Pâques
2015 :Textes – Luc 24 29 à 53. Actes 1 1 à 3. Osée 6 1 à 3
Chers
frères et soeurs.
Déjà
40 jours se sont écoulés depuis le début du carême.
Peut
être avez-vous consacré durant ce temps une attention particulière à la Bible
et, tout spécialement, à la signification des événements décrits dans les
récits de la passion.
Il
y a là véritablement matière, dans les
difficiles moments que nous vivons, à dégager des pistes pour répondre à
nos interrogations et renforcer notre
courage.
Les
différents récits bibliques de la passion grouillent d’une vie incroyable, des hommes
et femmes très divers y figurent, nous retrouvons, chez eux, nombre de travers
et qualités humaines.
Aux
veillées des Jeudi et Vendredi saints, Emmanuel et moi avons évoqué plusieurs de
ces personnages.
Aujourd’hui,
je vous présenterai, d’abord des considérations sur les textes relatant ces
événements, puis une recherche sur le sens de cette résurrection si incroyable.
Commençons
par les considérations sur les textes bibliques.
Les
évangiles sont différents, le canon du nouveau testament en a retenu 4.
Il
en existait d’autres, ceux de Thomas, Pierre, Philippe, Marie, Pilate, Judas
notamment. Ils ont été pour la plupart égarés au fil du temps mais certains ont
ressurgi des sables.
Plus
on remonte le temps et plus ces documents attestent d’une diversité des
théologies dans le monde chrétien des deux premiers siècles.
L’hétérogéinité
des traditions orales et écrites concernant Jésus est forte dès la première
génération des témoins directs de Jésus.
Les
synagogues fréquentées par les chrétiens étaient nombreuses dans le monde
antique, car la diaspora juive était installée tout autour du bassin Méditerranéen
et même au-delà .
Des
comptoirs commerciaux étaient tenus par
des juifs en Inde et en Chine.
L’apôtre
Thomas vers les années 60 a
pu, en allant, le long de la route de la soie, de synagogue en synagogue, atteindre
l’état du Kerala en Inde, où subsiste encore, 2000 ans après, une communauté
chrétienne revendiquant sa fondation par cet apôtre. Thomas a peut être atteint
la Chine !
Il
n’y a donc pas à s’étonner de trouver des divergences entre des récits
évangéliques écrits plus de 40 ans après la disparition du Christ.
Mais
c’est bien pour cela qu’ont été retenus dans le canon du nouveau testament, 4
évangiles. La diversité des témoignages est ainsi assumée par le collège des
évêques aux 3me et 4me siècle.
A
titre d’exemple, Luc, l’évangéliste auteur d’un évangile et des actes des
apôtres, présente deux versions divergentes de l’ascension de Jésus, l’une à la
fin de son évangile où elle a lieu dès le lendemain de sa résurrection et une
autre au début des Actes où elle se déroule 40 jours après sa mort !
Cette
constatation montre que les évangélistes
n’étaient pas outre mesure attachés à la vérité historique, puisque Luc, qui se
targuait dans l’introduction à son évangile, d’être d’une grande rigueur dans
la transmission des événements, présentait le même fait à des dates
différentes !
Par
ailleurs comme une litanie, tous les textes relatifs à la Passion ne cessent de
préciser la conformité des faits relatés avec les prédictions contenues dans
les prophéties ou les psaumes de
l’ancien testament.
Ainsi
les évangiles, les actes et les épîtres
sont-ils ponctués de la phrase
« selon les écritures ».
Le
texte du prophète Osée, que je vous ai lu, est ainsi utilisé comme modèle du timing de la passion.
Bien
évidemment pour les évangélistes, l’objectif, était de montrer au public Juif,
lors des réunions dans les synagogues, que Jésus était bien le messie annoncé
dans de nombreux passages bibliques. Cela dura jusque dans les années 80, période
au cours de laquelle les juifs interdirent l’accès des synagogues aux chrétiens.
Nous
ne pouvons donc sacraliser imprudemment les textes évangéliques.
Les
théologiens sont là pour justement présenter des analyses textuelles et
historiques évitant les égarements.
L’évêque
épiscopalien John Spong leader de la théologie très novatrice du process, écrit
dans son livre Jésus pour le 21me siècle
« Il est difficile d’oublier le
fait qu’on nous a enseigné à lire les évangiles comme des comptes- rendus
fidèles d’événements qui se seraient passés dans la réalité, mais nous n’avons
pas le choix ; il nous faut écarter cette interprétation. Les évangiles
plutôt que des rapports littéraux, sont en fait des interprétations du sens de
l’engagement de Jésus, filtrées au travers de la vie cultuelle des juifs dans
laquelle l’histoire de Jésus fut enregistrée et évoquée durant quelques
générations avant que les évangiles ne soient rédigés. Les évangiles sont
remplis d’images familières aux seuls juifs
et sont dépourvues de sens pour ceux d’entre nous qui n’ont pas la
connaissance de cette tradition religieuse. Ce qui a abouti, vu notre ignorance
de ce culte, à de graves malentendus. Puis nous avons concrétisé ces
malentendus en les interprétants au mot à mot !
