êtes glorieux, mais nous nous sommes déshonorés ! Jusqu’à l’heure présente nous sommes exposés à la faim, à la soif, au dénuement, aux coups, à la vie errante ; nous nous donnons de la peine en travaillant de nos propres mains ; insultés nous bénissons ; persécutés nous supportons ; diffamés nous encourageons ; nous sommes devenus les déchets du monde, le rebus de tous, jusqu’à maintenant »
Suivre le programme proposé par Jésus n’est pas très gratifiant à vue humaine. Cependant, il faut bien le reconnaître, les apôtres ont été incroyablement efficaces, puisque bien que tous morts suppliciés à l’exception de Jean, ils ont fondé une des religions majeures de l’humanité.
Le  monothéisme a largement triomphé.
Les apôtres et les nombreux disciples de Jésus apparus dans le cours des siècles ont, en dépit des trahisons de chrétiens indignes, fait franchir un seuil à l’humanité entière.
Celle-ci sait dorénavant que tous les hommes ont une valeur identique aux yeux du créateur.
Dieu est le berger des brebis perdues qu’il cherche inlassablement à ramener à la vraie vie, il les bénit comme les autres.  C’est d’ailleurs là pleinement le sens  profond du mot bénédiction qui signifie : don de la vie, du bonheur et de la paix.
Dieu est bon et attentif à sa création et cette conception de Dieu est innovante dans l’espace méditerranéen où les hommes  tremblaient devant des Dieux redoutables dont il fallait par des offrandes et sacrifices gagner les grâces.
Pour sa part, l’apôtre Paul  en Romain 12 reprend, ce qui est rare dans ses écrits, les enseignements du Christ
17  Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes.
18  S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes.
19  Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur.
20  Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s’il a soif, donne-lui à boire; car en agissant ainsi, ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur sa tête.
21  Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais surmonte le mal par le bien.
Je voudrais attirer votre attention sur la phrase suivante : s’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec  les hommes.
Paul ne nous demande pas l’impossible, nous ne pouvons contraindre les consciences colonisées par le malin.
Quand l’homme est diabolique il est licite de l’empêcher de nuire en s’en protégeant. Quand Jésus chasse les démons ayant envahi un forcené en les transportant dans des porcs qui se suicident en plongeant dans les flots, c’est bien parce qu’il n’y a plus d’autre issue pour enrayer l’oeuvre poursuivie par le malin. Comme le signale Jésus à ses disciples il y a des démons que vous ne pouvez chasser, seul Dieu le peut. Pareillement le Christ ne nous demande  pas de sacrifier notre vie, il demande de ne faire nulle violence aux ennemis et même de les nourrir et les vêtir. Ceci dans l’espoir de conduire l’interlocuteur, frappé de stupeur, face à une telle attitude, à renaître pour véritablement vivre dans la lumière de Dieu.  
Jésus ne nous pousse pas au masochisme, la vie est bien trop précieuse  à ses yeux pour qu’il nous pousse à volontairement nous livrer à la mort. Mais qui veut sauver sa vie, en s’isolant de ses prochains, la perdra. L’homme est un être de relation qui dépérit lorsque les contacts avec l’ensemble des humains se coupent. Je dirai même les contacts avec tous les vivants, animaux et végétaux.
Oui l’humanité a franchi sous l’impulsion de Jésus et des siens, un cap. Il n’est pour s’en persuader que de lire dans le Lévitique (chapitre 24, 17 à 22) les prescriptions transmises par Moïse aux hébreux. Alors que Jésus demande de respecter la vie  de nos prochains et de prêcher la paix et le pardon, les prescriptions présentées par Moïse ne parlent que d’exécution et de violences vengeresses    
17  Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort.
18  Celui qui frappera un animal mortellement le remplacera: vie pour vie.
19  Si quelqu’un blesse son prochain, il lui sera fait comme il a fait:
20  fracture pour fracture, oeil pour oeil, dent pour dent; il lui sera fait la même blessure qu’il a faite à son prochain.
21  Celui qui tuera un animal le remplacera, mais celui qui tuera un homme sera puni de mort.
22  Vous aurez la même loi, l’étranger comme l’indigène; car je suis l’Eternel, votre Dieu.
Celui qui blasphémera le nom de l’Eternel sera puni de mort: toute l’assemblée le lapidera. Qu’il soit étranger ou indigène, il mourra, pour avoir blasphémé le nom de Dieu.
La déclaration universelle des droits de l’homme a une toute autre inspiration, celle du christianisme.
L’article 1 retrouve les accents de notre religion, je cite :
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers  les autres dans un esprit de fraternité.
Dans un monde où ouvertement les forces démoniaques  investissent des extrémistes incultes se prétendant musulmans. Doit-on tendre la gorge au couteau des fanatiques sans réagir ?
Le pasteur Nouis dans le journal Réforme indique que la réponse est contenue dans la lettre aux Romains écrite par l’apôtre Paul, je cite
« Si tu fais le mal , crains, car ce n’est pas pour rien que les autorités portent l’épée, elles sont en effet au service de Dieu pour faire justice, pour la colère contre celui  qui pratique le mal ». (Romains 3 verset 4)
Si toutes les tentatives de négociation pour arrêter le bras des fanatiques échouent, les autorités doivent  selon Paul jouer leur rôle pour rétablir l’ordre.
Au moment de conclure, il m’est impossible de ne pas évoquer la non violence développée par des hommes comme Martin Luther King ou Nelson Mandela.
Ils ont été au bout de leur certitude et de leurs efforts dans la voie tracée par Jésus et les rédacteurs de la déclaration universelle des droits de l’homme.
Ainsi cela est vrai, le bien peut surmonter le mal au prix d’une abnégation incroyable. Il faut des héros, les voilà.
Mais dans notre petit paradis provençal nous avons peur de ne pouvoir égaler ces personnes là.  Rappelons nous toutefois la parabole du jeune homme riche. Elle se termine par
« Jésus les regarda  et dit ; c’est impossible pour les humains, mais non pour Dieu, car tout est possible à Dieu. »  (Marc 10, 27)
Le cap est fixé nous sommes ambassadeurs de la paix, certes insuffisants mais bénissant Dieu de nous avoir doté d’une intelligence suffisante pour discerner son projet et y participer à notre mesure.

Pas à pas nous installerons la paix en nous et autour de nous, assurés de l’appui de Dieu.