Prédication : la violence.Aubagne 2014-28-09
Luc 6 versets 27 à 36 – Romains 12 versets 14 à 21 – Lévitique 24 versets 19 à 22 –
Psaume 133
En ces temps où les violences barbares
ensanglantent l’Afrique méditerranéenne et n’épargnent plus l’Europe, les
problématiques, liées à cet embrasement maléfique, posent évidemment de sérieux
problèmes aux chrétiens que nous sommes.
Nous ne pouvons rester aveugles et sourds
à la détresse des persécutés de tous bords.
Bien sûr le martyre des chrétiens jetés
sur les chemins de l’exil par des fous immondes, Français de naissance parfois, nous concerne
au premier chef.
Mais que dire encore des désespérés
mourant en grappes humaines dans les flots bleus de la méditerranée. Que dire
de la nausée qui nous saisi à la vue de ces jeunes africains jouant leur vie
pour fuir l’indicible détresse des camps de réfugiés. Fuir pour rejoindre notre Europe en forçant les
barrages de fil de fer barbelés des enclaves espagnoles au Maroc.
Et ceci n’est qu’un résumé partiel des
violences que connaît notre humanité dans
le monde, car l’Asie n’est pas en reste pour ce qui concerne les persécutions affectant
des populations de plus en plus nombreuses.
Toutes ces horreurs sont elles
inévitables au sein d’une espèce qui, ayant pleinement réussi à occuper toutes
les niches écologiques de la planète, se trouve affrontée à un accroissement excessif
de la population ?
La survie de tous les humains ne peut
plus être assurée car les besoins
excèdent les ressources limitées de la planète.
Il n’est alors plus question de partager
pour certaines populations acculées par des besoins qu’elles ne peuvent plus satisfaire.
Elles cherchent alors à s’emparer par la
force des richesses disponibles dans d’autres zones du globe.
Devant une telle situation, l’enseignement
de Jésus est-il pertinent pour nous permettre de défendre des positions
constructives ?
Déjà, à l’époque de Jésus, de Paul et des
évangélistes, la violence était extrême, pensez à la décapitation de JB ou à la
crucifixion, en 7 AJC, par le général Romain Varus, de 2000 juifs devant le temple
de Jérusalem,
La
cruauté était acceptée par les Romains qui s’entre tuaient pour conquérir le
pouvoir, terrorisaient les peuples assujettis et se régalaient de spectacles
relevant du massacre.
Mais le problème de la survie de l’espèce
humaine n’effleurait pas l’esprit des contemporains de Jésus et des
évangélistes.
Examinons le texte du jour tiré de
l’évangile de Luc.
Ce texte fait partie de la petite incise, qui du chapitre 6 verset 20 au chapitre 8
verset 3 est tiré de la source Quelle, de ce fait toute cette partie est commune aux évangiles de Matthieu et Luc
mais étrangère à l’évangile de Marc.
La source Quelle, dont nous n’avons pas
de texte, est constituée par des
citations de discours de Jésus vraisemblablement proches des propos qu’il a effectivement
tenu.
Luc a reporté en deux blocs, sans grande
modification, le texte de la source Quelle, les théologiens parlent de petite
et grande incise. Il est dans ces conditions plus que vraisemblable que le
texte de Luc qui nous intéresse reflète fidèlement un propos tenu par Jésus
Ce
discours de Jésus est tout aussi explosif
pour les juifs du premier siècle que pour les chrétiens d’aujourd’hui.
Ainsi le verset 35, précisant que Dieu
est bon pour les ingrats et pour les mauvais, ne pouvait aux environs des
années 30 à 70 que faire se rebeller certains Juifs, se représentant Dieu comme
un justicier dont ils attendaient le secours.
Leur lutte acharnée contre l’occupant
Romain ne pouvait s’accommoder de telles affirmations ! Comment accepter que l’ordre de Dieu soit :
« aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez
ceux qui vous maudissent , priez pour ceux qui vous injurient ».
Le peuple élu pouvait-il accepter que leur
Dieu soit aussi magnanime pour eux que pour leurs ennemis jurés ?
Peut-on demander à des hommes de passer
outre à leur instinct de survie, peut-on leur interdire de ne pas céder à leurs
pulsions naturelles ancrées dans l’ADN de leurs chromosomes, pour défendre
leurs familles, leur religion, leurs vies aussi peut être ?
