La parabole des
mines. Luc 19- 12 à 27 lecture du texte
1 Samuel 8, 7 à 22
Cette parabole
est de prime abord troublante. Elle est très proche de celle figurant dans
l’évangile de Mathieu au chapitre 25- 14 à 30 que nous connaissons sous le nom
de parabole des talents.
Je commenterai
celle écrite par Luc car elle contient une indication essentielle en prologue.
« Jésus ajouta une parabole, parce qu’il était près
de Jérusalem et qu’ils imaginaient que le règne de Dieu allait se manifester à
l’instant même »
Jésus entrait
dans le temps du supplice et les disciples n’avaient encore rien compris, ils
attendaient une arrivée triomphale de Jésus.
Leur culture
juive les appelait à croire que le messie des juifs, le nouveau roi d’Israël,
le nouveau David allait enfin régner, c'est-à-dire se manifester comme roi de chair et établir son
royaume avec comme capitale Jérusalem.
Ils s’apprêtaient
donc à acclamer la victoire du roi tant attendu, comme leurs ancêtres avaient en leur temps acclamés le roi Saül
présenté par le prophète Samuel.
Le récit dit des rameaux décrivant l’arrivée
triomphale de Jésus à Jérusalem suit chez Luc le texte de la parabole des
mines.
Or vous savez
combien ce triomphe a un goût amer de mauvaise comédie qui prélude à l’exécution
du soit disant roi des Juifs, abandonné de toute une population d’excités aussi
prompts à s’enthousiasmer qu’à condamner. Dans la foule les disciples
chantaient « béni soit celui qui vient, le roi au nom du
seigneur » !
Après la
parabole, nous venons de l’évoquer, la fête des rameaux, mais avant le texte
relatant la réception de Jésus chez
Zachée, le collecteur d’impôts, qui se termine par cette sentence solennelle
« le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était
perdu ».
C’est dans le
logis même de Zachée, que Jésus prit l’initiative de prononcer la parabole des
mines avant de partir vers Jérusalem.
Cette parabole
est ainsi insérée dans l’évangile de Luc à un endroit stratégique, elle est de
ce fait, sans aucun doute, nécessaire à la compréhension du message véhiculé
par Jésus.
A la table de
Zachée Jésus narra donc une histoire, celle d’un homme de haute naissance. J’ai
vérifié la signification du terme Grec, eugenes. Il y a deux traductions
possibles ; homme bien né ou esprit noble. Dans toutes les traductions
bibliques c’est la première signification qui a été retenue par les traducteurs.
Ainsi ce
personnage est de haute naissance mais n’est pas forcément un esprit
noble ! Rien ne prouve qu’il ne soit pas comme le dit le mauvais esclave
un homme dur et voleur. Or la quasi totalité des auteurs des commentaires que
j’ai consulté pensent que cet homme
noble est la représentation de Jésus.
L’ homme bien né
s’absente pour se faire investir de la royauté et ensuite revenir, mais ses
concitoyens envoient une ambassade au puissant maître qui investi pour demander
qu’il ne soit pas nommé roi, peine perdue toutefois !
A ce stade de la
réflexion il est indispensable de faire état du contexte historique de la Judée
et de la Galilée, sachant que de sa naissance à sa mort Jésus aura à faire avec
les rois Hérodiens régnant sur la Palestine.
Je vais vous
raconter briévement leur histoire.
Avant de mourir
en 4 AJC, Hérode écrivit un testament qui partageait son royaume entre ses 3
fils. Archelaus reçut les territoires de Judée, Samarie et Idumée, Hérode Antipas reçu entre autres lieux la
Galilée, Philippe plusieurs contrées non juives.
Archélaus, à la
mort de son père en 4 AJC, proposa au peuple de lui présenter ses doléances.
Les porte parole demandèrent moins
d’impôts et la destitution ou la mise à mort des délateurs vendus à Hérode le
grand.
Archelaus ne donna
aucune suite aux demandes, le peuple se révolta, la répression fut atroce, 3000
cadavres furent dénombrés devant le temple à Jérusalem.
Archelaus se rendit
alors à Rome pour faire ratifier par Auguste le testament d’Hérode. Ce qu’il
fit dans l’espoir qu’ Archelaus maintiendrait l’ordre comme son père le fit.
Toutefois, les
troubles s’amplifiaient gravement sans qu’Archélaus puisse rétablir l’ordre. On
violait, volait, tuait, l’impôt ne rentrait plus, un dénommé Juda de Gamala se
proclama même roi en Galilée.
