mardi 14 avril 2015

2015/04/05 Pâques prédication donnée à Aubagne et La Ciotat

Pâques 2015 :Textes – Luc 24 29 à 53. Actes 1 1 à 3.  Osée 6 1 à 3
Chers frères et soeurs.
Déjà 40 jours se sont écoulés depuis le début du carême.
Peut être avez-vous consacré durant ce temps une attention particulière à la Bible et, tout spécialement, à la signification des événements décrits dans les récits de la passion.
Il y a là véritablement  matière, dans les difficiles moments que nous vivons, à dégager des pistes pour répondre à nos  interrogations et renforcer notre courage.
Les différents récits bibliques de la passion grouillent d’une vie incroyable, des hommes et femmes très divers y figurent, nous retrouvons, chez eux, nombre de travers et qualités humaines.
Aux veillées des Jeudi et Vendredi saints, Emmanuel et moi avons évoqué plusieurs de ces personnages.
Aujourd’hui, je vous présenterai, d’abord des considérations sur les textes relatant ces événements, puis une recherche sur le sens de cette résurrection si incroyable.
Commençons par les considérations sur les textes bibliques.
Les évangiles sont différents, le canon du nouveau testament en a retenu 4.
Il en existait d’autres, ceux de Thomas, Pierre, Philippe, Marie, Pilate, Judas notamment. Ils ont été pour la plupart égarés au fil du temps mais certains ont ressurgi des sables.
Plus on remonte le temps et plus ces documents attestent d’une diversité des théologies dans le monde chrétien des deux premiers siècles.
L’hétérogéinité des traditions orales et écrites concernant Jésus est forte dès la première génération des témoins directs de Jésus.
Les synagogues fréquentées par les chrétiens étaient nombreuses dans le monde antique, car la diaspora juive était installée tout autour du bassin Méditerranéen et même au-delà .
Des  comptoirs commerciaux étaient tenus par des juifs en Inde et en Chine.
L’apôtre Thomas vers les années 60 a pu, en allant, le long de la route de la soie, de synagogue en synagogue, atteindre l’état du Kerala en Inde, où subsiste encore, 2000 ans après, une communauté chrétienne revendiquant sa fondation par cet apôtre. Thomas a peut être atteint la Chine !
Il n’y a donc pas à s’étonner de trouver des divergences entre des récits évangéliques écrits plus de 40 ans après la disparition du Christ.
Mais c’est bien pour cela qu’ont été retenus dans le canon du nouveau testament, 4 évangiles. La diversité des témoignages est ainsi assumée par le collège des évêques aux 3me et 4me siècle.
A titre d’exemple, Luc, l’évangéliste auteur d’un évangile et des actes des apôtres, présente deux versions divergentes de l’ascension de Jésus, l’une à la fin de son évangile où elle a lieu dès le lendemain de sa résurrection et une autre au début des Actes où elle se déroule 40 jours après sa mort !
Cette constatation  montre que les évangélistes n’étaient pas outre mesure attachés à la vérité historique, puisque Luc, qui se targuait dans l’introduction à son évangile, d’être d’une grande rigueur dans la transmission des événements, présentait le même fait à des dates différentes !
Par ailleurs comme une litanie, tous les textes relatifs à la Passion ne cessent de préciser la conformité des faits relatés avec les prédictions contenues dans les  prophéties ou les psaumes de l’ancien testament.
Ainsi les évangiles, les actes et les épîtres  sont-ils ponctués  de la phrase « selon les écritures ».
Le texte du prophète Osée, que je vous ai lu, est ainsi utilisé comme modèle  du timing de la passion.
Bien évidemment pour les évangélistes, l’objectif, était de montrer au public Juif, lors des réunions dans les synagogues, que Jésus était bien le messie annoncé dans de nombreux passages bibliques. Cela dura jusque dans les années 80, période au cours de laquelle les juifs interdirent l’accès des synagogues aux chrétiens.
Nous ne pouvons donc sacraliser imprudemment les textes évangéliques.
Les théologiens sont là pour justement présenter des analyses textuelles et historiques évitant les égarements.
L’évêque épiscopalien John Spong leader de la théologie très novatrice du process, écrit dans son livre Jésus pour le 21me siècle
« Il est difficile d’oublier le fait qu’on nous a enseigné à lire les évangiles comme des comptes- rendus fidèles d’événements qui se seraient passés dans la réalité, mais nous n’avons pas le choix ; il nous faut écarter cette interprétation. Les évangiles plutôt que des rapports littéraux, sont en fait des interprétations du sens de l’engagement de Jésus, filtrées au travers de la vie cultuelle des juifs dans laquelle l’histoire de Jésus fut enregistrée et évoquée durant quelques générations avant que les évangiles ne soient rédigés. Les évangiles sont remplis d’images familières aux seuls juifs  et sont dépourvues de sens pour ceux d’entre nous qui n’ont pas la connaissance de cette tradition religieuse. Ce qui a abouti, vu notre ignorance de ce culte, à de graves malentendus. Puis nous avons concrétisé ces malentendus en les interprétants au mot à mot !