Et pourtant l’exigence surhumaine des prescriptions évangéliques a été crédibilisée par Jésus lui-même. Ainsi, dans
la première de l’apôtre Pierre on peut
lire le texte suivant
«si vous endurez la souffrance tout en
faisant le bien, c’est une grâce devant Dieu. C’est à cela que vous avez été
appelés, parce que le Christ lui-même a souffert pour vous, vous laissant un
exemple, afin que vous suiviez ses traces : il n’a pas commis le péché, et
on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche ; quand il était insulté, il ne
rendait pas l’insulte ; quand il souffrait il ne proférait pas de menaces
mais il s’en remettait à celui qui juge justement. »(1 Pierre 2,23)
De fait, Jésus a appliqué ce qu’il enseignait
jusqu’au moindre détail. Il a reçu une gifle d’un soldat Romain sans réagir,
son manteau lui a été dérobé par la soldatesque, il a gardé le silence devant
ses juges et les a pardonné priant même pour que ses bourreaux soient
innocentés car dit-il : ils ne
savaient pas ce qu’ils faisaient.
Il est d’autres personnages qui ont suivi
les prescriptions de leur maître, les apôtres, voilà ce qu’en dit Paul dans la
première épître aux Corinthiens 4,
« Car
Dieu , il me semble, nous a exhibés, nous les apôtres, à la dernière place
comme des condamnés à mort : nous avons été offerts en spectacle au monde,
aux anges et aux humains. Nous nous sommes fous à cause de Christ, mais vous
vous êtes avisés dans le Christ ; nous nous sommes fous à cause de Christ,
mais vous vous êtes avisés dans le Christ ; nous nous sommes faibles, mais
vous vous êtes forts. Vous vous êtes glorieux, mais nous nous sommes
déshonorés ! Jusqu’à l’heure présente nous sommes exposés à la faim, à la
soif, au dénuement, aux coups, à la vie errante ; nous nous donnons de la
peine en travaillant de nos propres mains ; insultés nous
bénissons ; persécutés nous supportons ; diffamés nous
encourageons ; nous sommes devenus les déchets du monde, le rebus de tous,
jusqu’à maintenant »
Suivre le programme proposé par Jésus
n’est pas très gratifiant à vue humaine. Cependant, il faut bien le reconnaître,
les apôtres ont été incroyablement efficaces, puisque bien que tous morts
suppliciés à l’exception de Jean, ils ont fondé une des religions majeures de
l’humanité.
Le
monothéisme a largement triomphé.
Les apôtres et les nombreux disciples de
Jésus apparus dans le cours des siècles ont, en dépit des trahisons de chrétiens
indignes, fait franchir un seuil à l’humanité entière.
Celle-ci sait dorénavant que tous les
hommes ont une valeur identique aux yeux du créateur.
Dieu est le berger des brebis perdues
qu’il cherche inlassablement à ramener à la vraie vie, il les bénit comme les
autres. C’est d’ailleurs là pleinement le
sens profond du mot bénédiction qui signifie :
don de la vie, du bonheur et de la paix.
Dieu est bon et attentif à sa création et
cette conception de Dieu est innovante dans l’espace méditerranéen où les
hommes tremblaient devant des Dieux
redoutables dont il fallait par des offrandes et sacrifices gagner les grâces.
Pour sa part, l’apôtre Paul en Romain 12 reprend, ce qui est rare dans
ses écrits, les enseignements du Christ
17
Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien
devant tous les hommes.
18
S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec
tous les hommes.
19
Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la
colère; car il est écrit: A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le
Seigneur.
20
Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s’il a soif, donne-lui à
boire; car en agissant ainsi, ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur
sa tête.
21
Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais surmonte le mal par le bien.
Je voudrais attirer votre attention sur
la phrase suivante : s’il est possible, autant que cela dépend de vous,
soyez en paix avec les hommes.
Paul ne nous demande pas l’impossible,
nous ne pouvons contraindre les consciences colonisées par le malin.
