dimanche 1 juin 2014

prédication sur l'esprit donnée le2010601 à Aubagne

Jean 3 versets 1 à 8, Jean 14 versets 15 à 20, Romains 7 versets 5 et 6, Romains 8 versets 11à 17

Frères et sœurs, les textes lus nous obligent à prendre au sérieux, l’esprit troisième personne de la trinité. Alors, comme le stipule la fiche 23 des thèses pour l’évangile, comment retrouver l’inspiration qui vient de lui ?
Je trouve que cette interrogation est bien hardie, tant de chrétiens vivent inspirés par l’esprit dans le monde que c’est aller un peu vite d’affirmer que nous devons retrouver l’inspiration !
Première difficulté, il est impossible de définir rationnellement l’esprit saint car il n’est appréhendable que par ses effets, par exemple, la soif de liberté, le sens qu’il donne à une vie, ce qu’il crée de neuf en nous, l’amour qu’il promeut, les valeurs qu’il suggère, l’attirance pour ce qui est transcendant, l’attirance pour la beauté, l’envie de partager avec les autres etc.…
Berdiaev philosophe et théologien du 20me siècle écrivait :
 « L’esprit est l’acte créateur ; l’esprit crée un être nouveau. L’activité créatrice, la liberté créatrice du sujet est primitive. L’esprit vient de Dieu, et l’esprit mène à Dieu. L’homme reçoit tout de Dieu et c’est par l’esprit que l’homme donne tout à Dieu, qu’il multiplie les dons qu’il a reçus, qu’il crée ce qui n’existait pas auparavant. L’esprit vient de Dieu. L’esprit n’est pas créé par Dieu comme l’est la nature, il émane de Dieu, il est versé, insufflé par Dieu à l’homme. »
L’esprit est par nature fluide et ceux qui se targuent de le posséder, de le manipuler pour en tirer ainsi une supériorité sur les autres sont dans l’erreur.
En fait ils assujettissent l’esprit  et se permettent  de l’exhiber à tout propos pour prendre possession des autres en leur imposant leur vision. Attention aux visionnaires, aux exaltés  s’enveloppant  de leur prétendue familiarité avec l’esprit pour  nous imposer des points de vue personnels.
Saint Augustin écrivait
« Je sais parfaitement ce qu’est l’action de l’esprit quand on ne me demande pas de le formuler, mais je ne sais plus du tout dès qu’il faut le mettre en mots ! »
Pour un prédicateur c’est, reconnaissez le, un peu désarmant et malheureusement partiellement exact.
Mais Saint Augustin n’en est pas resté là : pour lui le père et le fils s’aiment passionnément et l’esprit n’est autre que leur amour mutuel personnifié.
Si les évêques participant aux conciles de Nicée et Constantinople en 381 avaient connus cette version de la trinité peut être n’aurions nous pas cette approche si hermétique de la nature de l’esprit figurant dans le symbole de Nicée
« Nous croyons en l’esprit saint, qui règne et qui donne la vie, qui procède du père, qui a parlé par les prophètes, qui avec le père et le fils est adoré et glorifié ».
 Cette déclaration fut remise en cause par l’église Carolingienne vers l’an 800. Elle estimait que l’esprit procédait aussi du fils, le Christ Jésus, l’affaire fut si grave qu’elle entraîna  la scission qui perdure encore entre les orthodoxes et les catholiques !
Je suis tenu, en tant que chrétien, comme l’ordonne Pierre, de rendre compte de l’espérance qui est en moi.
Lourde tache, car je ne pense pas que la position adoptée par Saint Augustin, à savoir que ; le père et le fils s’aimant passionnément, l’esprit n’est autre que leur amour mutuel personnifié, puisse être adoptée par nos contemporains.
Je ressens la beauté de l’opinion de Saint Augustin, mais n’arrive pas à la faire mienne. Je pense qu’il en est de même pour vous chrétiens du 21 me siècle.