Les évangiles orientent ceux qui les lisent vers un mode de vie qui existait à un moment de l’histoire, mais ce n’était pas la vie quotidienne de cette époque qui avait réellement de l’importance pour les auteurs des évangiles ; c’était ce que signifiait  Jésus et ce quelque chose dont ils sentaient avoir fait l’expérience  à travers lui.
Paul l’a bien exprimé quand il écrivit dans les années 50  à propos de Jésus
« Aussi, désormais, ne connaissons nous plus personnes à la manière humaine. Si nous avons connu le christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi »
( 2 Co 5,16).
Selon Paul la raison en est la suivante 
« Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature » (2Cor 5, 17).
C’est une description non pas d’un savoir humain, mais d’une expérience extatique, spirituellement épanouissante.
C’est pourquoi les évangiles ne furent pas écrits pour enregistrer les détails de la vie de Jésus, mais pour interpréter l’expérience de Jésus.
Il faut véritablement saisir cette distinction, faute de quoi nous n’échapperons jamais à la bataille futile qui écartèle l’Eglise chrétienne contemporaine entre ceux qui lisent les textes des évangiles au mot à mot, et ceux qui rejettent ces textes pris dans leur sens  littéral comme non crédibles.
Le premier objectif des auteurs des évangiles a été centré sur la mort de Jésus et sur l’expérience qui transforma la signification de sa mort, du désespoir à l’espoir d’une vie nouvelle. »

L’espoir d’une vie renouvelée c’est ce dont je vais vous parler dans la seconde partie de cette prédication.
Souvenez vous, selon les évangiles,  Jésus ne cessa de dire: je fais toutes choses nouvelles, changez radicalement, je ne suis pas venu abolir mais accomplir.
La mise en évidence de la nature révolutionnaire de la mission de Jésus ne pouvait avoir lieu qu’à proximité du temple de Jérusalem au cours des fêtes commémorant, pour les juifs, la libération du peuple Hébreux.
Ce peuple réduit en esclavage, partit dans la plus grande hâte vers une terre promise, située au-delà d’un désert dépourvu de ressources.
Saluons le courage de ces hommes et femmes dépendant pour leur  survie, durant 40 ans, de la seule mansuétude de Dieu et du charisme de Moïse!
Le peuple des Hébreux n’avait toujours pas, à l’époque où vivait Jésus, accédé à une terre promise qui leur était constamment arrachée par les empires  s’épanouissant en Mésopotamie, en Egypte, en Grèce ou  à Rome.
Un messie, un roi des juifs à l’image de David, était impatiemment attendu pour qu’enfin la promesse de Dieu se réalise.
Ce messie ne pouvait se révéler qu’à Pâques.
Jésus fit donc tout pour mourir durant cette période.
Sa décision de monter à Jérusalem était suicidaire, les disciples le savaient mais se refusaient à comprendre la démarche de Jésus, en dépit des annonces, trois fois répétées par celui-ci, de ce qui allait arriver.
La terreur les aveuglait totalement.
S’il est un mystère c’est bien celui du rétablissement de ces disciple après la crucifixion de Jésus.
Car la mise en croix disqualifiait complètement celui qui était martyrisé, tant aux yeux des Romains que des juifs comme le précise le texte suivant en Deutéronome 21 22-23
« Si un homme coupable d’un péché passible de la mort a été mis à mort et que tu l’aies pendu au bois, son cadavre ne passera pas la nuit sur le bois ; tu l’enseveliras le jour même, car celui qui est pendu est une malédiction de Dieu, tu ne rendras pas impure la terre que le Seigneur ton Dieu te donnes comme patrimoine »
Certains théologiens doutent de la réalité matérielle de la résurrection du Christ Jésus mais ils soulignent tous l’impensable dynamisation des disciples régénérés soudain par l’esprit saint.
Les yeux de ces humbles disciples s’ouvrirent, à l’image des yeux de 2 d’entre eux fuyant sur le chemin d’Emmaüs.
Ils se remémorèrent soudain leur maître, en voyant l’inconnu qui les accompagnait, rompre le pain et le leur donner, à l’image de celui qui deux jours plus tôt dans le chambre haute avait aussi rompu le pain. Subitement, tout l’enseignement du maître devenait limpide, les écailles tombaient de leurs yeux.
Vous noterez que Paul sur le chemin de Damas fut aussi illuminé, tomba de sa monture et fut frappé d’aveuglement, jusqu’à ce qu’il comprenne en un éclair le message de Jésus.
Voilà à minima ce que signifie la Pâque chrétienne.