Les évangiles orientent ceux qui les
lisent vers un mode de vie qui existait à un moment de l’histoire, mais ce
n’était pas la vie quotidienne de cette époque qui avait réellement de
l’importance pour les auteurs des évangiles ; c’était ce que
signifiait Jésus et ce quelque chose
dont ils sentaient avoir fait l’expérience
à travers lui.
Paul l’a bien exprimé quand il écrivit
dans les années 50 à propos de Jésus
« Aussi, désormais, ne connaissons
nous plus personnes à la manière humaine. Si nous avons connu le christ à la
manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi »
( 2 Co 5,16).
Selon Paul la raison en est la suivante
« Si quelqu’un est en Christ, il
est une nouvelle créature » (2Cor 5, 17).
C’est une description non pas d’un
savoir humain, mais d’une expérience extatique, spirituellement épanouissante.
C’est pourquoi les évangiles ne furent
pas écrits pour enregistrer les détails de la vie de Jésus, mais pour
interpréter l’expérience de Jésus.
Il faut véritablement saisir cette
distinction, faute de quoi nous n’échapperons jamais à la bataille futile qui
écartèle l’Eglise chrétienne contemporaine entre ceux qui lisent les textes des
évangiles au mot à mot, et ceux qui rejettent ces textes pris dans leur sens littéral comme non crédibles.
Le premier objectif des auteurs des
évangiles a été centré sur la mort de Jésus et sur l’expérience qui transforma
la signification de sa mort, du désespoir à l’espoir d’une vie nouvelle. »
L’espoir
d’une vie renouvelée c’est ce dont je vais vous parler dans la seconde partie
de cette prédication.
Souvenez
vous, selon les évangiles, Jésus ne cessa de dire: je fais toutes choses
nouvelles, changez radicalement, je ne suis pas venu abolir mais accomplir.
La
mise en évidence de la nature révolutionnaire de la mission de Jésus ne pouvait
avoir lieu qu’à proximité du temple de Jérusalem au cours des fêtes
commémorant, pour les juifs, la libération du peuple Hébreux.
Ce
peuple réduit en esclavage, partit dans la plus grande hâte vers une terre
promise, située au-delà d’un désert dépourvu de ressources.
Saluons
le courage de ces hommes et femmes dépendant pour leur survie, durant 40 ans, de la seule mansuétude
de Dieu et du charisme de Moïse!
Le
peuple des Hébreux n’avait toujours pas, à l’époque où vivait Jésus, accédé à
une terre promise qui leur était constamment arrachée par les empires s’épanouissant en Mésopotamie, en Egypte, en Grèce
ou à Rome.
Un
messie, un roi des juifs à l’image de David, était impatiemment attendu pour
qu’enfin la promesse de Dieu se réalise.
Ce
messie ne pouvait se révéler qu’à Pâques.
Jésus
fit donc tout pour mourir durant cette période.
Sa
décision de monter à Jérusalem était suicidaire, les disciples le savaient mais
se refusaient à comprendre la démarche de Jésus, en dépit des annonces, trois
fois répétées par celui-ci, de ce qui allait arriver.
La
terreur les aveuglait totalement.
S’il
est un mystère c’est bien celui du rétablissement de ces disciple après la
crucifixion de Jésus.
Car
la mise en croix disqualifiait complètement celui qui était martyrisé, tant aux
yeux des Romains que des juifs comme le précise le texte suivant en Deutéronome
21 22-23
« Si un homme coupable d’un péché
passible de la mort a été mis à mort et que tu l’aies pendu au bois, son
cadavre ne passera pas la nuit sur le bois ; tu l’enseveliras le jour
même, car celui qui est pendu est une malédiction de Dieu, tu ne rendras pas
impure la terre que le Seigneur ton Dieu te donnes comme patrimoine »
Certains
théologiens doutent de la réalité matérielle de la résurrection du Christ Jésus
mais ils soulignent tous l’impensable dynamisation des disciples régénérés
soudain par l’esprit saint.
Les
yeux de ces humbles disciples s’ouvrirent, à l’image des yeux de 2 d’entre eux fuyant
sur le chemin d’Emmaüs.
Ils
se remémorèrent soudain leur maître, en voyant l’inconnu qui les accompagnait,
rompre le pain et le leur donner, à l’image de celui qui deux jours plus tôt
dans le chambre haute avait aussi rompu le pain. Subitement, tout
l’enseignement du maître devenait limpide, les écailles tombaient de leurs yeux.
Vous
noterez que Paul sur le chemin de Damas fut aussi illuminé, tomba de sa monture
et fut frappé d’aveuglement, jusqu’à ce qu’il comprenne en un éclair le message
de Jésus.
Voilà
à minima ce que signifie la Pâque chrétienne.
Jésus,
cet homme illuminé par Dieu, rayé du monde du fait d’une mort ignominieuse, se
trouvait en quelque sorte révélé dans la mémoire de disciples qui passaient ainsi
de l’obscurité à la lumière.