Alors il me faut chercher autre chose qui rende compte de ma joie profonde ressentie à Pentecôte et qui me fait espérer contre vents en marées, la vie vient de triompher de la mort car il y a dorénavant en tout homme, sans exclusive aucune, une petite flamme toujours  prête à allumer un grand feu. Le terme de veilleuse me plaît assez pour approcher le rôle de l’esprit.
Tentons d’aller encore plus avant.
En Hébreux, esprit et souffle sont des mots similaires.
De multiples façons, les mots traduits par esprit ou souffle évoquent dans l’ensemble de la Bible le mouvement et la vie résultant de manière mystérieuse de Dieu, de son souffle.
Toute vie humaine ou animale est animée par le même souffle, qui est souvent présenté comme le souffle même de Dieu.
Ainsi en Genèse 6 verset 17, Dieu dit « Je fais venir sur la terre, le déluge, les eaux, pour anéantir tous ceux qui ont un souffle de vie sous le ciel ».
Au souffle ou esprit de l’homme sont en outre attribués tous les mouvements intérieurs, émotions ou sentiments qui caractérisent l’existence humaine, le psaume 51 illustre bien ces assertions 
« Crée en moi un cœur pur, ô Dieu, rends à nouveau le souffle sûr en moi, ne me rejette pas loin de toi, ne me prends pas ton souffle sacré, rends moi la gaieté de ton salut et qu’un souffle généreux me soutienne ».
Dieu est perçu comme celui qui oriente notre vie vers telle ou telle voie en envoyant sur les hommes tel ou tel souffle ou esprit, ainsi en exode 28 verset 3
 «  Tu parleras à tous ceux qui sont habiles, à ceux que j’ai rempli d’un souffle de sagesse »  
Outre la métaphore du vent, celle de l’eau vive revient à maintes reprises pour dire l’action de l’esprit de Dieu répandu sur une communauté humaine.
Il en est ainsi dans l’échange verbal entre Jésus et Nicodème
« Amen amen je te le dis, si quelqu’un ne naît pas d’eau et d’esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » 
 C’est par son souffle, son esprit, que le Dieu transcendant et inaccessible se rend paradoxalement présent à l’histoire de son peuple.
Comme l’eau vive qui tombant du ciel finit par s’infiltrer dans la moindre parcelle de terre, l’esprit informe progressivement toutes les cellules qui composent un corps.
L’ancien testament, à partir du retour d’exil, conte  les désillusions de juifs perpétuellement assujettis par toutes les super puissances du monde antique. L’absence d’un Dieu vengeur se fait de plus en plus insupportable,  leur espoir est  qu’une action spectaculaire et définitive du souffle de Dieu porteuse d’une réforme radicale rétablisse l’ordre tant promis par les prophètes.
C’est cette espérance que le nouveau testament déclare accomplie par Jésus Christ mais ce dans un registre tout différent bien éloigné du règlement de compte tant attendu. Il faut même remarquer que Jésus est à l’exact opposé du héros imaginé par les juifs.
L’esprit saint ou souffle sacré, est à l’œuvre dans toute l’histoire de Jésus, comme chez les prophètes d’autrefois ou les juges d’Israël et d’une manière bien plus décisive puisque il vient libérer gratuitement chaque homme de quelque horizon qu’il soit.
C’est ce que Pierre dit dans son discours à Corneille le centurion de la cohorte italique,
 « Vous vous savez  ce qui est arrivé dans toute la Judée, après avoir commencé en Galilée, à la suite du baptême que Jean a proclamé : comment Dieu a conféré une onction d’esprit saint et de puissance à Jésus de Nazareth qui, là où il passait, faisait du bien ou guérissait tous ceux qui étaient opprimés par le diable »
A Pentecôte est fondée l’église universelle par effusion de l’esprit saint se manifestant dans le vent et le feu.
Comme Jean l’affirme, sur tous ces hommes divers rassemblés, l’esprit de vérité vient demeurer et offre le moyen de vivre,  à l’image de Christ qui a vaincu la mort.
 En Romain 8, Paul nous  assure que l’esprit de Dieu lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu et à ce titre héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ.