Une délégation
Juive se rendit alors à Rome pour demander la destitution du roi Archelaus. Auguste
n’accéda pas à cette demande et pendant 8 ans Archelaus régna en tyran. Il
destitua même deux grands prêtres trop critiques
à ses yeux de ses mœurs dissolues.
Auguste exaspéré
envoya alors le général Varus à la tête de 3 légions, cantonné à Antioche, pour
remettre de l’ordre et exila Archelaus à Vienne en Gaule.
Dans la lutte
entre les trois légions romaines et les juifs les massacres furent
épouvantables, des milliers de juifs furent massacrés dont au moins 2000 furent
crucifiés. Une forêt de croix s’éleva à l’entrée des villes et tout le long des
routes de Judée, Samarie et Galilée.
La Judée et la
Samarie furent gouvernés dès lors directement par Rome. A Nazareth Jésus venait
d’avoir 9 ans !
En Galilée le roi
Hérode Antipas régna pour sa part jusqu’en 39 AJC, ensuite il fut exilé à St
Bertrand de Comminges.
Dans le domaine
de la cruauté il n’avait rien à envier à son père et à son frère.
C’est lui qui fit
couper la tête à Jean le baptiste et
ridiculisa Jésus lors de son procès comme le rapporte Luc au chapitre 23
versets 11 et 12
« Alors Hérode aussi, avec ses gardes
le traita avec mépris, et après s’être moqué de lui et l’avoir revêtu d’un
habit resplendissant, il le renvoya à Pilate »
Ainsi Jésus
depuis sa naissance et jusqu’à sa mort fut confronté aux rois de la famille
d’Hérode le grand, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils étaient des
tyrans se moquant de toute morale, fous de pouvoir et contrevenant sans retenue
aux lois juives. Il était évidemment marqué psychiquement par ces horreurs et
ce d’autant plus que Joseph et sa famille étaient en exil à Nazareth. Joseph,
en effet, avait choisi, conseillé par Dieu en rêve, d’éviter un retour en Judée
où régnait Archelaus.
La décapitation
de Jean le Baptiste par Hérode Antipas l’avait aussi fortement meurtri.
Nous avons lu le
texte de Samuel sur les dangers des royautés, il s’applique sans mal aux
royautés Hérodiennes.
Le roi dont parle
Jésus dans la parabole est un roi rappelant tellement Archelaus et Hérode
Antipas qu’il est impensable qu’il puisse représenter Jésus.
Ce roi se qualifie lui même d’homme sévère certes
mais aussi de voleur, récoltant ce qu’il n’avait pas semé, prenant ce qui ne
lui appartenait pas.
Il va même
jusqu’à égorger ses concitoyens opposants, enfreignant par là les règles de
pureté Juives.
C’est ce qu’avait
fait Hérode Antipas en décapitant Jean le baptiste ! Le sang chez les juifs est le souffle de vie
qui appartient à Dieu et que celui-ci réclame comme son bien propre. Egorger un
homme est le comble de l’impureté.
Avoir des
esclaves était pour un juif une entorse à la loi.
Proposer à un
esclave de porter l’argent à un prêteur, c’est une abomination car pour les
juifs les prêts à intérêts sont bannis comme indiqué à plusieurs reprises dans
l’ancien testament, ainsi en Deut 23, 20 et 21
« Tu
n’exigeras de ton frère aucun intérêt, ni pour de l’argent, ni pour des vivres
ni pour rien de ce qui peut se prêter à intérêt »
D’ailleurs Jésus,
lorsque la colère le prit à la vue de tant de manquements à la loi mosaïque et
ce dans l’enceinte même du temple, renversa la table des prêteurs ou si vous
préférez des banquiers.
Le mot Grec
traduit par banque est le même dans le texte de la parabole et dans le récit
des marchands du temple.
Sans aucune pitié,
au mépris de toute équité le roi indique
ensuite « je vous le dis on donnera à celui qui a, mais à celui qui n’a pas on enlèvera même ce
qu’il a »
Pouvez vous
imaginer que les disciples venant d’écouter Jésus proclamant qu’il est venu
sauver ce qui est perdu, puissent un seul instant le confondre avec cet homme
bien né certes, mais sacrilège et rappelant tant les rois Hérodiens hais par le
peuple. Eux aussi, comme Jésus avaient été témoins des drames induits par ces
rois délinquants.
Quelle est la
réponse apportée à l’interrogation des disciples, au tout début de la parabole,
sur la manifestation imminente du règne
de Dieu ?
Je n’ai trouvé
qu’une seule réponse à ce questionnement.
En termes
humains, dans ce monde livré à Mammon, les hommes bien nés occupent les places
de choix, ils sont distingués par des titres souvent héréditaires et des
fonctions honorifiques. Ils s’arrogent tous les postes de responsabilité. Ils
réduisent en esclavages les plus pauvres, les moins bien nés, les étrangers.