Quand l’homme est diabolique il est
licite de l’empêcher de nuire en s’en protégeant. Quand Jésus chasse les démons
ayant envahi un forcené en les transportant dans des porcs qui se suicident en
plongeant dans les flots, c’est bien parce qu’il n’y a plus d’autre issue pour
enrayer l’oeuvre poursuivie par le malin. Comme le signale Jésus à ses
disciples il y a des démons que vous ne pouvez chasser, seul Dieu le peut. Pareillement
le Christ ne nous demande pas de sacrifier
notre vie, il demande de ne faire nulle violence aux ennemis et même de les
nourrir et les vêtir. Ceci dans l’espoir de conduire l’interlocuteur, frappé de
stupeur, face à une telle attitude, à renaître pour véritablement vivre dans la
lumière de Dieu.
Jésus ne nous pousse pas au masochisme, la
vie est bien trop précieuse à ses yeux
pour qu’il nous pousse à volontairement nous livrer à la mort. Mais qui veut
sauver sa vie, en s’isolant de ses prochains, la perdra. L’homme est un être de
relation qui dépérit lorsque les contacts avec l’ensemble des humains se
coupent. Je dirai même les contacts avec tous les vivants, animaux et végétaux.
Oui l’humanité a franchi sous l’impulsion
de Jésus et des siens, un cap. Il n’est pour s’en persuader que de lire dans le
Lévitique (chapitre 24, 17 à 22) les prescriptions transmises par
Moïse aux hébreux. Alors que Jésus demande de respecter la vie de nos prochains et de prêcher la paix et le
pardon, les prescriptions présentées par Moïse ne parlent que d’exécution et de
violences vengeresses
17
Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort.
18
Celui qui frappera un animal mortellement le remplacera: vie pour vie.
19
Si quelqu’un blesse son prochain, il lui sera fait comme il a fait:
20
fracture pour fracture, oeil pour oeil, dent pour dent; il lui sera fait
la même blessure qu’il a faite à son prochain.
21
Celui qui tuera un animal le remplacera, mais celui qui tuera un homme
sera puni de mort.
22
Vous aurez la même loi, l’étranger comme l’indigène; car je suis
l’Eternel, votre Dieu.
Celui qui blasphémera le nom de l’Eternel
sera puni de mort: toute l’assemblée le lapidera. Qu’il soit étranger ou
indigène, il mourra, pour avoir blasphémé le nom de Dieu.
La déclaration universelle des
droits de l’homme a une toute autre inspiration, celle du christianisme.
L’article 1 retrouve les accents de notre
religion, je cite :
Tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droits.
Ils sont doués de raison et de conscience
et doivent agir les uns envers les
autres dans un esprit de fraternité.
Dans un monde où ouvertement les forces
démoniaques investissent des extrémistes
incultes se prétendant musulmans. Doit-on tendre la gorge au couteau des
fanatiques sans réagir ?
Le pasteur Nouis dans le journal Réforme
indique que la réponse est contenue dans la lettre aux Romains écrite par
l’apôtre Paul, je cite
« Si tu fais le mal , crains, car
ce n’est pas pour rien que les autorités portent l’épée, elles sont en effet au
service de Dieu pour faire justice, pour la colère contre celui qui pratique le mal ». (Romains 3 verset
4)
Si toutes les tentatives de négociation pour
arrêter le bras des fanatiques échouent, les autorités doivent selon Paul jouer leur rôle pour rétablir
l’ordre.
Au moment de conclure, il m’est
impossible de ne pas évoquer la non violence développée par des hommes comme
Martin Luther King ou Nelson Mandela.
Ils ont été au bout de leur certitude et
de leurs efforts dans la voie tracée par Jésus et les rédacteurs de la
déclaration universelle des droits de l’homme.
Ainsi cela est vrai, le bien peut
surmonter le mal au prix d’une abnégation incroyable. Il faut des héros, les
voilà.
Mais dans notre petit paradis provençal
nous avons peur de ne pouvoir égaler ces personnes là. Rappelons nous
toutefois la parabole du jeune homme riche. Elle se termine par
« Jésus les regarda et dit ; c’est impossible pour les
humains, mais non pour Dieu, car tout est possible à Dieu. » (Marc 10, 27)
Le cap est fixé nous sommes ambassadeurs
de la paix, certes insuffisants mais bénissant Dieu de nous avoir doté d’une
intelligence suffisante pour discerner son projet et y participer à notre
mesure.
Pas à pas nous installerons la paix en
nous et autour de nous, assurés de l’appui de Dieu.