Le but de cette prédication, est de vous inspirer  un regain d’ intérêt pour l’Esprit en vous faisant toucher son importance première dans la théologie Chrétienne protestante. Ainsi, Calvin écrit dans l’institution chrétienne
« C’est en vain que la lumière se présenterait aux hommes aveugles si cet esprit d’intelligence n’ouvrait les yeux de leur esprit. On peut donc dire à juste titre qu’il est la clef qui donne accès aux trésors du royaume des cieux et que sa clarté donne la vue à notre âme.
L’esprit participe  de la manière dont Dieu communique avec ceux qu’il vient chercher, il est les anges, les rêves prémonitoire aussi.
Dieu comme un père nous recherche dans nos cachettes, comme il a recherché Elie abattu dans le désert, pour nous relever, nous inspirer, nous associer à son projet pour un monde engendré par sa volonté.
Se mouvoir sur les chemins qu’il nous appelle à suivre est un gage de vie dès à présent.
Dieu dans son dynamisme créateur nous invite à le suivre et a placé pour ce faire, auprès de nous, une puissance spirituelle qui ensemence notre  esprit et le dynamise. Son souffle, en effet, fortifie comme le fait le vent soufflant sur les braises d’un feu mourant, pour faire surgir une flamme dansante. Tout comme ces petites flammes de Pentecôte  filles d’un vent de tempête bruyant  symbolisant l’alliance nouvelle tant espérée.
Le souffle sacré pousse le frêle esquif  qu’est notre être vers l’horizon au-delà duquel niche l’inconnu.
Comme Dieu est amour nous ne doutons pas de la beauté de cette zone de l’au delà. Nous savons que le vent souffle où il veut et peut nous conduire vers les récifs, mais comme le dit le psalmiste, les voies de Dieu ne sont pas nos voies. Nous n’avons pas d’autre moyen pour arriver à bon port que de faire confiance et de chercher la volonté de notre Dieu en interpellant sans cesse l’esprit qui est en nous, c’est le but même de toute prière.
C’est exactement ce que dit Paul en Romain 12 :
Ne vous conformez pas à ce monde ci, mais soyez transfigurés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, agréé et parfait » 
Bien sûr l’esprit n’est pas une personne, il est le mode de communication entre Dieu, le Christ et les hommes.
Les images inventées par les hommes pour approcher la nature de l’esprit sont parlantes, il s’agit du vent, du souffle de la lumière.
Nous savons qu’en quelques minutes, si l’air nous manque, c’est la fin de notre séjour sur terre.
L’air que nous respirons est offert gratuitement comme la grâce de Dieu pour ses enfants.
Dieu est une force et une direction qui nous sont proposées, on peut choisir d’accepter  ou de ne pas accepter, c’est nous qui tenons le gouvernail de notre vie  et c’est nous qui ouvrons ou fermons les voiles au vent de l’esprit de Dieu.
Pour conclure je vous livre un texte d’André Gounelle qui récapitule ce que j’ai cherché à exprimer.
« On a beaucoup discuté  sur l’Esprit, sur sa nature et son statut.
A-t’il une existence indépendante  et représente t-il une personne distincte du père et du fils ? Ces débats de facture très scolastique paraissent souvent oiseux et futiles. Comme l’écrit Tillich : l’expression « esprit de Dieu » veut dire : Dieu présent dans notre esprit.
Quand on parle de l’Esprit, il ne s’agit de rien d’autre que de Dieu ou du Christ présents, vivant et agissant en nous.
Que Dieu soit esprit, signifie qu’en lui se trouvent la lumière qui nous éclaire et la force qui nous anime. Il apporte du sens, il faut donc se refuser à l’obscurantisme  religieux qui se complait dans le mystérieux et l’incompréhensible  ou qui cultive l’absurde.
Il nous apporte de la puissance agit en nous, oriente et réoriente notre existence,  il nous met au travail.
Que Dieu soit esprit veut dire qu’il n’est pas inerte mais vivant, qu’il génère non pas un ordre mais un mouvement, et qu’il nous appelle à la liberté, à l’inventivité, et non à la passivité et à la résignation ».

Amen