mardi 18 mars 2014

prédication sur les actes donnée à Aubagne, La Ciotat et Marseille Magnan

Actes 2 versets 14 à 36 et Actes 17 versets 16 à 34

Je voudrais aujourd’hui vous inviter à vous étonner devant ce document extraordinaire qu’est le livre des Actes.
Luc après avoir écrit son évangile c’est soucié de lui donner un prolongement.
Daniel Marguerat, professeur de nouveau testament à l’université de Lausanne écrit
 « Le livre des Actes est unique en son genre dans le nouveau testament : ni évangile, ni lettre, ni écrit prophétique, il raconte le déploiement de la première chrétienté dans le monde après la mort et la résurrection de Jésus.
Ecrire une histoire d’apôtres après l’histoire de Jésus est un geste unique dans l’antiquité chrétienne : nul ne l’a accompli avant Luc et nul ne le répétera après lui.
Cette nouveauté littéraire traduit un changement, l’agir du Christ se poursuit à travers ses témoins et doit être raconté comme uns suite de l’évangile.
La décision théologique est d’un poids considérable, puisque la révélation ne se limite plus à la vie de Jésus, mais englobe désormais l’histoire des témoins.
Avec les actes, l’évangile fait histoire. »
Imaginez : ni la mort de Jésus, ni la détresse des apôtres n’ont cassé la dynamique engagée par Jésus.
Je pense que Luc m’aurait repris en ajoutant comme cause de cette puissance stupéfiante, l’effusion de l’esprit saint. Ce point est essentiel dans la pensée de Luc.
Ainsi en Actes 1 verset 6 à 8, il relate la promesse de Jésus
« Ceux qui s’étaient réunis lui demandaient : Seigneur est-ce en ce temps-ci que tu vas rétablir le royaume pour Israël ? Il leur répondit : il ne vous appartient pas de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez de la puissance quand l’esprit saint viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Cette promesse est, vous le savez certainement, accomplie par l’effusion de l’esprit longuement décrite dans le chapitre 2 du livre  des Actes. Cette effusion donne lieu aux réjouissances de la Pentecôte.
La résurrection de Jésus c’est cela, rien n’est fini, tout est en place en nous, témoins du Christ dans toutes les générations à venir, par la grâce de l’esprit.  
La bonne nouvelle sera portée partout dans le monde, et ce, contre vents et marées, car elle seule fait vivre.
Et Luc évoque l’action de cette puissance qu’est l’esprit saint au moyen d’un récit structuré, parfaitement exact dans ses indications tant géographiques qu’historiques.
Il choisit de relater, d’abord le développement de la foi en Jésus, à Jérusalem puis dans les villes proches et enfin dans l’empire Romain.
Les figures des leaders sont celles de Pierre, Etienne, Philippe et Jacques le frère de Jésus. Mais sans conteste c’est Paul, dans sa mission de pasteur des païens qui constitue l’exemple essentiel choisi par Luc pour illustrer la puissance du Saint Esprit.
Le texte des actes a été rédigé entre 80 et 90, à une époque où les relations entre  chrétiens et juifs avaient cessées, Pierre et Paul étaient morts martyrisés par Néron vers 65, c'est-à-dire depuis une vingtaine d’années et les épîtres de Paul remontaient à plus de trente ans.
L’auteur Luc appartenait à la troisième génération après Jésus, Les chrétiens qui attendaient le retour du Christ dans le cadre d’un jugement général perdaient espoir en son retour rapide, il fallait ce livre des Actes pour recadrer le cheminement d’un christianisme en développement rapide.
Le texte que je vous ai lu fournit d’emblée une réponse à ce malaise : nous ne pouvons savoir quand le père décidera du jugement, mais l’esprit fournira la puissance nécessaire aux témoins pour que la bonne nouvelle soit colportée dans le monde.
Il est bien évident que Luc opère une lecture croyante de l’histoire, seuls les éléments aptes à servir sa lecture théologique sont retenus.
Cette lecture vise à montrer comment Dieu conduit les siens.
L’esprit qui habite les témoins est l’instrument dont Dieu se sert.
Dans les récits du livre des Actes, l’irruption de l’esprit saint est la signature divine accordée à la mission des apôtres lorsqu’elle s’ouvre à l’universalité.
Ce n’est jamais l’église qui en prend l’initiative : l’esprit précède les apôtres et agit à la stupeur des croyants.
Parmi les exemples justifiant cette assertion la fin de la coupure plurimillénaire entre le pur et l’impur est significative.
Pierre en rêve voit des mets impurs que Dieu ordonne de manger, alors que parallèlement le centurion Corneille est amené, suite à un rêve, à convoquer Pierre
Pierre commence alors son discours à Corneille  par cette phrase (Actes 10 28)
«Comme vous le savez c’est un crime pour un juif que d’avoir des relations suivies et même  quelque contact avec un étranger. Mais à moi Dieu vient de me faire comprendre qu’il ne fallait déclarer pur ou impur aucun homme »
D’un seul coup, l’initiative de Dieu libérait les contacts entre humains car (1Co 12:13)
«  Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit ». 
 A ce stade de la réflexion, je voudrais attirer votre attention sur le fait que Luc n’a pas décrit l’ensemble de la progression de l’église, et il s’en faut de beaucoup. Il n’en a d’ailleurs pas la prétention
Le personnage de Paul mis en scène par Luc et connu par ses épîtres est certes éminemment important, mais il existait d’autres missionnaires qui ont progressé dès le premier siècle jusqu’à l’Inde et probablement la Chine, des communautés importantes autour de la Méditerranée s’étaient constituées par exemple à Antioche, Césarée et Alexandrie.
C’est la puissance Romaine, assistée par un clergé à ses ordres, qui, lorsque le christianisme devint au 4 me siècle religion d’Etat, a gommé la diversité des communautés chrétiennes.
L’histoire de la chrétienté s’est réduite, pour la grande majorité des chrétiens des deux premiers millénaires,  à l’épopée Paulinienne.