Transformés
par cette révélation, ils se relevèrent de leur abattement et entreprirent
l’annonce de cette bonne nouvelle au monde entier.
A
leur tour, tous les hommes étaient
potentiellement inondés par le saint esprit, c’est là le don gratuit de
Dieu, la grâce.
Cette
effusion de l’esprit n’est pas réservée aux seuls disciples. A la Pentecôte tous
les hommes peuplant la terre furent symboliquement rendus bénéficiaires de
cette force
Du même coup Dieu habitait ainsi en chacun
de nous comme le souligne Paul dans ses épîtres aux Corinthiens , Ne savez-vous pas que votre corps est le temple
du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne
vous appartenez point à vous-mêmes?
De ce fait le pasteur Persoz peut écrire
« La
religion ne rayonne plus à partir d’un lieu sacré, mais à partir des hommes
habités par l’esprit de Dieu. C’est maintenant à ces hommes de protéger Dieu de
leur personne, de lui permettre d’exister. Ils doivent lui réserver un espace
pour vivre».
Le temple de Jérusalem peut être détruit il
n’a plus d’importance comme séjour de Dieu.
Cela veut dire que les sacrifices pour faire
venir Dieu dans un temple de pierre bâti
par les hommes n’ont plus aucune raison d’être.
C’est l’individu que Dieu prend en
considération, c’est en lui qu’il habite.
Dieu n’appartient plus à un peuple élu.
Voilà ce que Paque signifie pour nous chrétiens.
Voilà ce que Paque signifie pour nous chrétiens.
Plus précisément la loi figurant dans les
livres du Pentateuque, si pointilleuse, exigeant une attention de tous les
instants de la part des juifs pour éviter les interdits, les atteintes à la
pureté, est considérée par Jésus comme seconde et dépassée. Le premier
commandement est dorénavant « tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton
cœur et de toute ton âme, tu aimeras ton prochain comme toi-même »
Car aimer
son prochain revient à aimer Dieu puisque ce prochain est, lui aussi habité par
l’émanation de Dieu qu’est l’esprit.
Jésus en bon
berger s’intéresse au troupeau certes mais s’attache surtout à ramener la
brebis perdue.
Cette
attention portée à l’individu est corrélée avec la libération de la pensée.
La loi ne
s’applique plus sans discernement, chaque individu est libre et responsable,
c’est ce que Paul exprime en 1 Corinthiens 6:12
« Tout m’est permis, mais tout n’est pas
utile; tout m’est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce
soit. »
Pour moi
c’est le texte le plus fort des épîtres de Paul.
Nous sommes
libérés mais responsables en tant que dépositaires d’une parcelle de Dieu.
Nous sommes
libérés de nos peurs quant au futur, habités par Dieu, nous sommes le temple
sacré et ce temple ne saurait être détruit car Dieu est le maître du temps.
« Ne crains plus petit troupeau »
s’exclame Jésus, soucie toi d’abord de faire vivre le projet de Dieu dont Jésus nous a dévoilé les tenants.
Luttons pied
à pied contre les tentatives perpétuelles des humains pour affadir le sel de la
terre que nous sommes.
Ces hommes
et femmes nos frères et soeurs abattus par la peur, terrés dans la chambre
haute à Jérusalem, cherchant à retourner chez eux en Galilée pour retrouver
leurs activités, leurs familles et leurs habitudes se sont trouvés transcendés,
réveillés, illuminés.
D’un coup
ils saisirent la pleine signification des messages transmis par Jésus, ils accédèrent
à la vie.
Mourir avec
le vieil homme et renaître redressés, régénérés comme le furent aussi les
hébreux sur les chemins du désert. Tel est le message de Paul que je vous
propose de partager ce jour de Pâques.
S’Il est un
miracle, c’est celui de la soudaine renaissance de ces hommes terrassés, morts
à l’espérance puis ressuscités sous
l’impulsion de l’esprit.
Ce n’est pas
Dieu qui protège, contrairement à ce que les hommes recherchent en bâtissant
des idoles mais nous qui protégeons Dieu en toute responsabilité.
Pour
conclure, je veux ajouter cet enseignement symbolique.
Jésus fut
baptisé d’eau par Jean Baptiste et Dieu fit descendre l’esprit sur lui.
Jésus est
ainsi le premier homme à avoir reçu l’esprit.
De ce fait,
Dieu restaurait l’homme tel qu’il l’avait conçu en l’Adam d’avant la faute.
Ce n’est pas
par hasard que Jésus est conduit au désert par l’esprit, il y est tenté par
Lucifer. Mais alors qu’Adam avait succombé à la tentation, Jésus résista.
Jésus fut alors
véritablement le nouvel Adam.
Il retrouva
l’immortalité de notre mythique ancêtre.
Comme les
récits de la passion le rapportent la mort n’a plus d’emprise sur l’homme habité
par l’esprit.
Jésus est
ressuscité, les hommes aussi par la grâce de Dieu.
Amen