Ils parasitent parfois la société en refusant de déchoir en travaillant.
Très généralement
ils accumulent les biens au détriment des sans grades.
Telle était la
société du temps de Jésus, telle est la société d’aujourd’hui quand les
régulations ne jouent plus leur rôle.
Jésus vient de
présenter la victoire sur terre de ces rois corrompus dont les prototypes sont
les rois Hérodiens.
Comme nous sommes
parfois nous aussi tentés de le faire, car le malin est tapi en chaque homme, ils
voulaient accumuler les biens, gagner toujours plus, occuper le haut du pavé, supprimer
les révoltés, les apeurés, les non violents, tous ces empêcheurs de danser en
rond.
Après avoir ainsi montré quel était le visage d’un
roi terrestre, visage qu’il ne voulait pas avoir, Jésus partit seul devant le
groupe de ses fidèles pour monter vers Jérusalem.
Et les disciples
chantèrent le jour des Rameaux « béni soit celui qui vient, le roi au nom
du Seigneur ». Porté par la foule
excitée. Jésus allait il régner ?
Pour toute
réponse à cette interrogation, Jésus se tut devant le peuple, Pilate, Hérode,
le sanhédrin. Car ce n’est pas sur le modèle des rois Hérodiens que les hommes
de pouvoir honnêtes peuvent se fonder pour sauver spirituellement leurs affidés.
Jésus ne fonde pas un royaume terrestre mais attise une flamme spirituelle
portée par la communion des saints.
Devant des hommes
pourris par le pouvoir, il n’était pas possible de tenir un langage spirituel
qu’ils ne comprenaient plus.. Ces hommes là discourent en termes d’avoir, de
domination. C’est pourquoi le roi de la parabole récompense les bons esclaves
en leur donnant la direction de villes sur lesquelles ils lèveront l’impôt et
recruterons les guerriers indispensables à leur protection et à de nouvelles
conquêtes.
Quant à l’esclave
qualifié de mauvais, il lui faut bien du courage pour affronter un roi sévère et redoutable. Malgré ses peurs
il refuse de faire des affaires louches, de faire fructifier l’argent sale et
d’enfreindre la loi de Dieu.
C’est lui qui
dans la parabole est le plus important. Son geste ne rappelle t’il pas celui des
objecteurs de conscience et de tous ceux qui à un moment se sont mobilisés pour
dire non à un monde régi par les puissants
bien nés qui prennent ce qu’ils n’ont pas déposé et qui moissonnent ce qu’il
n’ont pas semé. Je pense à cette image indélébile de ce jeune homme sur la
place Tien an Men à Pékin bras en croix barrant la route aux chars de
l’oppression
La vie d’un
esclave est à la disposition de son maître, il la risque en refusant de faire
comme les autres des affaires.
N’est ce pas en
ce pauvre hère qu’il faut chercher Jésus?
Il savait lui
qu’en montant vers le lieu de l’infamie, se dresserait une croix semblable à
toutes celles qu’il vit enfant le long des routes quand il revint de l’exil en Egypte.
C’est au moment de la crucifixion que s’ouvrit, en même temps que le voile du
temple se déchirait, la longue lutte des chrétiens pour construire un monde
nouveau sans injustices.
Chers disciples, frères
et sœurs, Jésus est venu chercher et
sauver ce qui était perdu. Pareil au mauvais esclave insoumis il dit non,
préférant comme lui la justice de Dieu à celle des hommes.
Pas de miracles à
attendre des puissants de ce monde et des rois corrompus, pas de venue d’un
sauveur sur un char étincelant, mais un laborieux travail pour faire triompher
le commandement d’amour du maître. Plus d’esclave, plus d’étrangers, mais des
hommes tous sauvés, tous enfants de Dieu et de ce fait respectables.
C’est à Pâques
que le monde des rois est vaincu, Jésus ressuscite dès lors dans nos cœurs de
chair en nous donnant le saint esprit.
Samuel et Dieu
ont capitulé devant la demande pressente d’un peuple égaré voulant un roi.
Quelque mille ans
plus tard en suscitant Jésus, Dieu est venu à notre secours pour nous guider
sur la voie du changement radical permettant seul de parcourir les chemins de l’évolution.
Evolution de
l’humanité mais aussi du créateur dans relation qu’il nous appartient
d’orienter selon les enseignements de Jésus.
Le souvenir des
plus puissants rois se perd dans les sables des déserts, la présence de
l’esprit saint en chaque humain éternise notre vie.