Luc a-t-il disposé de traces écrites des discours des missionnaires qu’il décrit ? Certes pas, car il n’y avait à cette époque ni sténo dactylos ni  magnétophones. Or les 24 discours figurant dans le texte du livre des Actes occupent le tiers du livre !
 Comme l’indique le professeur Marguerat, les historiens de l’Antiquité, qui aimaient à placer des discours sur les lèvres de leurs héros  faisaient face à la même difficulté.
Ils suivaient le principe adopté par Thucydide
« J’ai exprimé ce qu’à mon avis ils auraient pu dire qui répondit le mieux à la situation »  (guerre du Péloponnèse). Ce principe légitime la recomposition des discours tout en la soumettant à une double adéquation : le discours reconstruit doit convenir à ce que l’on sait du locuteur et être approprié à la situation. Par ses choix de style et de propos oratoires, Luc a choisi cette règle, adoptant pour ses héros le langage qui lui semblait convenir.
Luc très habilement a procédé ainsi, mais cela laisse des traces.
En particulier, la théologie défendue par Paul se trouve quelque peu modifiée par Luc.
En effet les milieux proches des idées de Paul, auquel appartenait Luc, avaient en l’espace de 30 ans remplacé la centralité de la croix des épîtres de Paul par la centralité de la résurrection.
Chez Luc, la mort de Jésus concrétise l’erreur humaine face à Dieu, mais l’offre de salut s’appuie sur la certitude de la résurrection. La résurrection prend la place qu’occupe la croix chez Paul, ce n’est plus la mort de Jésus qui est objet de scandale pour les juifs et les païens mais la nouvelle que Dieu l’a ressuscité des morts. C’est pourquoi Luc s’attache à signifier l’historicité et la matérialité de la résurrection.
Dans les Actes, c’est l’affirmation de Pâques et non plus la primauté de la loi qui constitue le point de litige entre l’Eglise et  la synagogue.
Pour illustrer ces propos, je vais vous lire deux textes, le premier est celui de Pierre après l’effusion de l’esprit à Pentecôte.  
Actes 2 versets 14 à 36
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Pierre est à ce stade encore totalement Juif dans ses réactions et citations. Son discours est bourré de sémitismes, le style est peu fluide. Pierre ne cesse de citer l’ancien testament afin de démontrer aux juifs que Jésus et les événements extraordinaires de la résurrection et de Pentecôte étaient déjà annoncés dans les textes anciens.
Il est facile de déceler dans le texte la volonté de représenter Pierre tel qu’il était, rocailleux, réaliste et volontaire. Dans cet exercice Luc a réussi. 
Pour examiner comment Luc présent Paul je vous propose d’écouter le discours de Paul à Athènes devant les philosophes réunis sur l’Agora.
Actes 17 versets 22 à 34
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Le discours que Paul tient est habile, il emploie les formes de la rhétorique Grecque en particulier de leurs philosophes. Il cite les poètes tel Epiménide  (6me AJC) avec cette phrase admirable : Car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être. Voyez comme ce discours est différent de celui prêté à Pierre. Luc rédige un texte fluide et charpenté, élégant même.
Notez bien que la dérive de la pensée Paulinienne est ici flagrante, c’est la résurrection qui motive le rejet des philosophes et non la crucifixion de Christ et le sacrifice que représente la cène.
Ainsi le livre des Actes nous interpelle et nous concerne directement en tant que témoins de la puissance de l’esprit avérée dans de nombreux événements et personnages au cœur de chair. Comme le précise Paul dans la seconde lettre aux Corinthiens chapitre 3 verset 3 :
« Il est manifeste que vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère : une lettre écrite , non pas avec de l’encre , mais avec l’esprit du Dieu vivant ; non pas sur des tablettes de pierre mais sur des tablettes de chair, sur des cœurs »

Puissions nous considérer Luc comme celui qui sans en tirer une quelconque gloire a relaté ce magnifique élan, cette puissance déléguée qu’est l’esprit afin de pérenniser la grâce de Dieu pour l’humanité.