Jésus, cet homme illuminé par Dieu, rayé du monde du fait d’une mort ignominieuse, se trouvait en quelque sorte révélé dans la mémoire de disciples qui passaient ainsi de l’obscurité à la lumière.
Transformés par cette révélation, ils se relevèrent de leur abattement et entreprirent l’annonce de cette bonne nouvelle au monde entier.
A leur tour, tous les hommes étaient  potentiellement inondés par le saint esprit, c’est là le don gratuit de Dieu, la grâce.
Cette effusion de l’esprit n’est pas réservée aux seuls disciples. A la Pentecôte tous les hommes peuplant la terre furent symboliquement rendus bénéficiaires de cette force
Du même coup Dieu habitait ainsi en chacun de nous comme le souligne Paul dans ses épîtres aux Corinthiens , Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes?
De ce fait le pasteur Persoz peut écrire
« La religion ne rayonne plus à partir d’un lieu sacré, mais à partir des hommes habités par l’esprit de Dieu. C’est maintenant à ces hommes de protéger Dieu de leur personne, de lui permettre d’exister. Ils doivent lui réserver un espace pour vivre». 
Le temple de Jérusalem peut être détruit il n’a plus d’importance comme séjour de Dieu.
Cela veut dire que les sacrifices pour faire venir Dieu dans un  temple de pierre bâti par les hommes n’ont plus aucune raison d’être.
C’est l’individu que Dieu prend en considération, c’est en lui qu’il habite. 
Dieu n’appartient plus à un peuple élu.
Voilà ce que Paque signifie pour nous chrétiens.
Plus précisément la loi figurant dans les livres du Pentateuque, si pointilleuse, exigeant une attention de tous les instants de la part des juifs pour éviter les interdits, les atteintes à la pureté, est considérée par Jésus comme seconde et dépassée. Le premier commandement est dorénavant « tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, tu aimeras ton prochain comme toi-même »
Car aimer son prochain revient à aimer Dieu puisque ce prochain est, lui aussi habité par l’émanation de Dieu qu’est l’esprit.
Jésus en bon berger s’intéresse au troupeau certes mais s’attache surtout à ramener la brebis perdue.
Cette attention portée à l’individu est corrélée avec la libération de la pensée.
La loi ne s’applique plus sans discernement, chaque individu est libre et responsable, c’est ce que Paul exprime en 1 Corinthiens 6:12
« Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile; tout m’est permis, mais je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit. »
Pour moi c’est le texte le plus fort des épîtres de Paul.
Nous sommes libérés mais responsables en tant que dépositaires d’une parcelle de Dieu.
Nous sommes libérés de nos peurs quant au futur, habités par Dieu, nous sommes le temple sacré et ce temple ne saurait être détruit car Dieu est le maître du temps.
« Ne crains plus petit troupeau » s’exclame Jésus, soucie toi d’abord de faire vivre le  projet de Dieu dont  Jésus nous a dévoilé les tenants.
Luttons pied à pied contre les tentatives perpétuelles des humains pour affadir le sel de la terre que nous sommes.
Ces hommes et femmes nos frères et soeurs abattus par la peur, terrés dans la chambre haute à Jérusalem, cherchant à retourner chez eux en Galilée pour retrouver leurs activités, leurs familles et leurs habitudes se sont trouvés transcendés, réveillés, illuminés.
D’un coup ils saisirent la pleine signification des messages transmis par Jésus, ils accédèrent à la vie.
Mourir avec le vieil homme et renaître redressés, régénérés comme le furent aussi les hébreux sur les chemins du désert. Tel est le message de Paul que je vous propose de partager  ce jour de Pâques.
S’Il est un miracle, c’est celui de la soudaine renaissance de ces hommes terrassés, morts à l’espérance puis  ressuscités sous l’impulsion de l’esprit.
Ce n’est pas Dieu qui protège, contrairement à ce que les hommes recherchent en bâtissant des idoles mais nous qui protégeons Dieu en toute responsabilité.
Pour conclure, je veux ajouter cet enseignement symbolique.
Jésus fut baptisé d’eau par Jean Baptiste et Dieu fit descendre l’esprit sur lui.
Jésus est ainsi le premier homme à avoir reçu l’esprit.
De ce fait, Dieu restaurait l’homme tel qu’il l’avait conçu en l’Adam d’avant la faute.
Ce n’est pas par hasard que Jésus est conduit au désert par l’esprit, il y est tenté par Lucifer. Mais alors qu’Adam avait succombé à la tentation, Jésus résista.
Jésus fut alors véritablement le nouvel Adam.
Il retrouva l’immortalité de notre mythique ancêtre.
Comme les récits de la passion le rapportent la mort n’a plus d’emprise sur l’homme habité par l’esprit.

Jésus est ressuscité, les hommes aussi par la grâce de Dieu.
Amen